Le partage des biens marque ge?ne?ralement le de?but des tiraillements au sein des familles. Une main basse des uns sur le patrimoine, un he?ritier oublie? et me?me un testament non reconnu sont autant de facteurs de division entre fre?res et sœurs.
La mort du père n’est pas toujours uniquement source de tristesse dans une famille. Elle marque aussi la fin de l’harmonie (le cas échéant) ou de la négociation, surtout s’il y a une fortune à hériter. Le partage des biens est souvent le moment d’étaler au grand jour les rivalités évidentes ou diffuses au sein d’une famille. Les relations deviennent difficiles, si elles ne sont pas interrompues. Et très souvent, pour avoir manqué d’organiser leur succession de leur vivant, ‘’un acte de prévoyance’’, les pères dotés d’une fortune et notamment polygames exposent leur famille à un conflit. Moussa Paye est en une victime. La cinquantaine, il se dit lésé dans le partage du patrimoine de son géniteur. Depuis, il ne parvient pas à avoir un jugement d’hérédité. ‘’C’est compliqué, parce que mon père était polygame. Il avait 4 épouses. Maintenant, il y a d’autres enfants qui occupent une maison. Ils ne veulent pas donner leurs documents pour la succession. C’est juste pour me coincer’’, a-t-il affirmé.
Pourtant, un magistrat officiant au tribunal hors classe de Dakar soutient que ‘’rien ne s’y oppose’’. ‘’Il n’a qu’à aller voir le président du tribunal, lui exposer son problème et les héritiers seront convoqués. S’ils n’acceptent pas, on va prendre un jugement d’hérédité sur la base de ceux qui ont déposé leurs documents. Quand les autres se rendront compte que les carottes sont cuites, ils vont venir produire leur dossier pour faire opposition’’, fait-il remarquer.
Si l’on en croit le juge, point n’est besoin de baisser les bras, dans de pareilles situations. Pour lui, il suffit tout juste d’agir, de provoquer un contentieux pour obliger les protagonistes à répondre devant le tribunal.
Mais force est de reconnaitre que les choses ne sont pas aussi simples, en matière de succession. Car des familles sont au tribunal, depuis des années, sans que le conflit ne soit tranché. La famille Coulibaly, habitant la banlieue dakaroise, en est une illustration parfaite. Les faits ont eu lieu entre 1981 et 1987. L’aîné de la fratrie, à l’époque en Mauritanie, a été rappelé pour être au chevet de son père gravement malade. Ses frères et sœurs n’avaient pas encore atteint l’âge de la majorité. Demba Coulibaly devait s’occuper de tout jusqu’au décès de leur pater qui était un homme riche. Il avait même un lien d’amitié très étroit avec l’ancien président de la République Abdoulaye Wade. Coulibaly père avait 2 champs qui s’étendaient à perte de vue à Keur Massar.
Bataille rangée entre frères et sœurs
Un jour, deux de ses enfants sont allés visiter les propriétés. Mais, à leur grande surprise, ils ont découvert que des parcelles appartenant aux domaines ont été vendus. Après enquête, ils ont su que c’était l’aîné de la famille qui en est l’auteur. Selon Fatou Coulibaly, Demba a confisqué tous les documents de leur père, à sa mort. Ce que les témoins, proches de la famille, ont confirmé. Ainsi, trois membres de la famille ont saisi le procureur de la République. Ce dernier a transmis le dossier à la Maison de la justice sise à la Sicap Mbao. Le médiateur de ladite maison devait procéder à un règlement à l’amiable de cette affaire. Mais ce fut un chaos ! La rencontre s’est terminée en queue de poisson. Pis, il y a eu même des échanges de coups de poing entre membres de la même famille.
Le conciliateur a fini par informer le ministère public de l’impossibilité d’accomplir sa mission. Sur ce, ce dernier a retransmis l’affaire au commissariat de Pikine. C’était en 2015. Lors de sa première convocation, le mis en cause a réfuté l’accusation. Il a juré qu’il n’a jamais détenu ‘’la boîte aux documents’’. Toutefois, il a déclaré que c’est un certain promoteur immobilier qui s’était accaparé leurs terres et devait les indemniser. A cet effet, les héritiers, au nombre de 12, s’étaient constitués en collectif, ajoutait-il. ‘’Jusqu’à présent, nous n’avons reçu aucun sou’’, s’est-il défendu.
Cependant, Demba Coulibaly a fait faux bond aux enquêteurs pour sa seconde comparution. Certains déclaraient qu’il avait pris la fuite, tandis que d’autres affirmaient qu’il quittait le domicile familial tôt le matin, pour ne rentrer que tard dans la soirée. Ne voulant certainement pas se mêler de cette affaire opposant des frères de sang, le chef de quartier a refusé de déférer à la convocation. ‘’Il n’est pas le seul. Beaucoup de personnes ont voulu se tenir loin de cette histoire de famille’’, précise notre interlocuteur. L’enquête bouclée a été envoyée chez le procureur. Résultat : le dossier est classé sans suite et le parquet a renvoyé les parties devant le juge civil. ‘’Comme il s’agit d’un héritage, c’est une affaire civile. C’est le tribunal qui doit les départager. Car, depuis le décès de leur père, il y a plus de 30 ans, la succession n’est toujours pas ouverte. La maison dans laquelle ils vivent est une source de conflits. Il ne se passe pas un seul jour sans qu’il y ait une bagarre. Les héritiers viennent souvent à la police pour porter plainte entre eux’’, relate un proche de la famille.
Le testament, le notaire et les frères Samb
Par ailleurs, même s’il est bon de faire un testament avant sa mort, celui-ci n’est guère une garantie de stabilité d’une famille, après le départ du chef. Polygame de son vivant, Mayoro Samb avait tout préparé avant la date fatidique. L’homme a voulu épargner à ses enfants les problèmes relatifs au partage de ses biens, à son décès. Au crépuscule de sa vie, il a rédigé un testament devant un notaire, en 1998. Deux ans après, le père de famille a été rappelé à Dieu. Ce fut le début du contentieux entre frères consanguins. ‘’Un de mes frères a assigné en justice notre mère et le notaire devant le procureur du tribunal régional de Ziguinchor pour faux et usage de faux sur le testament. Cependant, la plainte a été classée sans suite. Insatisfait de cette décision rendue, le plaignant a saisi le tribunal de grande instance hors classe de Dakar d’une action en nullité du testament, aux motifs que le notaire instrumentaire était établi à Ziguinchor, alors que la succession était ouverte à Dakar’’, explique un des héritiers. Mais le demandeur a été débouté.
Sachant que toutes les actions qu’il a eu à initier pour annuler le testament sont restées vaines, il a décidé d’aller devant le tribunal pour la liquidation et le partage de la succussion. ‘’L’affaire a été enrôlée à notre insu et à l’insu de notre avocat au tribunal. Par la suite, nous avons reçu la visite d’un individu qui s’est présenté à nous comme expert judiciaire et prétend détenir une ordonnance pour expertiser le patrimoine de notre défunt père. Devant notre insistance à lui demander de fournir sa carte professionnelle, le prétendu expert finit par nous dire qu’il n’était, en réalité, qu’un clerc’’, fait savoir notre interlocuteur. Ce dernier a soutenu que l’expert désigné dans le jugement n’est jamais venu. Ce, malgré les multiples rendez-vous programmés. Aujourd’hui, l’une des parties soutient vouloir en finir. ‘’Nous souhaitons que ce dossier de succession qui nous cause un énorme préjudice soit définitivement vidé. Nous voulons que le partage se fasse sur les biens qui ne sont pas inscrits dans le testament’’, fait-il remarquer.