Le guide des « Thiantacones » est l’objet, depuis deux jours d’attaques virulentes venant de toutes parts s’offusquant de propos déplacés qu’il a tenus à l’endroit de certaines personnalités mourides. Les réactions les plus acerbes et les plus emblématiques ont comme auteurs Serigne Fallou Fall Mbaor, Serigne Cheikhouna Bara Fallilou et Cheikh Ibrahima Fall ibn Cherif Assane depuis le Canada (avec la fougue qui le caractérise). Dans une vidéo postée sur sa page Facebook, ce dernier appelle d’ailleurs les Baye Fall à incendier toute maison dont M. Thioune serait le propriétaire. Le petit-fils de Cheikh Ibra Fall appelle en outre au meurtre du guide des Thiantacones qui, selon lui, est coupable d’apostasie pour s’être comparé (en le dépassant) au Prophète Mouhamad (PSL) dans une récente intervention.
L’émotion légitime que suscitent les propos de M. Thioune ne saurait occulter le réel problème que révèle cet évènement. Ce problème est d’abord celui des Mourides et d’une responsabilité qu’ils n’ont jamais voulu clairement assumer face au phénomène thiantacone. En effet, depuis plusieurs décennies, M. Thioune proclame son statut de Cheikh qu’il tiendrait de Serigne Saliou Mbacké. Les Sénégalais en général et les Mourides en particulier se sont toujours accommodés d’une telle déclaration, devenue une normalité dans notre imaginaire collectif.
Rappelons que tout le monde (ou presque) l’appelle « Cheikh Béthio ». Par paresse intellectuelle ou en raison de l’impossibilité de vérifier cette déclaration, nous nous sommes presque tous écrasés ; certains estimant que le « bâtin » (aspect ésotérique des choses) n’est pas du ressort du commun des mortels. En privé, j’ai même entendu certains Mourides dire : « il est vrai que les Thiantacones s’écartent de l’orthodoxie islamique, mais leur guide jouit d’un charisme peu ordinaire ». D’aucuns s’émerveillent du nombre de bêtes que le guide des thiantacones immole lors du grand Magal de Touba. Ils n’hésitent pas à y voir la superpuissance de Serigne Touba comme si ce dernier avait quelque penchant pour le paraitre ou les activités mondaines. Dieu sait que Cheikhloul Khadim n’a jamais été émerveillé par un autre que le Très-Haut et Son Prophète. Dans son poème « Khaaloo lii Irkan » il dira : « Dieu et Son Prophète me suffisent […] et je me contente d’eux. Et rien ne me satisfait si ce n’est l’Adoration de Dieu ».
Cette attitude curieuse de certains Mourides – pourtant fervents - à l’égard du phénomène thiatacone mêle une indulgence et un simulacre de fierté que j’ai toujours qualifiés de coupables. Ce curieux sentiment m’étreint davantage quand le porte-parole du Khalife général des Mourides, accompagné d’une forte délégation rend des visites dites de courtoisie au guide des thiantacones. En tant que fervents Mourides, le degré de notre gêne est insondable.
Toujours dans cette logique de détournement de nos symboles religieux, lors d’un fameux entretien avec Pape Ngagne Ndiaye, M. Thioune affirmera : « Serigne Saliou est mon Dieu ! » Même l’animateur n’a pas semblé être affecté par cette déclaration hautement blasphématoire. Le Sénégal est sans doute le seul pays musulman où un être humain peut se diviniser sans tollé et sans que personne ne le recadre dans la foulée. Cette grave déclaration a été vite classée parmi les nombreuses du genre dont le guide des Thiatacones a été l’auteur.
Dans la même veine, en mars 2012, l'une des femmes de M. Thioune déclara que son mari est la raison d’être du Magal de Touba, insinuant qu’il en est le « propriétaire » d’un point de vue mystique. Or nous savons tous que l’ordonnateur de cet évènement marquant le départ d’exil n’est autre que Cheikh Ahmadou Bamba qui entend ainsi rendre Grâce à son Seigneur pour les innombrables bienfaits qu’il lui a accordés. Mais Madame Thioune ne faisait en réalité que rappeler aux Sénégalais le sens d’un raisonnement qui est à la base du phénomène thiantacone : « Si Serigne Saliou est Serigne Touba et que Cheikh Bethio est Serigne Saliou, alors Cheikh Bethio est Serigne Touba ». C’est dans le même registre qu’une chanteuse sénégalaise très populaire a surpris son monde en s’adressant à M. Thioune en ces termes lors d’un Magal : « Dieu est là ! »
Il semble que pendant des décennies les Mourides que nous sommes avons préféré faire la sourde oreille en nous réfugiant derrière la notion de « bâtin », terme fourre-tout dans lequel les esprits paresseux classent tous les phénomènes dont ils n’ont pas le courage ou l’endurance de questionner les fondements. Personne, en effet, ne s’est douté que le phénomène thiantacone nécessite une recherche rigoureuse et objective sur ses origines, sa genèse, ses fondements et son évolution. C’est de cette seule manière que ses contradictions avec l’orthodoxie mouride pourront être isolées, dénoncées et mises en échec dans l’esprit des jeunes générations. Autrement, tout propos anti-thiantacone sera classé dans le registre de la « jalousie sénégalaise » par un guide qui excelle dans l’art de la communication. La preuve en est que la sortie de certaines personnalités mourides pour dénoncer les dernières déclarations de M. Thioune se sont vues frapper du sceau de cette jalousie et de la méchanceté gratuite alors qu’elles posent un problème de fond au sein de de la voie mouride.
