ABOU LO, MINISTRE DE LA COMMUNICATION, DES TELECOMMUNICATIONS ET DES TICS : «Les anciens ministres de la région de Matam, n’ont rien fait»

Le ministre de la communication, des télécommunications et des TICS, Abou Lô, n’a pas été tendre avec les anciens ministres de la région de la Matam sous le régime de Abdoulaye Wade. Sans les citer nommément, «l’Allemand» de Macky Sall, a déclaré dans une interview accordée à l’Envoyé Spécial de Sud Quotidien, que ces derniers n’ont rien fait pour la région de Matam qui reste encore la plus pauvre du Sénégal. Il en veut pour preuve l’image que reflète la capitale régionale qu’il qualifie de «gros village». Par ailleurs, Abou Lô est revenu sur la distribution de l’aide à la presse. Pour plus de transparence et moins de contestation, il envisage de mettre sur pied une «commission indépendante», sans occulter sa volonté de faire adopter le projet du nouveau code à la presse. Entretien. Sud Quotidien : On constate de plus en plus l’intérêt des Sénégalais de la diaspora de la région pour la politique (Abdou Lô avait émigré en Allemagne Ndlr). D’aucuns pensent que vous allez bousculer les anciens cadres ?

Abdou Lô :


: Nous ne sommes pas là pour dire : ôtez-vous de là, pour qu’on s’y mette ! La plupart des émigrés que je connais, les cadres sénégalais haut placés, ont dû diviser leur salaire par deux voire par trois. Je connais quelqu’un qui gagnait six fois plus à l’Etranger mais qui a tout laissé tomber pour venir soutenir son pays.

Nous avons constaté que nous pouvons réussir, que nous pouvons mieux vivre. Mais, si pendant ce temps, nous lisons dans les journaux à travers l’internet, que nos populations restées au pays souffrent, même si nous roulons sur de l’or ailleurs, nous n’arriverons jamais à dormir.
C’est pourquoi, la plupart d’entre nous avons jugé nécessaire, de revenir travailler pour notre pays. Comme le dit le président Macky Sall : «la patrie importe plus que le parti». Nous, nous disons, que le bien être individuel n’est pas important comparé au bien être social, global du peuple sénégalais.
 
Beaucoup estiment qu’en plus du pouvoir économique dont les émigrés disposent dans la zone, ils sont à la recherche du pouvoir politique ?

 Le fait que les émigrés construisent des écoles, participent à l’édification des édifices religieux ou des centres de formation religieuse, des canalisations des villages, est un signe patent du désengagement de l’Etat. Ce qui n’est pas normal. Les émigrés ne doivent pas être des piliers du développement local. Il ne faut pas inverser les rôles. Nous avons émigré parce que nous n’avions pas la possibilité de vivre selon notre vision et selon notre volonté et c’est parce qu’il n’y avait pas non plus des possibilités d’épanouissement. Nous voulons que ceux qui sont nés et ont grandi ici après avoir obtenu leur diplôme puissent avoir une vie décente comme celle que nous avons acquise à l’extérieur. Pour ce, il doit y avoir des politiques d’appui avec des partenariats pour que ces jeunes puissent avoir ces possibilités.

Des potentialités existent. Et notre rôle, c’est d’apporter, notre modeste contribution. Par conséquent, nous ne voulons pas de pouvoir politique. D’ailleurs, si nous revenons, nous perdons notre puissance supposée économique et nous devenons des Sénégalais comme les autres qui sont restés ici.

Notre problème se situe ailleurs. Nous voulons que l’Etat occupe son rôle régalien en aidant les populations via des infrastructures de développement.

Vous avez hérité de l’ancien régime le projet du nouveau code de la presse. Il avait été adopté en Conseil des ministres, avant que les députés ne le rejettent. Que comptez-vous faire concrètement pour qu’enfin, ce projet cher à la presse sénégalaise soit adopté ?

