La mésaventure des gens brillants, quelquefois, est dans leur talent ! Paradoxe ? Oui, et c’est dans cette incongruité qu’il faudra chercher les raisons de la douce descente aux enfers de Me Aissata Tall Sall dans la nouvelle alternance à la tête de l’Etat du Sénégal. Avenante et pertinente dans ses prises de position, y compris dans la rigueur de l’opposition des idées ou quelques excès, l’édile de Podor n’en est pas moins une valeur sûre de l’élite politique sénégalaise. Une « élite » dépeuplée de lumières qui sachent traduire en concept une réalité politique, qui savent aussi croiser les idées, sans se renier ni blesser. Dans son port comme ans son verbe, elle a tout pour être une « Grande Royale » des nouveaux temps politiques et, de surcroît, dans la maison socialiste qu’elle a habitée avec abnégation pendant que la plupart de ses occupants se cherchaient une place au soleil… libéral ayant point une aube de 19 mars 2000. Cette aube annonçait le grand soir wadien dans le ciel politique sénégalais. Opposante résolue et pointue, elle a ausculté la pratique républicaine des Libéraux et de leurs alliés, avec la rigueur de l’analyse et une régularité inégalable. Soucieuse de garder la frontière entre parti et république, elle n’a pas hésité à défendre les intérêts sénégalais dans l’affaire du naufrage du Joola devant un tribunal français.
DELIT D’AMBITION OU DE PERTINENCE ?
Cette dame au parcours politique et au bagout respectables a fait deux à trois « scènes » au Parti socialiste de Tanor. Elle a soutenu, à la veille de la présidentielle, qu’il n’y avait pas de « candidat naturel » du PS. En clair, les primaires étaient la voie royale pour désigner un challenger du Président Wade. Elle a aussi reconnu, après la publication des résultats, que le charisme personnel du candidat entrait en compte dans une élection présidentielle. En décodé, Tanor n’a pas eu le même succès que celui de Macky Sall auprès de ses compatriotes. Après avoir perdu deux présidentielles et cristallisé les rancoeurs dans la défaite du Président Diouf, le temps de passer la main sonne. Aïssata Tall Sall n’a pas explicité sa pensée. Malick Noël Seck le fera. Le problème, dit-il, c’est le Secrétaire général du parti. Khalifa Sall et elle sont désignés du doigt comme les parrains idéologiques de ces coups de boutoir. Devant la levée de boucliers, elle viendra au secours du jeune leader socialiste : « On fait un mauvais procès à Malick Noël Seck ».
Délit d’ambition ou de pertinence ? La facture est salée. Tanor, qui, très tôt, a précisé être un partenaire de Macky et pas un souteneur n’a pas encore pris en charge le cas Aïssata Tall Sall. Les noms défilent. Le Gouvernement d’abord : Serigne Mbaye Thiam, Ali Haïdar, Aminata Mbengue Ndiaye… L’Assemblée nationale : Cathy Cissé Wone, proche de Niasse, a, contre toute attente, décroché un poste de vice-président. D’autres dames et messieurs, moins côtés, ont été casés. L’avocate a regardé se jouer la scène de sa nouvelle mise à l’écart. Toujours, avec le soutire et les yeux bien ouverts sur le théâtre mondain politique.
CATHY, REPLIQUE D’HELENE
Nous parlons de Cathy Cissé Wone, à la droite du Secrétaire général de l’Alliance des Forces de Progrès (AFP) à l’inauguration de la douzième législature. Niasse était assis à ses côtés jusqu’au moment où il a versé quelques larmes et brandi son drapeau blanc. Le faiseur de roi prenait place sur le fauteuil de vizir de l’Assemblée nationale. Mme Wone, une militante de la Société civile, a accroché un poste de vice-présidente. Une performance politique dans le cas de figure d’intenses négociations pour retenir la combinaison finale. Aux côtés de Niasse, elle est une réplique d’Hélène Tine.
Il y a un an, personne n’aurait parié une telle ascension pour cette dame. Le contexte de l’après-23 juin, avec la mise en place d’un M23 mixte (politiques et militants de la Société civile) lui a ouvert le boulevard qui mène vers la responsabilité de la campagne du candidat de Bennoo Siggil Senegaal. Niasse troisième, ses militants et électeurs ont posé pied sur le convoi de Macky Sall. Ils réussissent à placer trois ministres au Gouvernement par mi lesquels Malick Gakou, Mata Sy Diallo et Mansour Sy du PIT. Hélène Tine, Dr Malick Diop et Bouna Mohamed Seck sont oubliés. Hélène Tine, surtout ! Elle a repris le flambeau laissé par Me Abdoulaye Babou quand celui-ci rompit avec Niasse pour rejoindre le Président Wade. Elle se démultiplia entre entretiens, débats et conférences pour que les idées de son parti survivent. Niasse l’a ignoré, Serigne Mansour Sy « Djamil » l’a honorée d’une deuxième position sur la liste de Bës du Niakk. Oui, lundi était un jour de gloire pour cette politique hargneuse que le suffrage de ses compatriotes a réhabilitée !
Amadou Lamine NDIAYE lesenegalais.net