Je veux en venir au fait que M. Thioune n’a jamais varié dans sa conviction d’incarner le cinquième Khalife de Bamba. Lors du rappel à Dieu de celui-ci en décembre 2007, n’a-t-il pas déclaré dans tous les médias ne plus pouvoir faire acte d’allégeance à une créature sur cette terre ? Un propos en parfaite cohérence avec sa ligne pluri-décennale.
Sur un plan plus prosaïque, lors du second tour de l’élection présidentielle, M. Thioune s’était engagé publiquement à réélire Maitre Abdoulaye Wade, ajoutant que si un tel objectif n’était pas atteint, tous ses disciples étaient libres de rompre le pacte d’allégeance avec lui. A l’issue de ce scrutin perdu, comme nous le savons, par le Pape du Sopi, ses justifications fallacieuses et plus que sommaires ont suffi à convaincre la masse des Thiantacones de rester sous son joug.
C’est le même personnage qui, en avril 2012, suite au meurtre de Bara Sow et d’Ababacar Diagne à Madinatou Salam, a été interpellé et placé sous mandat de dépôt avant d’être l’objet des graves chefs d’inculpation de complicité de meurtre avec acte de barbarie, détention d’arme à feu, recel de cadavres, non-dénonciation d’actes criminels ou de barbarie, inhumation de cadavres sans autorisation administrative et association de malfaiteurs. En février 2013, alors qu’il était à Paris suite à une autorisation de sortie du territoire, M. Thioune obtenait une liberté provisoire pour raisons médicales, mais placé sous contrôle judiciaire. Depuis, nombre de Sénégalais demeurent persuadés que justice ne sera pas faite au grand dam des familles éplorées.
En définitive, la complaisance de certains Mourides doublée de l’indulgence de l’Autorité judiciaire est devenue un cocktail explosif qui menace d’éclater à la face de notre pays. En témoignent les appels renouvelés de dignitaires mourides à l’incendie des demeures de M. Thioune ou encore à son assassinat. Nul doute que si ces appels sont entendus notre pays va au-devant de graves cycles de violence. J’en appelle donc aux autorités religieuses, étatiques et judiciaires de notre pays pour éteindre cette braise en toute responsabilité. La première étape serait, en mon sens, l’arrêt immédiat, par M. Thioune, de ses provocations et son silence médiatique à jamais.
Omar Ba
L’émotion légitime que suscitent les propos de M. Thioune ne saurait occulter le réel problème que révèle cet évènement. Ce problème est d’abord celui des Mourides et d’une responsabilité qu’ils n’ont jamais voulu clairement assumer face au phénomène thiantacone. En effet, depuis plusieurs décennies, M. Thioune proclame son statut de Cheikh qu’il tiendrait de Serigne Saliou Mbacké. Les Sénégalais en général et les Mourides en particulier se sont toujours accommodés d’une telle déclaration, devenue une normalité dans notre imaginaire collectif.
Rappelons que tout le monde (ou presque) l’appelle « Cheikh Béthio ». Par paresse intellectuelle ou en raison de l’impossibilité de vérifier cette déclaration, nous nous sommes presque tous écrasés ; certains estimant que le « bâtin » (aspect ésotérique des choses) n’est pas du ressort du commun des mortels. En privé, j’ai même entendu certains Mourides dire : « il est vrai que les Thiantacones s’écartent de l’orthodoxie islamique, mais leur guide jouit d’un charisme peu ordinaire ». D’aucuns s’émerveillent du nombre de bêtes que le guide des thiantacones immole lors du grand Magal de Touba. Ils n’hésitent pas à y voir la superpuissance de Serigne Touba comme si ce dernier avait quelque penchant pour le paraitre ou les activités mondaines. Dieu sait que Cheikhloul Khadim n’a jamais été émerveillé par un autre que le Très-Haut et Son Prophète. Dans son poème « Khaaloo lii Irkan » il dira : « Dieu et Son Prophète me suffisent […] et je me contente d’eux. Et rien ne me satisfait si ce n’est l’Adoration de Dieu ».
Cette attitude curieuse de certains Mourides – pourtant fervents - à l’égard du phénomène thiatacone mêle une indulgence et un simulacre de fierté que j’ai toujours qualifiés de coupables. Ce curieux sentiment m’étreint davantage quand le porte-parole du Khalife général des Mourides, accompagné d’une forte délégation rend des visites dites de courtoisie au guide des thiantacones. En tant que fervents Mourides, le degré de notre gêne est insondable.
