Tripoli (AFP) - La Libye, plongée dans une transition chaotique émaillée de violences, marque mercredi sans faste ni enthousiasme le deuxième anniversaire de la chute du régime de Mouammar Kadhafi.
Aucun programme officiel de festivités n'est prévu pour marquer "la libération du pays" de l'ancien régime annoncée le 23 octobre 2011, trois jours après la mort de Mouammar Kadhafi, capturé puis exécuté par des rebelles près de sa ville natale de Syrte (centre).
Mardi, le gouvernement s'est contenté de féliciter le peuple, dans un communiqué, pour ce "jour décisif qui a mis fin à la tyrannie et au despotisme et a ouvert une nouvelle ère de liberté, de justice et d'égalité".
Dans la rue, le coeur n'est pas à la fête.
A Tripoli ou à Benghazi (est), deuxième ville du pays et berceau de la contestation qui y avait débuté à la mi-février 2011, il n'y a aucun signe de festivités.
L'enlèvement il y a moins de deux semaines du Premier ministre, Ali Zeidan, n'a duré que quelques heures mais a illustré la faiblesse de l'Etat et rappelé aux Libyens la triste réalité de leur pays, plongé dans l'anarchie deux ans après "la libération".
"Rien n'a changé en Libye. La sécurité se dégrade. La Libye ne va pas mieux, elle se dirige vers le pire, à cause des milices, qui gouvernent réellement", déplore Abdelhadi al-Sultan, 41 ans, à sa sortie d'une mosquée du centre de Tripoli.
Après la chute du régime Kadhafi et avec lui tout le système sécuritaire de l'Etat, les nouvelles autorités ont chargé les ex-rebelles d'assurer la sécurité.
Ces ex-rebelles ont ainsi formé des dizaines de milices sur des bases idéologiques, régionales ou tribales n’obéissant qu'à leurs propres intérêts.
Ils n'hésitent pas à défier l'Etat si leur intérêts sont menacés compromettant ainsi la paix civile et retardant la construction des institutions.
Par ailleurs, des affrontements tribaux meurtriers éclatent régulièrement notamment pour le contrôle de la contrebande ou à la suite de querelles.
Mardi, par exemple, des affrontements se déroulaient dans les régions de Zawyiah et Ajaylat, à quelques dizaines de km à l'ouest de Tripoli, après l'enlèvement d'habitants de Zawyiah.
Cette situation suscite des sentiments mitigés chez Fethi Tarbel, un avocat dont l'arrestation le 15 février 2011 avait été l'étincelle de l'insurrection libyenne. Ce militant des droits de l'Homme veut avoir "un regard positif (...) malgré l'amertume qui domine" et pour lui, l'anarchie est un "héritage de l'ancien régime" qui a laissé des "institutions en déconfiture".
En attendant, la feuille de route de la transition comprenant les échéances électorales devant doter le pays d'institutions pérennes est sérieusement compromise.
Et les autorités n'ont toujours pas réussi à former une police et une armée professionnelles.
Mardi, elles se sont félicitées de la suite favorable donnée par l'Otan à leur demande de leur fournir du conseil sur la mise en place d'institutions de défense.
Tripoli souhaite notamment sécuriser ses vastes frontières et construire des forces de sécurité pour prendre la relève des ex-rebelles, accusés de violations des droits de l'Homme.
Ainsi, les habitants de Taouarga, une ville qui avait servi de base aux forces pro-Kadhafi lors du conflit de 2011, ont été chassés de chez eux et les ex-rebelles de Misrata les empêchent depuis d'y retourner, a rappelé mercredi Amnesty International.
Dans un rapport, l'organisation de défense des droits de l'Homme fait état de "discriminations continues, d' enlèvements et de détentions arbitraires des (habitants de) Taouargas, qui font toujours face à des menaces et des attaques de représailles de la part de milices agissant au-dessus de la loi".
"Les autorités libyennes doivent de toute urgence trouver une solution durable pour mettre fin au déplacement forcé de dizaines de milliers de Taouargas et d'autres communautés, de leurs villes d'origine durant le conflit armé de 2011", a ajouté Amnesty.