Accusé de blanchiment d’argent, escroquerie sur deniers publics, association de malfaiteurs,... : Pour Aïdara, Y’A RIEN

Poursuivi pour association de malfaiteurs, escroquerie portant sur des deniers publics et blanchiment d’argent, Aïdara Sylla plaide évidemment non coupable. Pour ses avocats qui ont saisi la Chambre d’accusation pour annuler simplement l’ensemble des inculpations dirigées contre lui, les accusations retenues sont fantaisistes.


Depuis le 20 mars 2013, les avocats Mamadou Lo, Saér Lo Thiam,  Ousmane Sèye, Sandembou Diop et Soulèye Mbaye ont ficelé leur dossier de défense pour convaincre les juges de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar pour obtenir l’annulation des poursuites contre leur client. Arrêté dans la nuit du 31décembre 2012, Alioune Aïdara Sylla, qui revenait de Dubaï via Casablanca, est poursuivi pour association de malfaiteurs, escroquerie portant sur des deniers publics et blanchiment d’argent. Un chef d’inculpation lourd de conséquences pour l’ancien député libéral dont la proximité avec l’ex-chef de l’Etat lui vaut de croupir en prison depuis quatre mois.  Il est soupçonné d’être son porteur de chèques.

Aux yeux de ses avocats, on a trouvé sur lui des documents anodins pour la plupart, puisque relatifs à des opérations courantes effectuées dans le cadre de ses activités. Ils ajoutent que l’ancienneté et la banalité de ces documents de banque pour la plupart, ne méritaient aucunement la persistance des autorités de Police judiciaire à pousser leurs investigations,  «si ce n’est que mues par une volonté manifeste de violer la liberté élémentaire d’un citoyen». «Comme toute fouille effectuée sur un citoyen, des documents ont été trouvés dans son suit case» à sa descente d’avion.

Dans leur fouille, la Police a découvert des documents émanant de Abdoulaye Wade avant de le garder à vue. Il sera interrogé pendant une semaine, avant d’être présenté au procureur de la République. Sur la base de documents émanant de banques locales, de banques françaises, d’une banque mauritanienne et de deux (02) chèques de banque émis par une banque installée à Dubaï référencée  NCB Dubaï n° 128269 de 3.649.219 Dirhams en date du 07/11/2012 à tirer sur le compte 00555411009 90400 à l’ordre de « Al Fath Trading », NCB 128271 du 7/11/2012 de 13.896.457,97 dirhams, il sera placé sous mandat de dépôt pour les chefs d’inculpation cités ci-haut.

«Malfaiteur sans associés»