Toujours dans cette logique de détournement de nos symboles religieux, lors d’un fameux entretien avec Pape Ngagne Ndiaye, M. Thioune affirmera : « Serigne Saliou est mon Dieu ! » Même l’animateur n’a pas semblé être affecté par cette déclaration hautement blasphématoire. Le Sénégal est sans doute le seul pays musulman où un être humain peut se diviniser sans tollé et sans que personne ne le recadre dans la foulée. Cette grave déclaration a été vite classée parmi les nombreuses du genre dont le guide des Thiatacones a été l’auteur.
Dans la même veine, en mars 2012, l'une des femmes de M. Thioune déclara que son mari est la raison d’être du Magal de Touba, insinuant qu’il en est le « propriétaire » d’un point de vue mystique. Or nous savons tous que l’ordonnateur de cet évènement marquant le départ d’exil n’est autre que Cheikh Ahmadou Bamba qui entend ainsi rendre Grâce à son Seigneur pour les innombrables bienfaits qu’il lui a accordés. Mais Madame Thioune ne faisait en réalité que rappeler aux Sénégalais le sens d’un raisonnement qui est à la base du phénomène thiantacone : « Si Serigne Saliou est Serigne Touba et que Cheikh Bethio est Serigne Saliou, alors Cheikh Bethio est Serigne Touba ». C’est dans le même registre qu’une chanteuse sénégalaise très populaire a surpris son monde en s’adressant à M. Thioune en ces termes lors d’un Magal : « Dieu est là ! »
Il semble que pendant des décennies les Mourides que nous sommes avons préféré faire la sourde oreille en nous réfugiant derrière la notion de « bâtin », terme fourre-tout dans lequel les esprits paresseux classent tous les phénomènes dont ils n’ont pas le courage ou l’endurance de questionner les fondements. Personne, en effet, ne s’est douté que le phénomène thiantacone nécessite une recherche rigoureuse et objective sur ses origines, sa genèse, ses fondements et son évolution. C’est de cette seule manière que ses contradictions avec l’orthodoxie mouride pourront être isolées, dénoncées et mises en échec dans l’esprit des jeunes générations. Autrement, tout propos anti-thiantacone sera classé dans le registre de la « jalousie sénégalaise » par un guide qui excelle dans l’art de la communication. La preuve en est que la sortie de certaines personnalités mourides pour dénoncer les dernières déclarations de M. Thioune se sont vues frapper du sceau de cette jalousie et de la méchanceté gratuite alors qu’elles posent un problème de fond au sein de de la voie mouride.
Je veux en venir au fait que M. Thioune n’a jamais varié dans sa conviction d’incarner le cinquième Khalife de Bamba. Lors du rappel à Dieu de celui-ci en décembre 2007, n’a-t-il pas déclaré dans tous les médias ne plus pouvoir faire acte d’allégeance à une créature sur cette terre ? Un propos en parfaite cohérence avec sa ligne pluri-décennale.
Sur un plan plus prosaïque, lors du second tour de l’élection présidentielle, M. Thioune s’était engagé publiquement à réélire Maitre Abdoulaye Wade, ajoutant que si un tel objectif n’était pas atteint, tous ses disciples étaient libres de rompre le pacte d’allégeance avec lui. A l’issue de ce scrutin perdu, comme nous le savons, par le Pape du Sopi, ses justifications fallacieuses et plus que sommaires ont suffi à convaincre la masse des Thiantacones de rester sous son joug.
C’est le même personnage qui, en avril 2012, suite au meurtre de Bara Sow et d’Ababacar Diagne à Madinatou Salam, a été interpellé et placé sous mandat de dépôt avant d’être l’objet des graves chefs d’inculpation de complicité de meurtre avec acte de barbarie, détention d’arme à feu, recel de cadavres, non-dénonciation d’actes criminels ou de barbarie, inhumation de cadavres sans autorisation administrative et association de malfaiteurs. En février 2013, alors qu’il était à Paris suite à une autorisation de sortie du territoire, M. Thioune obtenait une liberté provisoire pour raisons médicales, mais placé sous contrôle judiciaire. Depuis, nombre de Sénégalais demeurent persuadés que justice ne sera pas faite au grand dam des familles éplorées.
En définitive, la complaisance de certains Mourides doublée de l’indulgence de l’Autorité judiciaire est devenue un cocktail explosif qui menace d’éclater à la face de notre pays. En témoignent les appels renouvelés de dignitaires mourides à l’incendie des demeures de M. Thioune ou encore à son assassinat. Nul doute que si ces appels sont entendus notre pays va au-devant de graves cycles de violence. J’en appelle donc aux autorités religieuses, étatiques et judiciaires de notre pays pour éteindre cette braise en toute responsabilité. La première étape serait, en mon sens, l’arrêt immédiat, par M. Thioune, de ses provocations et son silence médiatique à jamais.
Omar Ba