Problèmes d’organisation
D’abord, le défaut d’organisation, jusqu’à une période récente, a fragilisé les producteurs d’anacarde qui ne pouvaient défendre leurs intérêts face à d’autres exploitants de la filière comme les collecteurs de noix d’acaju. « Nous souffrons d’un manque d’organisation. Or, nous devons nous organiser en tant que producteurs, prendre notre destin en main, en améliorant nos pratiques, les techniques culturales, la qualité, le rendement. Ainsi, le paysan finira par nourrir sa famille avec le fruit de son labeur », dit-il. Et d’ajouter que « Si nous sommes organisés, il sera facile de nous adresser à un partenaire technique ou financier pour nous accompagner. Mais tant qu’on sera à l’état de non organisation, il va être difficile à un partenaire, quel qu’il soit, de venir vers nous, parce qu’on n’aura pas amélioré nos techniques culturales, nos rendements, bref, on n’aura pas un visage qui inspire confiance ». Il souligne que si les producteurs d’anacarde s’organisent, en implantant un peu partout des points de mise en marché collectif (Pmc), il sera facile à un commerçant de s’adresser à eux directement, sans passer par des intermédiaires. « Ce commerçant gagnera dans cette opération. Il lui sera beaucoup plus facile d’assurer le transport, de vérifier la qualité du produit, et il va sécuriser ses ressources financières, parce qu’il ne va pas les confier à n’importe qui. Le commerçant va s’adresser à notre organisation qui est une personne morale et qui a ses références bancaires à travers lesquelles on pourra travailler », rassure-t-il.
Difficile accès aux finances
L’autre difficulté soulevée par les planteurs d’Acaju, est liée cette fois-ci à l’accès aux financements. «Ce sont tous les opérateurs économiques qui ont le même problème, nous producteurs d’anacarde, particulièrement. Les banquiers considèrent, à tort ou à raison, l’agriculture comme une activité à hauts risques. Nous avons des difficultés énormes d’accès aux crédits banquiers, quand on sait que pour développer une activité on a besoin d’un concours financier ou en tout cas d’une ardoise qui permette de développer l’activité », souligne Ismaëla Diémé. D’autres producteurs indexent les commerçants qui «s’interposent entre eux et les banques ». La meilleure solution ne serait-elle pas de se regrouper et de faire des prêts bancaires au nom des coopératives. « Nous n’avons pas encore la dimension qui nous permet de solliciter un prêt au nom de la coopérative. Par contre, au niveau individuel ou Gie, il est connu que les producteurs ont des difficultés pour accéder aux crédits parce qu’on leur demande des garanties, une comptabilité régulière, chose qu’un producteur, à l’état actuel, ne peut pas produire », regrette le Président de la Coopérative des producteurs agricoles de la Casamance. Les producteurs du Balantacounda, diassing, du Blouf, Fogning etc. sont unanimes à déplorer l’ostracisme des banques qui avancent des critères en sachant pertinemment que les petits producteurs d’anacarde ne peuvent pas les remplir. Les transformateurs de noix d’Acaju rencontrent les mêmes problèmes. «La difficulté principale, c’est le financement de la matière première. Nous travaillons douze mois sur douze. Or, la production est saisonnière, c’est du mois d’avril à juin. Donc, vous êtes obligés de vous approvisionner pendant cette période de production et stocker toute l’année. Cela va engendrer un grand volume financier que vous ne pouvez pas avoir au niveau des banques locales. C’est ça notre problème. Si vous avez un investissement d’un million, vous avez besoin de 15 à 20 millions de FCfa comme fonds de roulement. Cela pose problème», confie Elimane Dramé, transformateur de noix d’acajou à Boutout. Il exploite une unité semi-industrielle d’une capacité de 250 tonnes par année et emploie 43 personnes.
