« Le plus gros mensonge de l’histoire du sport mondial. » Voilà comment Papa Massata Diack, qui a reçu la chaîne de télévision L’Équipe 21, samedi 20 février, dans un hôtel de Dakar, a résumé les soupçons de corruption le visant. L’ancien conseiller marketing de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) a été placé par Interpol sur la liste des personnes les plus recherchées. La justice française le soupçonne d’être un acteur central de l’affaire de corruption qui secoue l’IAAF.
Son père, Lamine Diack, président de l’IAAF de décembre 1999 à août 2015, a été mis en examen pour corruption passive et blanchiment aggravé, en novembre 2015. Aux enquêteurs français puis au juge d’instruction Renaud Van Ruymbecke, l’ex-président a déclaré que des fonds russes auraient contribué en 2012 au financement de l’opposition pour battre le président sortant, Abdoulaye Wade, avait révélé Le Monde en décembre 2015. En échange, l’IAAF aurait couvert des cas de dopage russe.
Face au journaliste de L’Équipe, Papa Massata Diack reconnaît seulement que son père a pris « la décision politique de reporter les sanctions contre des athlètes russes pour protéger les championnats du monde [à Moscou en 2013]. Il y avait des attaques contre la tenue de ces Mondiaux. La moindre des choses, c’était que le président ait le courage politique d’attendre la fin des championnats pour sanctionner ».
Son père a déclaré, devant les enquêteurs puis face au juge, avoir sollicité une aide financière auprès du président de la Fédération russe d’athlétisme (ARAF), Valentin Balakhnichev ? Papa Massata Diack le « conteste » : « Mon père n’était même pas au courant de ce que Valentin Balakhnichev et moi-même faisions. Il a peut-être parlé sous le coup de cette garde à vue de trente-six heures ou sous le poids de l’âge [Lamine Diack a 82 ans]. »
Papa Massata Diack semble donc écarter d’un revers de main un éventuel rôle de la Russie lors des élections sénégalaises. Entendu plusieurs heures, mercredi 17 février, par la police de son pays, a-t-il livré les mêmes propos ? Le Monde a, en tout cas, trouvé trace de quelqu’un qui tenait une version sensiblement différente, en 2013. Et cet homme n’est autre que… Papa Massata Diack.
« Financements »
Dans un mail adressé à son père le 29 juillet 2013, quelques semaines avant les Mondiaux de Moscou, et que Le Monde a pu consulter, Papa Massata Diack écrit qu’il a expliqué à un responsable du département antidopage de l’IAAF « le rôle politique joué par la Russie dans tes combats politiques au Sénégal, entre novembre 2011 et juillet 2012 [présidentielles et législatives] ». Quel est ce « rôle politique joué par la Russie » qu’il évoque ?
Papa Massata Diack ne semble pas disposé à être plus coopératif avec les journalistes qu’avec la justice. Il a refusé de répondre aux demandes des juges français. Son père a tout de même donné des indications sur ce « rôle politique » mentionné dans le mail du 29 juillet 2013.
« Il fallait à cette période gagner la “bataille de Dakar”, c’est-à-dire renverser le pouvoir en place dans mon pays, le Sénégal, a expliqué Lamine Diack, le 2 novembre 2015, en référence aux élections présidentielle et législatives, en février et juillet 2012. Il fallait pour cela financer notamment le déplacement des jeunes afin de battre campagne, sensibiliser les gens à la citoyenneté. (…) J’avais donc besoin de financement pour louer les véhicules, des salles de meeting, pour fabriquer des tracts dans tous les villages et tous les quartiers de la ville. M. Balakhnichev faisait partie de l’équipe de Poutine et, à ce moment, il y avait ces problèmes de suspension des athlètes russes à quelques mois des championnats du monde en Russie. Nous nous sommes entendus, la Russie a financé. C’est Balakhnichev qui a organisé tout ça. Papa Massata Diack s’est occupé du financement avec Balakhnichev. »
Quant à savoir qui, au Sénégal, aurait touché l’argent russe dont il parle, Lamine Diack a renvoyé vers son fils : « Papa Massata Diack peut vous répondre. » L’ancien conseiller marketing de l’IAAF a beau mettre les propos de son père sur le compte de l’âge ou de la fatigue, il ne peut pas dire qu’il ne sait rien du « rôle politique joué par la Russie » lors des campagnes au Sénégal. A moins qu’il ne démente être l’auteur du mail envoyé à son paternel depuis sa messagerie, le 29 juillet 2013.