" Le juge aura le dernier mot !". Telle est la conviction de l'ancien ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall, qui s'est invité dans la polémique autour de la possibilité ou non d'abroger la loi d'amnistie adoptée durant les dernières semaines du régime de Macky Sall. Après la controverse juridico-politique sur « l'abrogabilité » ou la « révocabilité » ou encore l’annulation de la loi sur l'amnistie de 2024, il conviendra de faire place au juge constitutionnel qui pourra se prononcer bien avant ou juste après l’adoption de ladite loi. Il ne restera qu’à s’incliner devant le verdict des sages, a-t-il notamment précisé dans une note prévenue à Seneweb. Le constitutionnaliste d'ajouter : "Avant même que ne soit envisagé le vote de la loi, le président de la République peut, après avoir mesuré l’intensité de la controverse juridique et la sensibilité politique et sociale de la question, saisir le conseil pour avis. Il s'agira juste de mettre en œuvre les dispositions de l'article 92 nouveau de la Constitution qui prévoit en son alinéa 2 que 'le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de la République pour avis'." Le Pr. Fall a, ainsi, rappelé qu’au regard de cette innovation de 2016, le conseil a désormais une attribution consultative dont le champ est élargi, pouvant porter sur la juridicité de toute question politique et sociale. Son avis favorable ou défavorable à l’abrogation ou à l’annulation de la loi serait, au regard de l’article 24 de la loi organique 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel une décision qui s’impose à tous. Selon l'ancien garde des Sceaux, "la haute juridiction rend, en toutes matières, des décisions motivées qui ne sont susceptibles d'aucune voie de recours et s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (article 92 de la Constitution)". Maintenant, explique le professeur de droit public, "si le conseil n’est pas saisi en amont pour avis sur une question simplement posée ou au travers d’un avant-projet de texte et après l’éventuel vote de la loi envisagée par la nouvelle Assemblée nationale, les députés adversaires de l'abrogation/annulation pourraient, en vertu de l’article 74 de la Constitution, attaquer la loi devant le Conseil constitutionnel. Là aussi, la décision du conseil, quelle qu’elle soit, s’imposera à tous. On peut rappeler, à cet égard, sa décision du 12 février 2005 relative à une loi d’amnistie (loi Ezzan)".