Le parrainage à l’élection présidentielle du 24 février 2019 a suscité des débats passionnants et passionnés lors des travaux du « Cadre de Concertation sur le Processus Électoral » (CCPE), qui se sont tenus du 12 décembre 2017 au 02 février 2018. Des divergences nettes et profondes ont opposé les différents acteurs électoraux sur cette question, qui continue encore d’agiter le landerneau politique. Pourtant, une lecture attentive du déroulement des élections législatives du 30 juillet 2017 permet de se rendre à l’évidence, qu’au regard de la trajectoire électorale de notre pays, la question du parrainage à la présidentielle du 24 février 2019, est devenue aujourd’hui incontournable.
Comme tout le monde l’a constaté, la source de toutes les difficultés nées des législatives du 30 juillet 2017, se trouve dans le nombre très élevé des listes en compétition. C’est une responsabilité de tous les acteurs politiques et de notre système électoral qui a rendu très élastiques les conditions de participation des partis politiques et des citoyens à tous les types d’élection. Dans tous les pays du monde, il existe différentes formes de filtrage qui ont pour but non seulement de préserver le système politique en tant que tel, mais aussi de permettre le déroulement des scrutins dans de bonnes conditions. Dans notre droit électoral, seuls les partis politiques légalement constitués pouvaient concourir à l’expression des suffrages. C’était déjà une première forme de filtrage. Par la suite, on a élargi aux coalitions, puis, en 1991, aux candidats indépendants pour certaines élections seulement et, à partir de 2016, ces derniers pouvaient concourir à toutes les types d’élections (présidentielle, législatives et locales.)
C’est dire que le champ de participation aux élections pour les partis et les coalitions, et pour les candidats indépendants s’est considérablement élargi. Il s’y ajoute, sur la base de l’expérience, que la plupart des candidats indépendants, pour contourner la difficulté de « recueillir la signature de 0,5% des électeurs inscrits domiciliés dans la moitié au moins des régions du pays, à raison de 1000 signatures au moins par région » (Art. L. 145 du Code électoral), s’abritent derrière les récépissés de partis qui souvent n’existent que de nom, pour se présenter aux élections. De telles pratiques faussent considérablement les règles du jeu électoral.
Quant à la caution, qui pouvait servir de moyen de dissuasion, en limitant la floraison des candidatures aux élections, au contraire, elle les a exacerbées. De trois (03) millions avant la première alternance politique intervenue en février – mars 2000, elle a été portée à six (06) millions à la présidentielle 2000, puis à vingt-cinq (25) millions en 2007 pour monter à soixante-cinq (65) millions en 2012. Cela n’a guère limité les candidatures qui étaient au nombre de 14 candidats sur la ligne de départ en 2012.
De 1960 à nos jours, l’évolution des candidatures à l’élection présidentielle est en nette progression : 1er décembre 1963 : 1 candidat ; 25 février 1968 : 1 candidat ; 28 janvier 1973 : 1 candidat ; 26 février 1978 : 2 candidats ; 27 février 1983 : 5 candidats ; 28 février 1988 : 4 candidats ; 21 février 1993 : 8 candidats ; 20 février- 19 mars 2000 (1er tour) : 8 candidats ; 25 février 2007 : 15 candidats ;26 février- 25 mars 2012 (1er tour) : 14 candidats.
Pour ce qui concerne les élections législatives, la tendance est la même pour les listes en compétition : 1er décembre 1963 : (2 listes) ; 25 février 1968 (1 liste) ; 28 janvier 1973 (1 liste) ; 26 février 1978 : (3 listes) ; 27 février 1983 : (8 listes) ; 28 février 1988 :( 6 listes) ; 9 mai 1993 : (6 listes) ; 24 mai 1998 : (16 listes) ; 29 avril 2001 (Anticipées) : 24 (listes) ; 3 juin 2007 : (14 listes) ( ce scrutin a été boycotté par l’opposition la plus significative de l’époque regroupée dans la coalition Front Siggil Sénégal) (FSS) ; 1er juillet 2012 (24 listes) ; 30 juillet 2017 : (47 listes).
Il convient de rappeler que pour ce qui concerne les élections locales de 2014, il y avait 2709 listes en compétition. Mais du fait du caractère local du scrutin, les difficultés réelles et sérieuses n’ont pas été ressenties par les populations, contrairement au Ministère de l’Intérieur qui a été confronté à beaucoup de problèmes dans l’organisation de ces élections.