C’est un dossier que j’ai pris à bras le corps dés mon arrivée dans ce département. Je me suis entretenu du dossier avec vos collègues du Synpics (Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication sociale, Ndlr). J’en ai aussi parlé avec les patrons de presse.

Je pense que c’est un code qui est très bien rédigé. J’ai eu l’occasion de le lire. J’ai eu également l’opportunité de parler avec le comité scientifique qui l’a rédigé. J’ai reçu beaucoup de conseils des agents de mon département. J’ai la ferme volonté de faire passer ce nouveau code à la nouvelle Assemblée nationale.  Mais, il y a quelques petits réglages à faire. Si, le code a été rejeté, c’est parce qu’il y a certains points qui ne convenaient pas. Je ne dis pas que les actuels parlementaires ont raison ou tort. Mais, le problème, c’es quand il y a blocage, il faut essayer d’aller au-delà de ce blocage, regardez les points d’achoppement et apporter des solutions.

Quels sont les blocages ?

Le principal blocage, c’est la dépénalisation des délits de presse. Je ne suis pas un expert en droit. Je n’ai pas l’ambition de l’être (rires). Mais, je vais essayer de réunir quelques parlementaires. A défaut, reprendre quelques procès verbaux, les analyser, parler avec les intéressés pour qu’on puisse évacuer ce contentieux et passer à son adoption.

Je pense que dans un pays comme le nôtre, nous devons être ouverts au dialogue, au consensus. Il ne peut pas y avoir des positions telles que je l’ai lu dans la presse où des gens disent : «ce code ne va pas être révisé». Nous sommes là avant tout, pour chercher des solutions. Or, qui parle de recherche de solutions, parle de dialogue, de partenariat. Moi, je suis là pour écouter, analyser et trouver des solutions. C’est pour cette raison que j’ai besoin de tout le monde. Nous sommes là, pour faire des résultats. Nous ne sommes pas là pour des conflits à durée indéterminée.

Nous sommes là pour chercher des solutions rapides. Je l’ai dit lors de ma prise de fonction. Je veux travailler dans l’efficacité et la célérité. Parce que dans ce pays, il y a beaucoup d’urgences. Nous devons avoir ce code de la presse derrière nous pour aller vers d’autres chantiers.

L’autre patate chaude, c’est la répartition de l’aide à la presse qui est souvent décriée à cause de la part belle faite aux organes estampillés proches du régime ? Que comptez-vous faire pour y remédier ?

D’abord, ce n’est pas une patate chaude pour moi. Ou bien, même si elle était chaude, elle s’est maintenant refroidie. Parce que l’appui à la presse a été déjà distribué. Il ne reste que la partie destinée à la formation. Je l’ai déjà dit aux auditeurs de presse. Je ne suis pas là pour créer Fouta FM ou Sinthiou Garba FM (nom de son village natal, Ndlr), afin de donner de l’argent à mes proches.

Je ne vais pas m’impliquer dans la distribution de l’aide à la presse. Ce n’est pas mon problème. Je suis là pour faire respecter les critères d’attribution, pour respecter la politique du gouvernement telle qu’elle a été conçue par le président de la République. Donc, je suis là pour l’équité.

D’ailleurs, j’ai fait une proposition très simple. Je vais créer une commission indépendante qui va s’occuper de la distribution de l’aide. Ce sera transparent. Tout le monde verra qui a reçu quoi, combien et pourquoi, selon quel critère.

Je ne suis pas là pour une presse pro-Abou Lô ou pro-Apr. ce n’est pas mon rôle. Je n’ai pas besoin de publicité à travers des organes de presse. Ma publicité tout comme celle du président de la République, ce seront les réalisations, les résultats. En tout cas, en ce qui me concerne, je ne vais pas avoir des organes de presse que je vais financer pour qu’ils parlent de moi. Rassurez-vous, la prochaine aide, se fera dans la transparence, la plus absolue.

Vous êtes ministre de la communication mais on attribue la fonction de porte-parole du gouvernement, un poste généralement dévolu à votre département, à Sérigne Mbaye Thiam. N’y a-t-il pas risque de doublon ?

