Votre non-investiture fait craindre un vote-sanction à Kolda. Est-ce que ceux qui craignent une telle éventualité ont raison ?
Non, ils n’ont pas de raison d’avoir peur. Parce qu’au Parti socialiste (Ps), le mot d’ordre qui vient du secrétaire général est sans équivoque : « Entre Macky Sall et Ousmane Tanor Dieng, c’est le partenariat ». C’est le même état d’esprit qui prévaut entre la Coalition Benno Ak Tanor et Macky 2012, c’est-à-dire gagner ensemble, gérer ensemble. Aujourd’hui avec la victoire de Benno Bokk Yakaar, coalition dans laquelle le Ps est solidement ancré, il n’y a pas possibilité de vote-sanction. Certes, il y avait des frustrations, mais nous avons parlé aux militants pour leur dire que le travail ne fait que commencer. Le langage que nous leur tenons est que nous avons le pouvoir exécutif, il nous faut à présent le pouvoir législatif. Heureusement que le Pds s’est éclaté en plusieurs morceaux.
L’argument de la parité est souvent avancé pour expliquer certaines non-investitures. Avez-vous le sentiment que pour votre ce soit suffisant pour justifier votre absence sur les listes électorales des Législatives ?
Au début c’était un peu difficile de faire comprendre aux militants pourquoi je n’étais pas investi. Vous savez, cette affaire de parité n’a pas été bien expliquée aux militants. Et comme la loi sur la parité est un piège d’Abdoulaye Wade, il fallait faire avec cette ruse. Et puis, il n’y a pas que le poste de député. Tout de même, les militants ont raison de s’interroger sur mon absence. Parce que je totalise aujourd’hui 32 ans de militantisme engagé commencé depuis les Jeunesses socialistes. Ensuite, nombre de nos camarades, alors députés, ministres ou sénateurs, ont quitté le Ps pour le Pds. Tayibou Baldé (Ndrl : elle est investie sur la liste départementale de Kolda) et Boubacar et d’autres sont restés pour maintenir la flamme socialiste à Sédhiou, Bounkiling, Goudomp, etc. On se félicite aujourd’hui que le Ps ait des candidats-députés. Je me félicite également de l’investiture de Tayibou avec qui je chemine depuis 1987, elle était la présidente des jeunesses féminines de Kolda et j’étais le secrétaire général des jeunesses socialistes de la même localité.
Vous ne redoutez donc pas l’alliance Bécaye Diop-Chérif Léhibe Aïdara, l’ex-patron de l’Afp à Kolda passé à Bok Guiss Guiss ?
Il est vrai qu’au premier tour le pouvoir a gagné, mais au second tour nous avons laminé le Sopi. C’est à Médina Yoro Foulah seulement que nous avons perdu. Mais le cumul des voix nous met largement en tête au plan régional. Nous ne dormons pas pour autant sur nos lauriers. Parce que depuis 2000, la République des valeurs a cédé la place à celle des voleurs. Ces gens-là ont accumulé beaucoup d’argent qu’ils ont gardé dans des malles chez eux. Mais, unis, nous triompherons. L’’alliance Bécaye Diop-Chérif Léhibe Aïdara qui vient de quitter l’Afp ne inquiète nullement.
Seulement, les présidents de conseil rural restent encore fidèles à l’ancien régime…
Je vous donne une image. Si vous enlevez les panneaux de bambou d’une grande clôture, il ne restera plus que les piquets. Aujourd’hui, ce sont les militants qui nous intéressent. Nous allons les emmener en masse vers notre de coalition. Mais avec le temps tous ces Pcr nous rejoindront. De jeunes cadres arrivent à Kolda. Ils s’impliquent soit au Ps soit à l’Apr. Et c’est du sang neuf.
Ne craignez-vous que l’absence d’un fils de Kolda au gouvernement ou à une station particulière ne joue en votre défaveur ?
Il est vrai que l’opposition utilise cet argument pour dire que nous sommes oubliés : pas de ministre, pas de Pca, pas de patron d’agence, etc. Mais l’argument ne peut pas prospérer parce qu’en 12 ans de régime de Wade Kolda n’a eu qu’un seul ministre. Nous pensons qu’après les Législatives, Macky va rectifier en mettant les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un seul ministre comme ça été le cas avec Wade, comme si nous n’avons pas été à l’école au même titre que les autres. La tendance doit s’inverser parce que nous avons autant de cadres et d’universitaires que les autres régions.
Sur quels aspects le futur conseil des ministres qui se tiendra à Kolda doit insister ?
D’abord la paix ! Kolda accuse les contrecoups du conflit en Casamance. Et c’est une situation qui affecte les actions de développement. La priorité générale du pays c’est l’agriculture. Le président Macky Sall doit rétablir les équilibres par rapports à cette culture de l’arachide. Parce qu’aujourd’hui, le bassin arachidier et le coton se sont déplacés et se trouvent dans la région de Kolda. Si ces cultures de rente sont achetées à des prix raisonnables, la pauvreté s’éloignera. La vérité est que Wade a déstructuré ces cultures de rente. Les gens vont à Diaobé pour brader la récolte à 75 FCfa le kilo alors que le prix officiel est à 160 FCfa. Il faut de bonnes semences, un équipement et tous les autres intrants. Ensuite, Kolda est sûrement la deuxième région du Sénégal en matière d’élevage. Nous avons la forêt, mais ce que l’on constate c’est que les camions frigorifiques qui emmènent du poisson rentrent parfois avec du bois provenant des arbres coupés. Si les camions frigos retournaient à Dakar avec de la viande provenant d’abattoirs modernes, ce serait plus bénéfique que de prendre des bêtes et de les convoyer jusqu’à la capitale. Mais tout cela n’est possible qu’avec le désenclavement. Ce désenclavement est possible à partir de Bori Bana jusqu’à Ndoffane. Ce serait une route intérieure. Par ailleurs vous avez vu le sort fait à Anambé, c’est la catastrophe. Wade a refusé d’exploiter les installations faites à Anambé prétextant que ce sont des réalisations du Ps. Il suffit que le minimum soit là pour que les gens cultivent le riz.
Comment expliquez-vous que les populations de Kolda continuent de réclamer des forages et des moulins ?
Vous ne pouvez pas donner à un éleveur plus qu’un forage, à une ménagère plus qu’un moulin. Depuis les temps immémoriaux, il n’y a que le pilon. Les populations ont compris qu’avec M. Forage et Mme Moulin, il y avait un léger mieux. Quand Wade est arrivé, il a ignoré cette politique. Néanmoins, ces doléances l’ont rattrapé. Wade ignorait que c’est grâce aux forages et aux moulins que la petite fille a été libérer des travaux domestiques pour pouvoir aller à l’école. Tant que la maman doit s’acquitter de la corvée de l’eau ou moudre le mil, elle aura besoin de sa petite fille à ses côtés. Wade a voulu contourner la doléance en commandant des moulins en Inde. Mais les engins sont tous tombés en panne. Alors que les artisans locaux auraient pu réaliser ces moulins et d’autres engins comme les décortiqueuses. D’ailleurs, en campagne, les populations réclament le couple décortiqueuse-moulin. Quant au problème d’eau, il s’est empiré, le sel est remonté jusqu’à Saré Mody. Il nous faut donc des forages et des moulins.
Hamidou SAGNA