Difficultés techniques
Les acteurs du secteur se plaignent des ennuis d’ordre technique, de stockage, d’acheminement des produits du lieu de production vers les centres urbains ou les utilisateurs. Les transformateurs d’anacarde sont confrontés au déficit d’équipements performants et adaptés, au manque de formation. Pour ce qui est des producteurs ou planteurs, l’existence de matériel de récolte (sac, gants, séchoirs, etc.) fait souvent défaut. Sans oublier le vieillissement de certains pieds qui ne sont pas renouvelés. Ismaëla Diémé insiste ces difficultés techniques : «L’arbre est comme la personne, il a besoin d’espace, d’aération, d’ensoleillement. Si on le plante sans respecter un certain nombre de normes, il va s’en dire qu’il ne peut pas s’épanouir pour pouvoir produire à plein rendement. Or, ceux-là d’entre nous qui ont été les premiers à s’introduire dans le secteur de l’arboriculture – peut-être par ignorance – plantaient n’importe comment, sans respecter l’écartement, sans tailler les arbres, sans arroser, sans apporter de la matière minérale. Toutes choses qui amenuisent le rendement, même la qualité », dit-il. Et de poursuivre : « Nous avons alors besoin d’un encadrement technique, d’un accompagnement qui nous permette de redresser cette situation qui ne profite ni au producteur ni à la communauté nationale. Parce que les terres que nous exploitons appartiennent au domaine national. Il était souhaitable de les exploiter de façon beaucoup plus judicieuse, si nous étions en possession de toutes ces techniques qui maximisent les rendements ». L’éloignement des lieux de production par rapport aux centres urbains où se trouvent les techniciens de l’agriculture n’est pas pour faciliter les choses. « Un paysan qui est à 10, 20, voire 30 km des centres urbains où se trouvent les services techniques, quand il veut planter est-ce qu’il demande conseil ? Non, il le fait comme ses grands-parents l’ont fait jusque là », souligne le Président de la Coproca.
Les producteurs d’anacarde reconnaissent que les choses bougent, surtout avec ce vent des Technologies de l’information et de la communication qui souffle sur notre continent. Les moyens de communication rapprochent davantage les techniciens de l’agriculture des planteurs d’anacarde. C’est le sentiment d’Ismaëla Diémé : « Nous pensons que les choses ont changé, il y a les moyens de communication : la Télévision, le téléphone, le déplacement qui est relativement facile, toutes choses qui devraient permettre à l’agriculteur d’aller à la recherche de l’information et de parfaire son travail. Si hier le technicien n’est pas allé vers le producteur, aujourd’hui nous pensons qu’il est du ressort du producteur d’aller à la recherche de l’information pour mieux faire son travail».
Des prix dérisoires
S’il y a une chose qui fait sortir de producteur ou planteur de la Casamance de ses gonds, ce sont les prix dérisoires pratiqués sur le marché. Les producteurs se disent victimes des intermédiaires qui cassent les prix pour ensuite vendre aux Indiens, les noix d’anacarde collectées auprès des pauvres planteurs, au prix fort. Idrissa Diatta, producteur à Diattacounda (80 Km de Ziguinchor) déverse sa bille : «Dans le Balantacounda (moyenne Casamance), les difficultés c’est la vente de l’anacarde à bas prix. Nous nous bagarrons chaque année, mais rien. Ces collecteurs possèdent des immeubles, et nous les producteurs sommes pauvres. Ce qui nous blesse, c’est quand des collecteurs nous obligent à brader trois ou quatre tonnes pour à 300. OOO FCfa ou 400 000 FCfa. Or, avec 400 Cfa ou 600 FCfa le Kg, on peut se retrouver avec plus d’un million de FCfa ». Il pense que la meilleure manière de contourner la difficulté est de traiter directement avec les Indiens. « Nous voulons la présence physique des Indiens pour discuter. Nous ne voulons plus d’intermédiaires. Notre dignité est bafouée, nous les planteurs », confie-t-il. Et de révéler que nombreux sont les producteurs qui ont mangé leur blé en herbe, depuis l’hivernage dernier, durant la période de soudure où des pères de famille étaient confrontés à des problèmes de dépense quotidienne.
