Barack Obama se déclare en faveur du mariage gay


Tout le monde pensait qu'il attendrait prudemment que l'élection présidentielle soit passée. Barack Obama a pris les responsables politiques de court en se prononçant, mercredi 9 mai, pour le mariage homosexuel, une position qui n'est pas sans risques dans un pays où les "valeurs" divisent profondément l'électorat et sont utilisées par chaque camp pour mobiliser ses partisans. "Pour moi, à titre personnel, il est important d'affirmer que je pense que les couples du même sexe devraient pouvoir se marier", a déclaré le président américain à la chaîne ABC, au lendemain d'un référendum en Caroline du Nord qui a vu 61 % des électeurs affirmer que le mariage doit être réservé aux couples hétérosexuels.

Les associations gay ont parlé de décision "historique". C'est la première fois qu'un président des Etats-Unis se déclare favorable au mariage homosexuel. M. Obama a expliqué qu'il avait évolué. "C'est une question de génération", a-t-il estimé, citant l'exemple de ses filles, dont plusieurs amis ont des parents homosexuels. "Malia et Sasha, cela ne leur vient pas à l'idée que les parents de leurs amis pourraient être traités différemment."

Barack Obama a toujours eu du mal à se positionner sur le sujet. En 1996, il était pour la légalisation. Quand il s'est présenté au Sénat, en 2004, il était contre, arguant de questions religieuses. Depuis 2009, il se disait "en évolution", même s'il continuait à préférer les unions civiles. "Au bout du compte, a-t-il justifié mercredi, la religion, ce n'est pas seulement le sacrifice de Jésus. C'est aussi : traitez les autres comme vous voudriez être traités."

Pourquoi faire cette annonce maintenant ? Selon ce que le président a laissé entendre dans l'interview, la sortie inattendue du vice-président Joe Biden, dimanche, pendant l'émission "Meet the Press", en faveur de la légalisation, a précipité son "évolution".

"DON'T ASK, DON'T TELL"

Attaqué par la presse pour son incapacité à se prononcer clairement, Barack Obama ne voulait pas apparaître comme "hypocrite" en faisant miroiter à la communauté homosexuelle - un groupe qui compte d'importants contributeurs de campagne - qu'il prendrait position une fois qu'il serait réélu. Les reproches ont porté, d'autant que Barack Obama se flatte d'avoir pris des mesures sans précédent en faveur des gays, notamment la fin de la politique de silence sur ce sujet dans l'arm ée ("Don't ask, don't tell").

Une société qui évolue La société elle-même est en pleine évolution. Six Etats et le district de Columbia (Washington) ont légalisé les unions homosexuelles. Mais trente Etats ont, au contraire, passé des amendements à leur Constitution définissant le mariage comme une union entre personnes de sexes opposés. Les sondages récents montrent que l'opinion est divisée pratiquement à égalité (50 % pour, 48 % contre, selon la dernière enquête Gallup), alors qu'en 2004, ils n'étaient que 30 % à être favorables au mariage gay.

Selon le Washington Post , l'équipe Obama était divisée. La prise de position pour le mariage homosexuel peut coûter nombre de voix au candidat dans plusieurs des Etats cruciaux du sud, comme la Virginie ou la Caroline du Nord. Mais, si la majorité des Noirs est opposée au mariage gay, 61 % des jeunes de moins de 40 ans l'approuvent. Barack Obama a fait le calcul que les Noirs se déplaceront pour voter pour lui quoi qu'il arrive, alors que les jeunes ont besoin de motifs supplémentaires de mobilisation.

Le républicain Mitt Romney a aussitôt rappelé que ses vues sont que "le mariage est une relation entre un homme et une femme". Mais il n'a pas insisté. Chez les républicains aussi, le sujet est plus compliqué qu'il n'y paraît. D'ailleurs, la position de Barack Obama est celle de l'ancien vice-président Dick Cheney, dont une fille élève un enfant dans un couple homosexuel : c'est un sujet dont les Etats doivent décider, et sur lequel la Cour suprême finira par trancher.

Abdou Khadre Cissé

Vendredi 11 Mai 2012 08:15

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