Si l’on croit ses conseils, les principes fondamentaux du droit de la personne humaine qui pour des motifs étrangers à l’ordre juridique de la République  ont été sévèrement bafoués dans le cas d’espèce. D’après eux, le procès-verbal d’enquête préliminaire fait apparaître des personnes dont les noms ont été cités : «Malgré tout, les agents enquêteurs ont délibérément circonscrit leurs auditions à quatre (04) personnes entendues comme témoins ; leurs déclarations ne souffrant par ailleurs  d’aucune ambigüité», ajoutent-ils. Or, tentent-ils de convaincre, par définition, une association suppose une pluralité d’acteurs. «En l’espèce, tous les acteurs de l’entreprise dessinée comme «délictuelle» parce que gravitant autour du chèque détenu par M. A Sylla sont identifiés», plaident-ils. Ils sont convaincus que le «fait d’en choisir un pour l’inculper du  chef d’ association de malfaiteurs sans «associés», et le placer sous mandat de dépôt, en singleton unique, relève d’un traitement à la fois discriminatoire et arbitraire». «Cette  démarche singulière s’analyse en une volonté délibérée d’user des prérogatives exorbitantes de la police pour porter des nuisances matérielles et morales à des personnes se situant sur l’autre bord», renchérissent-ils. Une façon de souligner une politique de deux poids deux mesures. Par conséquent, ils assimilent cette arrestation à «un détournement de pouvoirs. Les  poursuites sont assises sur une violation aussi flagrante de la liberté de l’individu», disent-ils.
Par ailleurs, la fouille sur Alioune A. Sylla suivie de son audition a révélé qu’il est actionnaire d’une société sénégalaise titulaire d’un titre foncier n° 13044/Grd d’une superficie de 17.000 mètres carrés environ. Pour ses avocats, ce titre lui a été cédé par l’Etat du Sénégal en 2008 (cf. acte de vente régulièrement conclu le 2 Juillet 2008 entre l’autorité Adminis­trative habilitée à cet effet et Monsieur Alioune Aïdara Sylla). Ils informent que cet acte de cession comporte toutes les signatures autorisées, y compris celle du Directeur de cabinet du ministre de l’Economie et des Finances signant pour le ministre donc pour l’Etat. «Il en a payé le prix sur la base du barème applicable à l’époque, et ce conformément aux dispositions de la loi 94 / 64 du 22 août 1994 autorisant la vente de terrains domaniaux à usage individuel et commercial», plaident-ils. Ils annoncent que son droit de propriété étant établi, aucune poursuite ne peut être fondée sur un droit acquis depuis 2008. «Dans tout pays civilisé, on ne peut pas respecter la loi, et ensuite être sanctionné pour avoir respecté la loi», révèlent Me Ousmane Sèye et ses confrères. Ils pensent que les conséquences qui découlent de cette affaire se nomment «l’absurde, la terreur, l’insécurité de tous et de chacun, la loi du plus fort, le règne de l’arbitraire,  le non droit». Ils sont convaincus que toute remise en cause de ce droit de propriété tend à détruire  le principe même de l’existence de l’Etat, sa continuité, son unicité. Dés lors, précisent-ils, l’usage que M. Sylla  fait de son  droit de propriétaire ne peut donc, sauf arbitraire, donner lieu à une qualification pénale de détournement de deniers publics du fait que dès lors qu’un individu possède une terre, il est libre de vendre cette terre qui est la conséquence naturelle du droit de propriété reconnu par l’article 15 de notre Constitution.
Pour eux, aucun juge ne doit cautionner, ni devant les hommes, ni devant Dieu (vers qui tout retourne), pareille violation. A leurs yeux, dans l’acte d’inculpation, aucun bien précis n’est visé, ni montant du préjudice évalué même provisoirement… Pour eux, le caractère vicieux de la manœuvre résulte de son accolement  avec les deniers publics, accolement conduisant par une simple qualification même fantaisiste au mandat de dépôt obligatoire. Par conséquent, ils pensent que le but réel poursuivi, est la détention vaille que vaille de l’individu.
Pour le délit de blanchiment d’argent, les avocats de Aïdara Sylla informent que ni la Centif (Cellule nationale de traitement des informations financières), ni la Banque centrale (Bceao), ni aucune banque primaire n’a déclenché la moindre alerte pour que la Police Judiciaire ou la Douane puisse déduire que ces deux (02) chèques tirés sur une banque installée à Dubaï (NCB), émis au profit d’une Société installée à Dubaï (Al FathaTrading) et qui n’a aucun compte ni au Sénégal, ni en France, ni dans un Etat de l’Uemoa pour aboutir à sa constitution. Ils pensent donc que ces deux chèques ne peuvent rien blanchir au Sénégal ou au sein de   l’Uemoa.

Délit douanier, bouée de sauvetage

De ce fait, ils persistent à dire que l’autorité dont le nom plane sur ce dossier sans que l’on s’interroge sur ses possibilités financières de disposer de tels avoirs, mérite un peu plus de considération au regard de la fonction suprême qu’elle a exercée dans notre pays pendant douze ans. Ils ajoutent que la Justice risquerait de perdre sa crédibilité tant les incriminations ressortent d’une fantaisie et d’une improvisation à la limite du puéril. Ils posent la question de savoir si un président de la République sortant peut, dans un Etat aussi respectable que le nôtre, être soupçonné de blanchiment d’argent.

Par rapport au délit douanier, les conseils de M. Sylla pensent qu’il permet juste de donner à ce dossier un semblant de crédit pour pouvoir embarquer l’Administration des Douanes. Pour eux, la réglementation des changes a bon dos en ce qu’elle permet de mettre en œuvre le Droit douanier dont le caractère exorbitant justifie systématiquement la privation de liberté. Les prétendues irrégularités redécouvertes après coup résultent d’une très laborieuse alchimie, avancent-ils. Ils ajoutent : «les conditions de mise en œuvre des poursuites fondées sur des infractions à la réglementation des changes, ne résultent d’aucun indice ou  présomption de nature à justifier l’existence d’un contentieux douanier». Pour étayer leurs plaidoiries, ils notent que les chèques ne présentent aucune caractéristique susceptible d’affirmer ou même de présumer leur éventuelle utilisation au Sénégal ou dans un Etat de l’Uemoa. Pourquoi ? «Ils ne sont pas endossables, ils ne sont pas au nom du voyageur, ils sont au nom d’une personne morale qui n’exerce aucune activité économique ni au Sénégal, ni dans un Etat de l’Uemoa, ni en France. Par conséquent, ces effets n’entrent pas dans le champ d’application des importations», argument-ils. En définitive, ses avocats demandent à la Chambre d’accusation d’annuler purement et simplement l’ensemble des inculpations dirigées contre lui. Et d’ordonner sa libération immédiate.


Écrit par Bocar SAKHO

Source: Le quotidien.sn

Samedi 4 Mai 2013 13:00

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