C’est le moment choisi par les collecteurs de noix qui descendent dans ces villages où les populations sont confrontées à des problèmes de survie, Ils donnent de l’argent à des producteurs qui sont dans le besoin, moyennant des sacs de noix d’acaju. Seulement, dans cette opération, c’est le collecteur qui tire son épingle du jeu. « Les collecteurs sont passés pendant l’hivernage et ont remis de l’argent à des producteurs qui avaient un besoin de liquidité pour nourrir leur famille. Ils échangent 100 000 FCfa contre 1, 5 tonne d’anacarde. Il y a d’autres qui proposent 10 000 FCfa contre deux sacs d’anacarde. Or, le kg d’anacarde peut remonter à 400, voire 500 FCfa. C’est cela qui nous blesse. Ce sont les intermédiaires qui nous appauvrissent », déplore Idrissa Diatta. Le Secrétaire général de l’Association des planteurs d’anacarde de Balantacounda, Moussa Mansaly, abonde dans le même sens : «Nous avons occupé tous les champs laissés par nos grands-parents pour planter des anacardiers. Aujourd’hui, n’avons plus où cultiver le mil, le maïs, l’arachide. Quand arrive la période des récoltes, il y a les voleurs qui cueillent l’anacarde, alors que l’acajou ne se cueille pas, il faut le laisser tomber. C’est ce qui fait que les collecteurs trouvent l’alibi, en disant que l’anacarde n’est pas de qualité, pour diminuer le prix. Donc nous sommes obligés d’accepter le prix qu’ils nous proposent ». Sidy Badji, producteur d’anacarde à Bignona embouche la même trompette. « Les collecteurs achètent l’anacarde à un prix dérisoire qui tourne autour de 300 FCfa le kilogramme et vont le vendre aux Indiens à 800 FCfa.
Cela nous fait très mal. C’est pourquoi nous voulons traiter directement avec les Indiens ». Cheikh Omar Diédhiou, Secrétaire général de la Coopérative des producteurs de la Casamance (Coproca) parle des mêmes difficultés. «Le secteur se plaint surtout de la commercialisation. Nous avons des intermédiaires qui nous barrent la route et nous empêchent de voir même les bailleurs pour vendre des productions. Les producteurs ne gagnent même pas. Un produit qui se vend à la base à 150FCfa ,le Kg – l’année dernière le kg a atteint la barre des 500 FCfa – c’est eux-mêmes, les intermédiaires, qui viennent nous dire que le dollar à chuté, c’est ce qui explique la baisse du prix. Parfois, ils vous disent que l’offre est plus forte que la demande, ce qui entraine la chuté du prix. Nous ne savons plus à quelle version se fier. Même si le dollar à chuté ou que l’offre est supérieure à la demande, on ne voit pas une seule noix d’anacarde trainer dans la brousse. Tout se vend. Ils viennent dans les villages raconter n’importe quoi. Présentement, ils sont en train d’échanger un sac de riz contre deux sacs d’anacarde ». Amadou Aba Sané, producteur à Tenghori parle, lui de « malentendu entre nous et les producteurs. Même les rencontres de cette nature (journée de l’acaju), les collecteurs refusent de nous informer. Heureusement, on a actuellement un Président de la Coopérative qui est ici à Ziguinchor. Il nous informe, parfois tardivement. De telle sorte qu’on se plaint. Il n’y pas de communication entre les collecteurs et les producteurs.