Non, il n’y a pas de doublon. Les missions sont très claires. Je pense que les missions et les attributions d’un ministère, relèvent du pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat et de son Premier ministre. Je n’ai rien à dire là dessus.

Mon collègue Sérigne Mbaye Thiam, chargé aussi de l’enseignement supérieur fait correctement son travail. Vous avez vu que les communiqués des conseils de ministres arrivent à temps. Nous travaillons en collaboration et dans la solidarité la plus absolue.
Que répondez-vous à ceux qui disent que Wade avait nommé quatre ministres issus de la région de Matam, alors que Macky Sall n’a donné qu’un seul portefeuille à un ressortissant de la zone.

Même si tous les membres du gouvernement d’Abdoulaye Wade étaient issus de la région de Matam, s’ils n’ont rien fait ici, ça n’a aucun sens.

C’est votre  sentiment ?

Ils n’ont rien fait ! Au vu des urgences, des opportunités qu’offrent la région de Matam, si on devrait juger sur une échelle de 1 à 5, ils seraient peut-être à 2.  Donc, ils n’ont rien fait ! Je pense que ce n’est pas le nombre de portefeuilles que l’on attribue à la région qui est  important.
Par exemple le portefeuille que j’ai l’honneur de diriger, n’est pas un portefeuille pour larégion de Matam. Je suis un ministre de la République, ayant la charge de la communication, des télécommunications et des TICS.

C’est un ministère transversal. Ce n’est pas pour la région de Matam. C’est pour tout le Sénégal. La région de Matam avait l’habitude d’avoir quatre voire cinq ministres. Mais, nous tous connaissons le retard de la région.

Imaginez un seul instant si, un conseil interministériel délocalisé devait se tenir à Matam ? Nous avons des problèmes de locaux ! A commencer par là. Donc, qu’est ce qu’ils ont fait ? Ils n’ont rien fait !

M. le ministre, la construction des infrastructures est une mission de l’Etat ?

Mais justement, ils symbolisent l’Etat ! Ils étaient là pour appliquer et pour faire appliquer la politique définie par le gouvernement. Le Gouvernement, c’est l’Etat ! Donc, il ne faut pas dire que c‘est l’Etat qui devrait le faire ! Ce sont eux qui devraient le faire ! Mais, ils ne l’ont pas fait. Nous avons une capitale régionale, qui n’est autre qu’un gros village. Ils ont créé une région sans pourtant la doter des infrastructures nécessaires. Pourtant, elle a d’énormes potentialités économiques. Nous n’avons pas d’usine. Nous n’avons rien. C’est une région, qui a une grande potentialité agricole. Mais, absolument rien n’a été fait ici.

Si une région au Sénégal doit accueillir un centre de formation des métiers d’agriculture, c’est bien sûr Matam. Ils avaient douze ans pour le faire. Ils ne l’ont pas fait. La région de Matam a une vocation agricole, d’élevage, sans occulter le potentiel minier, avant les phosphates de Ndendory. Mais ça n’a rien servi aux fils de la région.

Le nombre de ministères que nous avions, comparé aux résultats obtenus sur le terrain, c’est vraiment aberrant. Abdoulaye Wade disait partout que son gouvernement était formé par des gens de Matam, «mon fils est entouré par des gens de Matam». Mais, ils n’ont rien fait. Ils venaient ici par avion, narguaient les populations avant de retourner. Je peux donner des exemples concrets.

Allez-y ?

Ce n’est pas la peine. Ils ont fait leur temps. Maintenant, ils ne vont pas revenir. Nous voulons aller de l’avant. Je veux simplement dire que ce n’est pas le nombre de ministres qui est important. L’important, c’est d’aider la région en appliquant les politiques définies par le gouvernement pour la région. Sur ce plan là, le gouvernement d’Abdoul Mbaye va répondre aux attentes des populations de Matam.

Source: Sud Quotidien

Moussa Sarr

Jeudi 5 Juillet 2012 11:04

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