A 89 ans, Mugabé sollicite un nouveau mandat


L'opposition n'aura pas eu le choix : mercredi 31 juillet, conformément au souhait du président Mugabe, et de son parti, la ZANU-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe, Front patriotique), les bureaux de vote ont ouvert à travers le Zimbabwe.
Des élections générales ont été convoquées en l'espace de quelques semaines, destinées à permettre l'élection, notamment, d'un nouveau président, qui a de bonnes chances d'être aussi l'ancien. Robert Mugabe, 89 ans, dirige le pays depuis 1980 et compte bien être élu pour un nouveau mandat.
 
Sur les cinq candidats qui figurent sur les listes, deux hommes, dont l'affrontement semble être devenu la raison d'être, engagent un nouveau combat, le troisième en treize ans : Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai, son opposant, devenu premier ministre dans le cadre du gouvernement d'union nationale mis sur pied en 2009 pour éviter un bain de sang.
 
Peut-être ces élections générales vont-elles marquer la fin d'une histoire. Depuis le début de la crise de l'an 2000, née de la rencontre de difficultés économiques et de la première menace contre l'hégémonie de la ZANU-PF par le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de M. Tsvangirai, le Zimbabwe a connu les pires difficultés. Violences, chômage, effondrement de l'économie, inflation ingérable, pénuries, millions de Zimbabwéens réfugiés dans les pays voisins...
 
Avec ce scrutin, auquel sont appelés en théorie 6,4 millions d'électeurs – dont le registre n'a été rendu public que la veille de l'élection –, c'est la fin du gouvernement d'union nationale et, avec lui, la fin d'un cycle de collaboration ambiguë et forcée entre les deux ennemis.
 
MORGAN TSVANGIRAI DÉNONÇAIT  LE SCRUTIN DE 2008 COMME UNE "ESCROQUERIE VIOLENTE"
 
Robert Mugabe est âgé. Sa santé fait l'objet de spéculations. Quant à Morgan Tsvangirai, 61 ans, il pourrait ne pas se relever d'une nouvelle défaite. Les responsables du MDC se sont enrichis pendant cette période de cohabitation. Pas leurs électeurs. Des sondages ont détecté une érosion de la base électorale du MDC, mais au Zimbabwe, les sondages sont peu fiables, en raison de la peur d'exprimer un avis publiquement.
 
Le risque est réel de voir des fraudes ou des intimidations orchestrées par ces mêmes forces de sécurité, comme le dénoncent des associations de défense des droits de l'homme, notamment la Crisis in Zimbabwe Coalition (Coalition de crise au Zimbabwe), qui regroupe les organisations locales. Le groupe de recherche Research and Advocacy Unit (RAU) a compté 63 circonscriptions dans lesquelles le nombre d'inscrits est supérieur au nombre d'habitants.
 
Le processus électoral menace de reproduire l'échec du scrutin précédent, en 2008. La production agricole était au plus bas. L'inflation, à la fin de l'année, allait atteindre les... 213 000 000 000 %. Le MDC défendait alors une politique de réforme et d'ouverture vers l'extérieur. Selon le Dr Phillan Zamchiya, chercheur à l'université d'Oxford, le MDC a cru à la victoire : "L'environnement était relativement paisible, les militants de l'opposition étaient autorisés à faire campagne librement (...), on signalait peu de cas de violences..."
 
Tout a changé avec les résultats du premier tour, attendus plus d'un mois et donnant Morgan Tsvangirai en tête avec 48 % des voix, alors que Robert Mugabe était deuxième, avec 43 %. Avant le second tour, la machine répressive s'est mise ne marche. Au moins 200 personnes ont été tuées. Des milliers d'autres arrêtées et torturées. De nombreux sympathisants du MDC se sont alors exilés en Afrique du Sud. Une semaine avant le scrutin, cédant à la menace d'un bain de sang, Morgan Tsvangirai décidait de se retirer et dénonçait une "escroquerie violente".
 
Dans la foulée, alors qu'un durcissement des sanctions était envisagé (celles des Nations unies seront bloquées par le veto de la Russie et de la Chine), l'Union africaine avait proposé la création d'un gouvernement d'union nationale. Il s'est mis en place en 2009 et a enregistré quelques succès, comme d'avoir mis fin à l'inflation en "dollarisant" l'économie, qui bénéficie depuis d'une reprise, sans parvenir à offrir des perspectives à 80 % de chômeurs. Il y a désormais des choses à vendre dans les magasins du Zimbabwe, dont les habitants n'en sont plus à venir acheter des couches-culottes ou des oranges en Afrique du Sud.
 
"COMBIEN DE TEMPS ENCORE ON ALLAIT SE LAISSER TUER SANS RÉAGIR ?"
 
L'enjeu de cette élection n'est pas seulement le duel entre Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai, mais l'avenir du Zimbabwe sans eux. En mars, l'Union européenne a levé une partie de ses sanctions contre les personnalités du pouvoir et certaines sociétés zimbabwéennes. Le risque est donc de voir le scrutin – auquel les observateurs européens n'ont pas été invités, et dont les missions électorales se composeront de 600 observateurs d'organisations africaines ainsi que de 5 000 Zimbabwéens –, être validé à l'étranger, en dépit de violences et d'intimidations.
 
"A l'extérieur, la volonté de normaliser les relations avec le Zimbabwe est manifeste", note Trevor Maisiri, analyste à l'International Crisis Group. Les perspectives économiques, notamment dans le secteur minier, d'un Zimbabwe "normalisé" à la hussarde, jouent un rôle dans cette tentation de fermer les yeux sur les abus.
 
Récemment, à Johannesburg, lors d'une réunion de militants zimbabwéeens en vue de la préparation des élections, un homme proche du MDC demandait "combien de temps encore on allait se laisser tuer sans réagir". Dans la salle, les participants, tous proches de l'opposition, plaidaient pour la non-violence avec un embarras qui ressemblait furieusement à un air de défaite.

Source: Lemonde.fr

Mercredi 31 Juillet 2013 14:57

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