Dès que la démission de Benoît XVI a été annoncée, un nom prestigieux a commencé à circuler : le cardinal nigérian Francis Arinze, grand personnage de l'ère Jean Paul II, a figuré dans les premiers pronostics des bookmakers. Mais, alors qu'il vient d'avoir 80 ans, son élection semble très improbable.
Son plus jeune confrère, l'archevêque d'Abuja, John Onaiyekan, a ensuite été cité : forte personnalité, il est très respecté pour la force de son message pacifique, notamment dans la coexistence avec l'islam, mais il n'est pas connu en Occident. On ne parle plus guère de lui comme candidat.
Plus connu à Rome est le cardinal de Kinshasa, Laurent Monsengwo, un homme carré et profond, qui avait prêché les méditations de Carême de Benoît XVI et eu un rôle éminent au dernier synode sur la "Nouvelle évangélisation" en octobre. Il a joué un rôle de premier plan dans les efforts de réconciliation dans son pays déchiré par des guerres à répétition. Mais cet homme courageux est aussi un homme de pouvoir, jugé trop politique, trop lié à la situation compliquée de l'Afrique des Grands lacs, alors que les cardinaux réunis à Rome ne recherchent pas ce profil.
Plus dégagé des liens ethniques et politiques est l'archevêque de Durban, Wilfrid Napier, qui est aussi cité comme "papabile". Il est très présent sur twitter et vient du pays le plus occidentalisé d'Afrique.
Le plus fréquemment cité depuis la démission de Benoît XVI parmi les Africains est le cardinal ghanéen Peter Turkson, président du Conseil pontifical "Justice et paix", chargé par Benoît XVI d'articuler les prises de position de l'Eglise sur les grands thèmes sociaux dans le monde.
L'un des deux seuls cardinaux africains de la Curie, il n'hésite pas à prendre des positions tranchées, mais il a commis plusieurs maladresses. En octobre devant 250 évêques réunis en synode, il avait diffusé une vidéo alarmiste sur la progression démographique des musulmans en Europe, s'attirant les foudres d'autres évêques, alors que le dialogue avec l'islam est très délicat.
Selon le vaticaniste de La Stampa, Marco Tosatti, certains Européens, comme le cardinal de Paris, André Vingt-Trois, auraient particulièrement peu apprécié les déclarations de Mgr Turkson selon lesquelles on contruit en France plus de mosquées que d'églises.
Récemment, des propos du cardinal ghanéen affirmant que les traditions africaines protégeraient de l'homosexualité et de la pédophilie avaient été épinglés par les médias américains.
L'autre Africain de la Curie est le cardinal guinéen Robert Sarah, un homme courageux à l'époque de la dictature de Sékou Touré, proche et estimé de Benoît XVI.
Il a dirigé "Cor Unum", le conseil pontifical qui gère les oeuvres de l'Eglise dans le monde. Conservateur comme Joseph Ratzinger, il est comme lui discret, timide, affable et moins médiatique que son homologue Turkson.
Selon le vaticaniste Marco Politi, les Africains viennent de sociétés "qui n'ont pas l'expérience de la sécularisation", contrairement par exemple aux archevêques de grandes métropoles d'Amérique latine telles Sao Paulo, Rio, Buenos Aires, Mexico ou Bogota.
Le fait de venir de sociétés encore très marquées par les traditions religieuses ancestrales et en dehors du grand mouvement général de sécularisation peut être un handicap pour ces évêques par ailleurs "très estimés", estime-t-il.
Ce monde sécularisé, qu'un nouveau pape aura mission de ré-évangéliser en priorité, va de l'Europe à l'Amérique du Nord, en passant par l'Amérique Latine et l'Australie.
Un autre handicap pour certains des Africains est le manque d'expérience de la Curie, qui risquerait de les "dévorer ou les manipuler", selon Marco Politi.
Alors qu'un profil modéré et rassembleur est recherché pour le prochain pape, plusieurs des cardinaux africains sont très conservateurs sur les moeurs, condamnant sévèrement l'homosexualité en particulier. Ils fustigent facilement les catholiques européens ou américains, accusés de mollesse pour avoir dilué, selon eux, le message de l'Evangile
SourceSlate.fr