Chacun tire de son côté, alors que c’est une filière pour le développement de la Casamance et pour permettre ainsi à ceux qui veulent travailler de gagner leur pain». Abdoulaye Diatta, planteur Camaracounda, dans le département de Ziguinchor, déplore de son côté que le producteur ne puisse vivre du fruit de son labeur. «L’anacarde demande beaucoup de travail. C’est au niveau de l’écoulement que l’on rencontre des difficultés. Vous dépensez beaucoup d’énergie dans la production, pour ensuite récolter des miettes. Les collecteurs nous dépouillent en achetant, parfois le Kg à 250 FCfa. Maintenant, si c’est en stock, le prix peut aller jusqu’à 350 ,voire 400 FCfa », dit-il avant d’ajouter : « C’est un secteur où il y a beaucoup d’intermédiaires. L’acheteur est obligé de prendre des collecteurs qu’il paie pour descendre sur le terrain et eux aussi diminuent le prix pour faire des bénéfices sur le dos des producteurs ». Moussa Mansaly déplore le comportement des Indiens et des collecteurs qui font de l’argent sur leur dos. «Les indiens arrivent à Ziguinchor, ils prennent une chambre d’hôtel pendant au moins trois mois. Il donne l’argent aux collecteurs qui vont voir les producteurs. Tu les vois faire le tour des productions dans de belles voitures. Quand ils passent ici, dans le Balantacounda ou ailleurs, ils ne parlent pas aux producteurs. Les Indiens prennent pour argent comptant tout ce que leur disent les collecteurs. Ils viennent faire leur opération, ils chargent les bateaux et rentrent jusqu’aux prochaines récoltes. Cela veut dire qu’ils ne perdent pas. Au moment où nous producteurs, avons des difficultés à avoir même un vélo », déplore le secrétaire général de l’Association des planteurs d’anacarde du Balantacounda.
Par des sentiments
C’est un appel pathétique qu’Ismaëla Diémé, Président de la Coproca lance aux collecteurs, une sorte d’invite à la morale : « Je voudrais dire à nos frères collecteurs que les choses sont en train de changer. Etre collecteur, ce n’est pas un métier. C’est le métier le plus facile. Le mieux, c’est d’aller vers la production, de s’entendre avec les producteurs pour trouver un juste prix et non tromper les paysans. Ils viennent avec leurs sous et surtout un esprit que je ne peux pas qualifier. Quand vous trouvez un pauvre paysan, qui a sa famille, en difficulté, en période de soudure vous lui dites de prendre un sac de riz, pour qu’il vous donne en retour deux ou trois sacs de noix d’anacarde. Je ne sais pas comment qualifier cela. Surtout que ce sont des comportements de Sénégalais comme nous, nos frères, neveux, fils, cela n’est pas du tout humain ». Heureusement que le monde est devenu un village planétaire : « Que les collecteurs comprennent que les choses ont changé. Aujourd’hui Internet nous permet de savoir quel est le prix qui est pratiqué. En Côte-d’Ivoire, la campagne a commencé depuis le mois de février et depuis les acteurs ivoiriens ont fixé le prix du kg à 310 FCfa et c’est le prix départ. Quel sera le prix demain, dans deux mois ? C’est sûr qu’il sera au moins à 500 FCfa avant la fin de la campagne. Les collecteurs le savent et ils disent qu’il est impossible de fixer le prix de départ. La Côte-d’Ivoire le fait. Dans d’autres pays, si vous passez à côté de la règlementation vous risquez un emprisonnement, c’est le cas au Mozambique et en Côte-d’Ivoire », dit-il. Ce dernier soutient que les producteurs finiront par comprendre. Ce n’est qu’une question de temps. « Nous ne pouvons pas dire à un paysan qui a besoin de nourrir sa famille, de ne pas prendre le sac de riz d’un collecteur qui veut faire des bénéfices. Mais demain, le paysan le comprendra et prendra sa propre décision. Ce n’est pas à nous de le dire. Le niveau de conscience est en train d’être relevé aujourd’hui, à travers l’organisation que nous avons mise en place, les réunions d’information et de sensibilisation que nous organisons. Nous pensons que dans un avenir relativement proche, il va être difficile à un collecteur, quel qu’il soit, de tromper les paysans », souligne le patron de la Coproca.
