Au nom du fils Karim ( Par Madiambal Diagne)


«La meilleure façon de se défendre est d’attaquer.» Abdoulaye Wade semble faire sien cet adage bien connu. Il vient de faire publier un communiqué pour s’insurger contre les nombreuses attaques formulées contre sa gouvernance. Mais la déclaration qui l’a fait sortir de ses gongs est celle du Forum Civil, une organisation de la société civile, connue pour son sérieux et sa crédibilité. L’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Moussa Félix Sow et Mouhamadou Mbodji, Coordonnateur général du Forum Civil, ont révélé que des informations précises indiquent que quelque 430 milliards de francs Cfa ont été transférés de la place financière de Paris vers les pays du Golfe arabique par des responsables du régime du président Abdoulaye Wade. Cette déclaration a été suffisante pour que Abdoulaye Wade, sans avoir encore été personnellement accusé d’une quelconque malversation, monte sur ses grands chevaux pour brandir une plainte contre les responsables du Forum civil. En effet, l’ancien chef de l’Etat mesure bien la portée des révélations du Forum civil.

On ne pourra pas mettre les révélations du Forum civil sur le compte d’une opposition entre responsables politiques, encore moins d’une adversité crypto-personnelle. Cette organisation a fait montre de rigueur et de constance dans son action que Abdoulaye Wade lui-même, face à l’intérêt et la considération que les partenaires du Sénégal accordent au Forum civil, avait été bien obligé de chercher à l’associer à toutes les actions en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Nul ne pourra accuser le Forum civil d’un penchant partisan ou de manquer  de prudence et de rigueur. Abdoulaye Wade sait parfaitement que les informations détenues par le Forum civil sont glanées à bonne source et que l’offensive que voudrait engager cette organisation pour le rapatriement des biens mal acquis fera mouche. Le Forum civil devra trouver au niveau international toute la coopération souhaitée. Les aides, soutiens et autres appuis d’organisations établies en Europe travaillant sur la problématique de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption lui sont déjà acquis. Il s’y ajoute que le soutien des autorités françaises ne fera pas défaut. Toute la classe politique française est déjà acquise à l’idée. Même le chef de l’Etat français sortant, Nicolas Sarkozy n’a jamais fait mystère de son soulagement face à la chute du régime du Président Wade. Le face-à-face qu’il avait eu  mercredi dernier avec son challenger François Hollande avait été une tribune pour Nicolas Sarkozy de se féliciter de l’élection de Macky Sall. Il n’est pas besoin de parler des grandes dispositions du nouveau Président français élu hier, François Hollande, quant à un engagement résolu à traquer les biens mal acquis par des dirigeants africains. En France, des organismes publics comme «Tracfin» qui s’intéressaient depuis de nombreuses années à des transactions financières opérées par des dignitaires du régime du président Wade devront apporter leur soutien à l’action menée par le Forum Civil. On sait aussi que la Banque mondiale, sous la houlette de la vice-présidente Ngozi Okonjo Iweala avait mis en place un système opérationnel de traçabilité des transactions financières internationales. Aussi, de nombreuses personnalités, de par le monde, ont-elles promis de mettre à la disposition de la commission internationale dont la mise sur pied est envisagée à l’initiative du Forum civil, leurs compétences et leurs relations.

C’est dire que Abdoulaye Wade prend la menace très au sérieux. Cela le pousse à se lancer dans une opération absurde suggérant que des audits soient effectués sur sa gouvernance et sur celle de ses prédécesseurs. Il voudrait remonter le temps jusqu’en 1960 ! On ne devrait pas en rire bien que ce soit burlesque. Abdoulaye Wade qui a été au pouvoir pendant douze ans, qui avait tous les leviers et mécanismes à sa disposition et qui n’a jamais estimé devoir fouiller dans la gestion des Léopold Senghor et Abdou Diouf, demande maintenant que des audits de ces gestions soient effectués. C’est de la diversion car le voudrait-on que nul ne le pourrait en raison des délais de prescription passés depuis belle lurette sur ces gestions et que des parlements favorables au président Wade même, ont fini de voter des lois de règlement de ces gestions budgétaires. Et puis qu’avait-il fait des résultats des audits menés en 2000, sinon que de s’en servir comme moyen de chantage contre certains caciques du Parti socialiste. Abdoulaye Wade cherche à manœuvrer. C’est ce qui explique qu’il annonce son intention de constituer l’avocat Me Boucounta Diallo pour assurer sa défense sans avoir préalablement consulté ce dernier. Voudrait-il donner une certaine crédibilité à sa sortie et chercher à jouer sur des clivages entre acteurs de la société civile qu’il ne s’y prendrait autrement. Personne ne s’y trompe. Abdoulaye Wade demande aussi à ses anciens collaborateurs de se joindre à son action. Ces derniers non plus ne s’y trompent pas. Leur sort n’intéresse point Abdoulaye Wade qui les a abandonnés à eux-mêmes. Nombreux sont les dignitaires de l’ancien régime qui considèrent que si le président Wade réagit maintenant, c’est parce que justement le Forum civil semble avoir Karim Wade dans sa ligne de mire. Abdoulaye Wade cherche simplement à sauver la tête de son fils. Tout le monde sait que Me Wade ne bouge que pour Karim Wade. Or, la menace est réelle pour Karim Wade. Dans ce Sénégal, dès qu’on parle de transactions financières impliquant les pays arabes, tous les regards se tournent vers Karim Wade. D’ailleurs, où est-ce qu’il est passé ? Karim Wade n’a plus foulé le sol du Sénégal depuis sa bravade indiquant qu’il attendait avec sérénité les audits annoncés ; même si certains médias avaient annoncé que Karim était de retour à Dakar.

De toute façon, la prise de position du Forum civil qui du reste traduit une demande forte de la population, ne laisse pas le choix au gouvernement du Président Macky Sall. La gestion de l’ancien régime devra être tirée au clair et tous les actes de prédation punis. Les Sénégalais n’attendent pas moins de Macky Sall. Des proches du nouveau chef de l’Etat évoquent un scrupule de Macky Sall à déclencher une opération mains propres avant les élections législatives, craignant qu’une telle action soit interprétée comme une manœuvre pour empêcher son opposition de battre campagne en direction des élections législatives. Soit ! Les Législatives passeront et on verra.

Par Madiambal Diagne

Source: Le Quotidien

Abdou Khadre Cissé

Lundi 7 Mai 2012 16:26

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