Benoit SAMBOU, ministre de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Promotion des valeurs civiques : « La priorité en Casamance est de donner du travail aux jeunes »


Le ministre de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Promotion des valeurs civiques, Benoit Sambou, a récemment effectué une visite de quatre jours en France. Dans la partie officielle de sa visite, il est parvenu à des avancées avec les autorités françaises sur le dossier des politiques de jeunesse. Il évoque  également les perspectives de développement de la ville Ziguinchor.

Qu’est-ce qu’on peut retenir de la partie officielle de votre de visite en France ? 
« Il y a eu énormément de satisfactions. Nous avons tenu une séance de travail avec notre homologue française (Valérie Fourneyron ministre française des Sports, de la Jeunesse, de l’Education populaire et de la Vie associative, Ndlr). Nous avons visité un certain nombre de départements et services relevant du ministère de la Jeunesse et des Sports. Nous avons pu identifier des axes de la coopération notamment dans le domaine du service civique national. Après des constats, notre réflexion va avancer et mûrir sur beaucoup de points. Comme celui de faire venir les binationaux au Sénégal pour qu’ils y fassent leur service civique. Nos rencontres et séances de travail ont porté également sur l’observatoire français de suivi et de la situation des jeunes. Ce n’était pas un regard désintéressé puisque nous avons en chantier la mise en place d’un observatoire de l’emploi et de la qualification des jeunes. Les questions de jeunesse étant transversales, il était important de mettre tout un dispositif de suivi et de prise en charge des jeunes dans tous leurs aspects. Et dans ce cas, l’expérience française pourrait nous être utile. Au cours de cette visite, nous avons également pu aborder un axe important de la coopération avec la France sur la mise en place d’une structure de développement numérique à l’image de ce qui se fait à l’Insep de Vincennes (Institut national du sport de l’expertise et de la performance, ndlr). Le dernier aspect concerne les échanges sur les orientations de la Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports de la Francophonie (Confejes). Nous sommes d’accord qu’il faut relever son niveau de management pour que ce formidable outil puisse continuer à vivre et ne connaisse pas de difficultés.
C’est une visite extrêmement fructueuse en réalisations, en coopération et en projet. Maintenant, il s’agit, pour les deux parties, d’établir un protocole d’accord qui devra déboucher sur le renforcement de l’axe de Dakar-Paris sur les politiques de jeunesses.»

Qu’en est-il des protocoles d’accord ? 
« Nous allons nous acheminer vers différentes signatures. Elles vont consolider la coopération franco- sénégalaise qui sera beaucoup plus dynamique dans les secteurs des politiques de jeunesse.» 
 
Quels ont été les différents sujets de vos rencontres avec la diaspora ? 
« Le président Macky Sall se préoccupe des problèmes de la diaspora. Il rappelle souvent aux membres du gouvernement, en visite officielle, d’aménager des moments pour rencontrer et discuter avec la diaspora. C’est ainsi qu’à l’initiative de l’association Action Sud, j’ai rencontré la communauté casamançaise établie à Paris et Rouen. Nous avons échangé avec elle sur un certain nombre de questions notamment celles relatives à la paix en Casamance. Nous ambitionnons de créer une forte mobilisation qui consiste à inverser la situation actuelle vers une paix durable dans cette région. C’est une région qui souffre du manque d’investissements, de l’oisiveté des jeunes, de la précarité des populations. Pour accompagner le bon travail en cours pour la recherche de la paix, il est important qu’un plan d’investissement conséquent puisse accompagner ce processus. Il est important, à côté du levier politique, qu’il ait un levier économique. Ma conviction est que les jeunes ne portent plus l’idéal indépendantiste. Certains rejoignent le maquis faute de mieux. S’ils pouvaient bénéficier d’un certain nombre de mesures économiques et qu’ils comprennent que la possibilité de vivre décemment, et de se prendre en charge existe, ils vont se tourner naturellement vers ces projets d’avenir.»

 Avez-vous  été porteur d’un message officiel pour le règlement du conflit ?
« Je ne suis pas impliqué dans le processus de paix. Il est important qu’il n’y ait pas d’implication abusive ou maladroite. Le chef de l’Etat est en train de faire un travail discret et efficace avec d’autres partenaires comme la communauté Saint Egidio et le groupe de réflexion dirigé par Robert Sagna. J’avais à cœur une mobilisation des Casamançais pour une Casamance développée dans un Sénégal prospère. Pour cela, il faut taire les dissensions. Nous avons une région à construire pour qu’elle puisse donner le meilleur d’elle-même dans le développement de notre pays, le Sénégal.»

