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Amsatou Sow Sidibé, ministre-conseiller auprès du président de la République : «Nkrumah Sané est une pièce maîtresse dans la crise casamançaise»

Ministre-conseiller du président de la République en charge de la crise casamançaise, Amsatou Sow Sidibé a rencontré Nkrumah Sané et les Casamançais de France.
Pour Mme Sidibé, Mamadou Nhkrumah Sané est «une pièce maîtresse» dans le processus de paix en Casamance. Dans cet entretien avec les correspondants de la presse sénégalaise à Paris, elle réclame la réduction du nombre d’intervenants dans le processus de paix en Casamance. Elle évoque le mandat d’arrêt qui pèse sur le rebelle casamançais, son éventuelle candidature aux élections locales, ses conditions de travail à la Présidence de la République, de Benno Bokk Yakaar, etc.


Amsatou Sow Sidibé, ministre-conseiller auprès du président de la République : «Nkrumah Sané est une pièce maîtresse dans la crise casamançaise»
Wal Fadjri : Vous êtes à Paris où vous avez rencontré des membres du Mouvement des forces démocratiques de Casamance dont Mamadou Nkrumah Sané. Pouvez-vous en faire l’économie ?

Amsatou Sow SIDIBE : Effectivement, je suis en mission à Paris pour rencontrer la diaspora casamançaise. C’est la troisième fois que je rencontre M. Nkrumah Sané. C’est important parce que Nkrumah Sané est une pièce maîtresse dans la question de la crise casamançaise. C’est une figure emblématique du Mfdc. Mais, j’ai également, comme je le fais toujours, discuté avec d’autres Casamançais de France. Ce sont des rencontres qui sont toujours fructueuses au cours desquelles je discute avec ces personnalités des voies et moyens pour arriver à la paix en Casamance. Nous discutons à bâtons rompus, en toute confiance. Je crois que c’est fondamental. Mais, c’est l’occasion pour ces gens de dire ce qu’elles trouvent de positif ou de négatif dans la démarche des uns et des autres.

Je sais qu’ aujourd’hui, il y a une nouvelle dynamique qui est créée avec un nouveau régime. Il y a de nouveaux acteurs qui sont impliqués et qui sont dans d’excellentes dispositions avec la volonté d’obtenir des résultats tangibles. Mais, après de multiples rencontres que nous avons eues, nous sommes en train de nous poser des questions sur l’effectif pléthorique d’interlocuteurs. Ça n’a pas commencé aujourd’hui. Mais je pense que, justement, la rupture aujourd’hui, ce serait de rationaliser les stratégies de conquête de la paix en Casamance. Il faut qu’on arrive à avoir un certain nombre d’interlocuteurs valables aux yeux du Mfdc, mais qui puissent mettre en confiance les uns et les autres pour obtenir des résultats tangibles.

Qu’en pensent les autres intervenants dans le dossier ?

Ils pensent la même chose sinon je n’en aurais pas parlé. Parce que l’impression, la volonté à la base, c’est important. Or la volonté à la base, c’est d’avoir des interlocuteurs identifiés et identifiables et non une pluralité d’acteurs qui agit certes de bonne foi, mais qui a l’inconvénient de brouiller plus ou moins le processus de paix. (…)

Allez-vous demander au président Macky Sall de faire le ménage pour rationaliser le nombre d’interlocuteurs ?

Je dois d’abord préciser : ce sont toutes des personnes animées d’une bonne volonté. Mais il faut rationaliser. Je n’imposerai rien au président de la République, mais mon expérience sur le terrain me dit qu’il faut rationaliser car la multiplicité des interlocuteurs crée un manque de confiance vis-à-vis de celui qui est en face. Il faudrait qu’il y ait une synergie d’actions. La dispersion ne fait que gaspiller l’énergie.

Il en faudra combien, selon vous ?

Je ne sais pas, mais il faut rationaliser.

Combien sont-ils aujourd’hui ?

Ils sont des milliers.

On accuse certains de se nourrir du conflit…

Ça ne doit pas manquer. Il y a certainement des gens qui se nourrissent sur le dos des Casamançais et des Casamançaises, donc du peuple sénégalais. Et c’est dommage. Il y a un nettoyage à faire si on veut réussir la mission. C’est le terrain qui me le dit.

D’ailleurs certains pourraient se demander ce que vous faites dans ce dossier en se disant que vous ne connaissez pas bien la Casamance alors que vous vous investissez dans la région depuis longtemps. N’est-ce pas ?