En conclusion Ismaëla Diémé dira que le producteur ne vit pas de son travail. « Au Sénégal, en tout cas, en Casamance, le producteur d’anacarde ne vit pas du fruit de son travail. Alors qu’il est démontré que l’arboriculture rapporte beaucoup plus que les autres spéculations céréalières ou cultures de rentes, telle que l’arachide. Malheureusement, , le producteur ne tire pas grand profit de ses activités. Il est obligé de chercher d’autres voies qui lui permettent de joindre les deux bouts », regrette-t-il.
Contourner «l’appétit» les collecteurs
Conscients de ce problème, les producteurs réfléchissent sur des voies de contournement des « prédateurs ». Amadou Aba Sané, producteur à Tenghori se projette : « Nous voulons créer des banques de céréales au niveau des coopératives pour permettre aux producteurs de s’approvisionner en période de soudure ou simplement en cas de besoin et rembourser au moment des récoltes, avec un petit taux d’intérêt qui reviendra à la coopérative. Nous préférons faire gagner une coopérative plutôt qu’ un collecteur ». L’autre solution envisagée, pour contrecarrer la politique du tout business des collecteurs, c’est initier des ventes groupées pour mieux négocier avec les commerçants. La voie préconisée par le Président de la Coproca est de la professionnalisation. « Nous avons mis en place la coopérative pour aider à professionnaliser les producteurs. Les amener à respecter les itinéraires techniques, à adopter les bonnes pratiques culturales, à asseoir une bonne gestion, à aller à la recherche de partenaires techniques et financiers, commerciaux. Ce sont des rôles que nous avons confiés à la coopérative pour le mieux de nos membres », dit-il.
Le parcours du combattant
Les producteurs font face aussi aux problèmes d’enclavement, avec parfois l’inexistence de production ou dans un état de dégradation avancé. « L’état des routes pose problème. Nous, à partir d’Agnack, il faut faire une route latéritique de 9 Km et souvent comme l’écoulement se fait en saison des pluies, c’est très difficile », témoigne le producteur originaire de Camaracounda. Ce sont les mêmes difficultés qu’éprouvent les planteurs du Balantacounda, avec une RN6, appelée la « Route du Sud » complètement dégradée. Pour parcourir 5O km, de Goudomp à Ziguinchor, il faut faire quatre heures, déplore le Président de la Coproca. Tout le contraire pour le Blouf où l’état des routes est plus ou moins acceptable.
Quand les voleurs s’y mettent
Pour sa part, Amadou Abba Sané entrevoit d’autres ennuis : « Au niveau de nos vergers, on ne peut pas maîtriser le vol de l’anacarde. D’ailleurs, ceux qui viennent chercher la noix veulent la qualité. Mais comment avoir la qualité avec ces voleurs là ? Tant que le bailleur qui vient chercher l’anacarde n’a pas la bonne qualité, il va alors profiter avec ses collecteurs pour donner des prix dérisoires ». Et d’ajouter : «Nous voulons que les Ong nous soutiennent pour qu’on puisse clôturer nos périmètres afin de pouvoir gagner un peu. Les animaux s’y mettent, les voleurs, les intermédiaires , l’insécurité.. J’ai rencontré un producteur qui a abandonné son verger depuis maintenant cinq ans à cause de l’insécurité. Si le gouvernement peut nous ramener la paix, nous serons ravis», dit-il.
Le silence des autorités étatiques
En effet, les autorités étatiques ont été plusieurs fois interpellées sur les problèmes de la filière anacarde, mais elles font la sourde oreille. « L’Etat sait ce qu’il doit faire. Nous l’avons interpellé à plusieurs reprises. Nous avons adressé des correspondances aux plus hautes autorités de l’Etat. En vain », affirme Ismaëla Diémé. Dépité, il sonne la révolte. « Maintenant, c’est à nous de prendre nos responsabilités. Il ne faut pas attendre quoi que ce soit de l’Etat ni personne. Organisons-nous pour faire face à ces gens. Ce sont des êtres humains qui ont réfléchi et qui imposent leur volonté», dit-il.
