Discret et efficace, Aliou Sadio Sow, est le fondateur de la Compagnie sahélienne d'entreprise (Cse), leader du BTP en Afrique de l'Ouest depuis 40 ans. Il est décédé mercredi à Paris, à l'âge de 83 ans.
Beaucoup le connaissent, peu l'ont vu. Un beau vieux. Une silhouette sahélienne. L'allure fière, la démarche juste. La voix posée et l'esprit vif. Aliou Sadio Sow, cheveux grisonnants, était sans âge. Durant toute son existence, celui qui a su séduire les vieux et faire rêver la jeunesse, a réussi à bâtir son empire dans l'ombre.
Après des études d'ingénierie en France, il rentre au Sénégal où il devient cadre de la multinationale Shell. Après 10 ans passés dans le pétrole, il décide de s'investir dans le bâtiment. Un projet rendu possible grâce à un ami banquier qui lui prête 5 millions F CFA pour investir dans le capital de la Compagnie sénégalaise d'entreprise (Cse). C'était en 1970.
Six ans plus tard, Aliou Sow prend le contrôle de l'entreprise qui devient Compagnie sahélienne d'entreprises (Cse). Les débuts sont difficiles. Le fondateur travaille à la sueur de son front. "Je transportais des briques, des sacs de ciment, raconte-t-il dans le magazine Réussite de février 2016. Je faisais le chef de chantiers. J'étais sur pied à 4 heures du matin."
Aliou Sow n'est pas au bout de ses efforts. Il parvient difficilement à décrocher des contrats dans un marché dominé par des majors, qui les combattaient.
Les majors, ce sont les multinationales étrangères qui, à l'époque, avaient le quasi-monopole de la Construction sur le marché africain. "Quand on soumissionnait, on nous demandait si nous étions réellement capables de faire le boulot. Ils ne voyaient pas de Blancs avec nous, donc il s'inquiétaient et prenaient la peine de passer des coups de téléphone pour vérifier notre crédibilité", témoigne Birame Wane, directeur immobilier de la Société du Golf, une branche du holding. Ça c'était avant.
La préférence africaine
Depuis, la CSE, qui se réclame un groupe BTP 100% africain, a fait ses preuves. Dopé son capital et, aujourd'hui, réussi à réaliser un chiffre d'affaires de 100 milliards de francs Cfa.
Terrassement au nord du Sénégal, échangeurs à Dakar, complexe de bureaux et d'appartements au cœur de la capitale, palaces sur la corniche de Dakar…, la renommée de la CSE est faite.
Son succès, Aliou Sow le doit également à son engament à l'international, qui lui permet d'asseoir une notoriété dans une grande partie du continent : Mali, Cameroun, Guinée, Sierra-Leone et Niger. Les affaires marchent bien.
1980, l'année faste pour Sow. Il décide de diversifier ses activités et se lance dans la finance. Il devient actionnaire majoritaire (66% du capital) de la Banque sénégalo-tunisienne. En 2006, il revend sa part au marocain Attijariwafa Bank. Et amasse une belle cagnotte.
Pragmatique, le businessman, fait affaire avec les gouvernements qui se sont succédé au Sénégal. À 78 ans, il décide de céder sa place à ses héritiers, Oumar, qui devient Pdg, Ardo et Yérim, déjà parmi les hommes d'affaires les plus en vue au Sénégal. Mais il n'est pas loin, il occupe le poste de Président du conseil d'administration.
Célèbre dans le monde des affaires, Aliou Sow l'est tout autant dans la vie sociale. Ses penchants de mécène ne font pas mystère. "Après la construction de la cité Golf de Cambérène, il a offert à tous ses ingénieurs qui travaillaient dans les chantiers une villa. Il a aussi entièrement financé la mosquée du quartier", raconte un habitant de la cité Aliou Sow. "C'est un casse-tête de le voir. Mais, quand on pose les yeux sur lui, c'est la fin des ennuis", dit-on de lui.
Pour de multiples pères de famille, Aliou Sow avait le cœur sur la main. Il va leur manquer.