Je suis dans la région depuis très longtemps. Je réfléchis à la question depuis très longtemps. Je suis le processus depuis très longtemps. Je suis partiellement impliquée en Casamance. Par exemple, dans certaines zones de Casamance, je suis citoyenne d’honneur. Et puis, pour résoudre ce conflit, il faut le faire avec les Casamançais de souche, mais il ne faut pas le faire seulement avec les Casamançais de souche. Il faut le faire avec des personnes qui, de l’extérieur, voient clairement les choses. C’est important. De surcroît, moi, je suis, depuis 20 ans ou plus, directrice des études ou directrice de l’Institut des droits humains et de la paix. Ce que nous faisons, c’est enseigner comment arriver à la paix, comment faire pour prévenir les conflits, comment faire pour consolider la paix. Nous avons quelques trucs et astuces pour le règlement des conflits. Nous avons pensé qu’il faut mettre en place l’espace dialogue, vérité et réconciliation, apaiser les cœurs, assurer l’harmonie, remettre les personnes en confiance. C’est la base de la paix. Tant que cela n’existera pas, il n’y aura pas de paix en Casamance.

(…)

Où en êtes-vous avec les négociateurs de Sant’ Egidio ?

Je n’ai jamais participé aux négociations de Sant’Egidio. Je n’ai pas encore eu la chance de discuter avec eux. Donc je ne peux rien vous en dire.

Mais en tant que ministre-conseiller chargé de la question…

(Elle coupe). Je ne peux rien vous dire. Je ne connais pas. Je sais seulement que c’est en Italie. C’est tout.


Vous avez rencontré Nkrumah Sané. Qu’est-ce que vous vous êtes dits ?

Nous nous sommes dits beaucoup de choses. C’est avec beaucoup de bonheur, de sympathie et de confiance qu’il m’écoute toujours. Nous avons discuté pendant trois à quatre heures à bâtons rompus. Nous parlons de tout. Il me rappelle tout ce processus historique qui nous a amenés au conflit. Il donne aussi son point de vue.

Il est considéré comme un extrémiste du Mfdc. Avez-vous senti une évolution dans sa position ?

Ce n’est pas quelqu’un qui est contre la paix. Ce serait une erreur de croire que Nkhrumah Sané est contre la paix. Mais il veut négocier. Il veut négocier selon les conditions requises.

C’est-à-dire ?

Il a ses conditions, mais je ne peux pas tout révéler. Mais il n’est pas contre la paix. C’est quelqu’un qui a de la suite dans les idées et avec qui il faut savoir discuter, avoir des stratégies très fines et transparentes.

Est-il prêt à aller à la table des négociations ?

Oui.

Quelles sont ses conditions ?

Je vous ai dit que je ne peux pas tout révéler. Mais, il a ses conditions.
Il demande la levée du mandat d’arrêt international qui pèse sur lui
C’est naturel. Nous allons prendre ça en charge. Mais vous savez que la levée des contraintes judiciaires du mandat d’arrêt international est extrêmement importante. D’ailleurs je m’y suis beaucoup investie pour cela et soutenue par le chef de l’Etat qui a levé le mandat d’arrêt international contre Salif Sadio. Il reste à lever les autres mandats d’arrêt internationaux. Celui de Nkrumah Sané est en cours, mais il faut qu’on retrouve ce mandat d’arrêt international qui n’existe pas au Sénégal. Voilà pourquoi nous avons demandé à Me Abdoulaye Tine du Barreau de Paris de faire des recherches au niveau de Paris pour voir où se trouve ce mandat d’arrêt international. S’il existe, sans doute le chef de l’Etat lèvera ce mandat d’arrêt international. S’il n’existe pas, Nkrumah Sané saura qu’il est en toute liberté. Ce sont des préalables importants. Ces procédures judiciaires, il faut les écarter pour que l’espace soit apaisé. J’ai toujours pensé qu’il y a trois choses à faire pour que cet environnement soit apaisé. (…)
Quels sont les autres membres du Mfdc que vous avez rencontrés ?

Ce sont des personnalités avec qui je discute. Nous avons discuté de la paix et de par quelles voies et moyens il faut y parvenir. Par exemple, que faire avec l’armée ? C’est une question qui est agitée. Je ne vous dirai pas ce que j’en pense, mais c’est une question qui revient toujours.

Etes-vous satisfaite de votre voyage ?

Chaque pas que je mène en direction de la paix, c’est un pas positif. C’est un travail de fourmi que nous menons avec modestie. Nous ne disons pas que nous serions à l’origine des retrouvailles, de la fin de la violence en Casamance, du conflit casamançais. Mais nous sommes en train de mettre notre pierre à l’édifice en demandant Dieu de nous aider. Parce que nous aider, c’est aider la Casamance, aider le Sénégal. C’est aussi aider le peuple de Casamance, le peuple du Sénégal.

Vous êtes certes ministre-conseiller auprès du président de la République, mais vous êtes également présidente du mouvement Car Leneen. On va vers les élections locales. Votre parti ira-t-il seul aux élections ou dans le cadre d’une coalition ?

(…) Nous avons l’intention de nous présenter aux locales. Des membres de Car Leneen se préparent à se présenter dans leurs localités.

Et vous ?

Pour le moment, je m’imprègne des questions de l’heure : la question de la Casamance, les droits humains au Sénégal et ailleurs. Il y a des dossiers urgents sur lesquels je suis en train de me pencher.