Se prendre en charge
Le Président de la Coproca croit en l’avenir de l’anacarde. « Mais à condition qu’on désenclave la région ; mette en place des infrastructures de mise en marché collectif ; envisage l’amélioration de techniques de production, de collecte et de traitement ; la mise en place d’unités de transformation. Si on ne le fait pas, ce sera comme hier, avec l’arachide. Si l’on ne fait pas attention avec l’anacarde, on va l’exporter brut, c’est des plus-values qu’on perd ». Pour lui, « le problème c’est celui d’échelle de production. Si vous avez une petite unité qui vous fait à peine 20 Kg/jour, est-ce que vous pouvez prétendre à un marché beaucoup plus important, à acheter des matières premières importantes ? Il faut envisager de grandes unités à l’échelle nationale. Et ce sont celles-là qui pourront produire à grande échelle et trouver des marchés porteurs ». Aujourd’hui, il s’agit pour les producteurs d’anacarde de la Casamance de diversifier les partenaires et mettre en avant les intérêts des planteurs. « Les indiens ne sont pas les seuls partenaires. Nous étions à Banjul au mois de septembre dernier. Mais je puis vous assurer que le monde entier compte sur l’Afrique pour la fourniture de la noix d’anacarde. Les Brésiliens, les Indiens, Chinois, les Français, les Européens, les Asiatiques, tout le monde a besoin de l’Afrique parce que c’est ce continent qui a l’espace, la main-d’œuvre la moins chère pour produire la noix d’anacarde. Donc nous restons ouverts, nous ne nous focalisons pas sur un partenaire, sommes prêts à travailler avec n’importe qui, pourvu qu’il nous offre des conditions de partenariat meilleur », souligne Ismaëla Diémé. Le patron de la Coproca de se faire plus précis sur les ambitions des producteurs d’anacarde de la Casamance : «Lorsque nous disons que nous avons de l’espace, c’est produire nous-mêmes. Dans un premier temps, produire et vendre le produit. Mais ce que nous considérons comme l’étape ultime et la meilleure, c’est transformer localement notre produit, pour lui donner beaucoup plus de valeur ajoutée; créer beaucoup plus de richesses, d’emplois et vendre le produit fini à l’extérieur ou au marché local». Après avoir déploré l’insécurité qui sévit dans le sud du pays, il lance un appel à la jeunesse de la Casamance. «Nous appelons les jeunes à s’investir dans la bataille économique. La Casamance est très riche, mais elle est pauvre parce les gens n’ont pas le sens de l’initiative, ils sont devenus très paresseux. Il n’y a pas d’unité industrielle ici. C’est à nous de les créer».
S’ouvrir au reste du monde
Les producteurs d’anacarde de la Casamance vont tendre la main à leurs frères du reste du Sénégal, une fois qu’ils finiront d’asseoir leur organisation, dans le but de prendre en charge les intérêts des planteurs d’acaju. « Avant d’aller ailleurs, il faut parfaire sa maison. Nous avons un problème : c’est le défaut d’organisation des producteurs de la Casamance. Nous devons nous atteler à asseoir une organisation forte . Une fois qu’on aura achevé ce travail, l’on pourra envisager, dans la sérénité, avec confiance, de rencontrer nos collègues de Sokone ou d’ailleurs pour faire face à ces difficultés et leur trouver des solutions. Il y a des pas qui sont déjà amorcés. Il n’est pas exclu que parallèlement à nos actions au niveau local, qu’on puisse trouver une solution globale.»
ENCADRE
Ce qu’on peut faire avec l’anacarde
Jusque-là la pomme est utilisée pour fabriquer du vin ou des jus.
L’amande d’anacarde peut remplacer l’arachide dans les plats locaux comme le «Mbaxal», «Etodjé» (plat diola). Sa farine peut être utilisée dans la préparation du couscous, du «lakh», de gâteaux, même du chocolat.