Vous avez également rencontré les travailleurs sénégalais du foyer Moïse à Rouen. La question de l’amélioration des conditions de perception des allocations de retraite était au centre des discussions. Quelles sont les alternatives ou solutions proposées par l’Etat sénégalais ?
 « J’ai été très touché par la condition des retraités sénégalais établis en France. La loi française leur impose de passer 6 mois par an pour percevoir leur pension. Nous avons été très sensibles à la question puisque la difficulté réside, après 30 à 40 ans de travail difficile, souvent dans des conditions précaires, à l’étranger, il est légitime d’aspirer à une retraite méritée au Sénégal. A la place, certains sont obligés de rester en France dans des conditions extrêmement précaires pour percevoir cette retraite durement acquise. Nous savons tous que prendre en charge la vieillesse dans ces conditions est extrêmement aléatoire. Fort de ce constat, nous allons sensibiliser le chef de l’Etat pour qu’éventuellement, cette question puisse être abordée avec les autorités françaises.»

La question du rapatriement de corps des sénégalais décédés à l’étranger a été également au centre des discussions avec la diaspora. Peut-on attendre à des avancées ? 
« J’ai pu rappeler que l’Etat mettait des processus d’aide en faveur des travailleurs et résidents sénégalais à l’étranger. Il faut simplement être rationnel pour que le dispositif d’aide et d’appui puisse revenir à ceux qui en ont le plus besoin. Le Sénégal n’a pas les moyens de rapatrier tout ressortissant qui décéde à l’étranger. Il est possible qu’une chaine de solidarité puisse se constituer. Le gouvernement va apporter son aide.»

La jeunesse et l’emploi font partie de vos priorités. Il y a 11.000 inscrits sénégalais par an dans les grandes écoles et universités françaises. Une fois le diplôme en poche, proposez-vous à ceux qui désirent rentrer ? 
« La question de l’emploi est préoccupante pour toutes les autorités étatiques du monde. Très souvent, il y a une difficulté dans l’adéquation entre la formation et les offres réelles d’emploi. J’ai rencontré, lors cette visite, de jeunes sénégalais préoccupés par leur avenir. Je leur ai fait comprendre que le gouvernement est en train de travailler sur un certain nombre de chantiers pour favoriser la création d’emplois ainsi que dans l’accompagnement de jeunes désireux de créer des projets. Les dispositifs sont en place. Je me devais de leur tenir un langage de vérité qui consiste à insister sur le fait qu’aujourd’hui, l’orientation de notre développement s’appuie sur l’agriculture. C’est un retour au développement du secteur primaire. Ce qui nécessite forcément une adaptation. Il en est de même dans les secteurs de l’artisanat, des télécommunications. Il faut essayer de trouver des voies d’insertion. Ce sont ces secteurs et ceux qu’on appelle les nouveaux métiers qui offrent plus d’emplois. On verra dans un deuxième temps, les possibilités dans les secteurs du bâtiment et des infrastructures.»

On vous prête des visées sur la mairie de Ziguinchor. Qu’en est-il réellement ?
« La Casamance est une des raisons de mon engagement politique. Aujourd’hui, je fais mien un combat permanent afin que la paix définitive revienne accompagnée du développement de la région. Etant à la base de mon choix politique, j’aspire à être au cœur et au centre de tout ce qui s’y fera. Je compte y jouer un grand et important rôle. Répondant à cette même question, récemment à Ziguinchor, j’avais dit que l’heure n’était pas à la déclaration de candidature. L’heure est au travail. Nous sommes en train de visiter les populations, de descendre dans les quartiers, de discuter avec tout le monde. Nous avons lancé un projet de ville. Avant d’aller à la conquête de différentes localités, la primauté est donnée au travail sur le projet de ville. Il sera l’émanation de la réflexion de chaque quartier qui, réunit en atelier, identifie ses forces et faiblesses pour ensuite proposer un plan d’aménagement des lieux de vie. Un comité scientifique va être réuni pour compiler toutes ses réflexions sorties de la concertation dans les quartiers, en plus de celles portées par différents corps sociaux comme les transporteurs, la société civile… Ensemble, nous allons faire une synthèse avant l’élaboration d’un contrat de performance entre les autorités et les populations. Ces dernières vont porter ce projet. Par exemple, le futur conseil municipal de Ziguinchor devrait être l’émanation des populations. Ce ne sera pas un conseil municipal politicien, mais bien populaire, participatif, citoyen et travailleur. Il devra refléter toutes les forces vives de Ziguinchor, car il est l’heure de se donner la main et de travailler. Lors de cette visite, j’ai pu constater que la diaspora et les ressortissants casamançais et notamment de Ziguinchor seront à nos côtés pour la réalisation de ce projet.»  

 Propos recueillis par notre correspondant à Paris Moussa DIOP


Bamba Toure

Mercredi 22 Mai 2013 21:19

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