Donc vous ne serez pas candidate ?

De quoi demain sera fait ? Il n’y a que Dieu qui le sait.

Vous avez dit que vos membres se préparent à ces élections. Mais si la présidente du parti, en l’occurrence vous-même, ne se prépare pas pour entraîner les autres dans le mouvement…

(Elle coupe). Les autres sont en train de se préparer autour de la présidente qui a une mission de supervision, de coordination de l’ensemble des activités du parti. Et je le fais. Maintenant, je ne peux pas affirmer que je me présenterai pour telle ou telle localité pour le moment.

Certains de vos militants estiment que depuis que vous êtes ministre-conseiller auprès du président de la République, votre parti ne s’exprime pas souvent publiquement. Le cas échéant, qu’est-ce qui expliquerait cela ?
C’est vrai que le parti a beaucoup plus tendance à laisser s’exprimer sa présidente. Mais le parti parlera lorsqu’il le jugera nécessaire. Parler pour parler, je pense que ce n’est pas nécessaire. Moi, je parle quand c’est nécessaire.

Vous êtes dans une coalition qui s’appelle Benno Bokk Yaakar. Est-ce que Car Leneen souhaite que cette coalition aille aux élections locales ensemble ?

Tout dépend des discussions. Tenant compte de l’intérêt général, Car Leneen ne négligera pas ses intérêts particuliers. Donc, c’est une question de dosage. Si l’intérêt général ne piétine pas les intérêts particuliers, Car Leneen soutiendra les candidatures dans le cadre de Benno.

Aux législatives, votre parti n’a pas pu intégrer la liste de Benno…

C’était difficile ! On n’a pas pu intégrer cette liste. Ce que nous regrettons jusqu’à présent. Car Leneen avait sa place à l’Assemblée nationale. Si Car Leneen était à l’Assemblée nationale, ce serait un plus pour les populations du Sénégal

Est-ce que vous n’êtes pas à l’étroit à la Présidence de la République ?

(Eclats de rires). Pourquoi vous me posez cette question ?

Parce que la presse a rendu compte que vous aviez été empêchée d’être au présidium au banquet de la Présidence de la République…

Je ne peux être à l’étroit nulle part parce que j’aime mon travail et je m’intéresse à mon travail. Dans mon bureau, j’ai en face de moi des livres, des papiers, un ordinateur avec Internet. Donc, je ne peux m’ennuyer nulle part ; je ne peux être à l’étroit nulle part. Ce qui m’importe, c’est mon travail, c’est mon boulot.

Qu’est-ce qui s’est passé exactement ?

Ça va ennuyer les lecteurs ! J’en ai déjà parlé dans l’émission «Sortie» de Ndèye Astou Guèye (sur Walf Tv, Ndlr). Donc mes réponses vont ennuyer vos lecteurs parce que j’en ai déjà évoqué dans cette émission.
Qu’est-ce qui s’est amélioré en matière des droits humains depuis l’arrivée de Macky Sall au pouvoir ?
Beaucoup de choses ! Déjà la traque des biens mal acquis entre dans le cadre des droits économiques des Sénégalais et des Sénégalaises. C’est un acquis important. Tout ce qui touche au panier de la ménagère, à la réduction des impôts sur les salaires par exemple.
Comme je le dis, il faut toujours être près de la vérité. Mais c’est une quête permanente. On n’a pas la perfection au Sénégal, comme dans d’autres pays. Nous devons toujours nous battre pour aller vers plus de droits humains au Sénégal et ailleurs.
Le régime du président Wade a été beaucoup critiqué sur la question des inondations. Mais celles-ci sont toujours présentes …
Il faut un langage de vérité comme dans le cadre des droits humains. Les populations ont le droit de vivre dans de bonnes conditions. C’est un droit élémentaire. La vérité là, c’est quoi ? C’est ce que chacun doit prendre ses responsabilités. Les populations doivent éviter de construire sans autorisation, de construire dans des zones non aedifcandi. L’Etat aussi a ses responsabilités. Il ne doit pas autoriser les populations à construire dans des zones inondables. L’Etat doit veiller à ça. Ceux qui donnent les autorisations doivent éviter de contourner la législation, les lois et règlements. L’Etat doit aussi trouver des solutions durables. Il y a des pays où l’on construit dans de l’eau et où l’on vit naturellement avec un système de canalisation bien fait. C’est ce que l’Etat doit faire.

Pensez-vous que l’Etat a pris le bon bout ?
Ce que l’Etat doit faire, c’est apporter des solutions durables par le système de canalisation, d’évacuation. Ce sont des solutions qui ne peuvent pas être faites en quelques mois. Il faut des projets solides et urgents à mettre en place, si ce n’est pas déjà fait en prévision d’autres inondations.

Rassemblés par Moustapha BARRY
(Correspondant permanent à Paris)

Source: Walfadjri

Mardi 27 Août 2013 - 08:40










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