A la lumière d’un tel tableau, il est évident que si des mesures appropriées ne sont pas prises, non dans le but d’éliminer des candidatures, comme le prétendent certains hommes politiques, mais pour les rationaliser, c’est l’organisation elle-même des scrutins qui va être extrêmement difficile, sinon impossible. Les leçons récentes des législatives du 30 juillet 2017, sont encore fraîches dans nos mémoires. Le peuple sénégalais tout entier, au sortir des élections législatives du 30 juillet 2017, a été traumatisé par un scrutin marqué par la présence inédite dans notre histoire électorale vieille de plus d’un siècle et demi, de 47 listes en compétition.L’atelier de simulation organisé le 19 juin 2017 à Dakar, par l’ONG 3D, et auquel étaient conviés l’ensemble des acteurs du jeu électoral, avait fait ressortir de façon incontestable, que rien que pour le temps de vote, avec 47 bulletins, à raison de 4 minutes seulement par électeur, au strict minimum, dans un bureau de vote de 300 électeurs, il faudrait 2O H pour que tout le monde puisse voter. Dans notre dispositif électoral actuel, cela équivaut à 02 jours de vote.
Si l’on tient compte du fait que l’article L. 66 du Code électoral fixe le nombre d’électeurs, au plus, à 600 par bureau de vote et que l’article L. 63 dispose que « le scrutin ne dure qu’un seul jour », on se rend à l’évidence que le vote ne pourrait absolument pas se dérouler le 30 juillet 2017, selon les dispositions actuelles en vigueur de notre droit électoral. N’eussent été les propositions de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), permettant à chaque électeur de pouvoir prendre au moins 5 bulletins, le vote n’aurait pas pu avoir lieu. Pourtant, comble de paradoxes, de nombreux acteurs de l’opposition étaient farouchement opposés à cette proposition de l’instance de supervision du processus électoral, rien que pour perturber le bon déroulement du scrutin.
C’est dire que cette inflation extraordinaire de listes aux législatives du 30 juillet 2017, a eu pour conséquences majeures la désorganisation et la déstabilisation de notre système de vote, avec toutes les conséquences qui en ont découlées et qui ont engendré de nombreux dysfonctionnements. Aussi, l’on comprend aisément le profond cri du cœur de tous les sénégalais, partout et dans toutes les sphères de la société, pour dire : « plus jamais cela !».
Notre pays se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Après ce qui s’est passé au scrutin législatif du 30 juillet 2017, on ne peut et on ne doit plus fermer les yeux comme si de rien n’était, puisque c’est l’avenir même et la crédibilité de la démocratie sénégalaise qui sont en cause. Comme nous l’avons montré, le montant de la caution, si élevé soit-il, n’est guère un moyen de rationalisation des candidatures, comme l’illustre la dernière élection présidentielle de 2012. Pour l’heure, la seule alternative qui semble s’imposer pour la rationalisation des candidatures, c’est le parrainage citoyen qui instaure l’équité entre les candidats. Il est surprenant de constater que les partis et coalitions qui sont les plus farouchement opposés à tout parrainage, quel qu’en soit les modalités, sont ceux qui ont délibérément choisi de boycotter les concertations dans le cadre du CCPE (Cadre de concertation sur le processus électoral). Pourtant, cette question était bien inscrite dans les Termes de références et les thèmes de discussion du CCPE. L’on a pensé donc que cette opposition allait saisir l’opportunité que lui offrait la table de concertation pour venir échanger avec les autres acteurs politiques sur toutes les questions qui interpellent notre processus électoral. Une telle démarche aurait sans aucun doute, permis à la démocratie sénégalaise de tirer toutes les leçons des législatives du 30 juillet 2017 à partir d’une démarche participative, partenariale et inclusive, puisque les sénégalais avaient unanimement souhaité que tous les acteurs politiques se retrouvent autour d’une table, dans un formidable élan patriotique, en toute responsabilité et dans un état d’esprit d’ouverture et d’écoute, pour faire une évaluation critique collective et objective, des dysfonctionnements nés des législatives du 30 juillet 2017, pour rectifier et corriger tout ce qui pouvait et devait l’être, avant les prochaines échéances présidentielles et locales de 2019.
En prenant la décision irresponsable de tourner radicalement le dos à la table de concertation, en se lançant dans le chemin solitaire et aventuriste de la désinformation et de l’intoxication, en cherchant à troubler l’ordre public et en défiant les lois et les institutions de la République, en appelant les populations à des marches ou sit-in, cette opposition doit s’en vouloir à elle-même puisqu’elle porte l’entière responsabilité des conséquences qui découlent de son refus de dialoguer avec les autres acteurs du jeu politique, en posant des conditionnalités inacceptables telles que la libération immédiate du maire de Dakar ou le retour de monsieur Karim Wade ou la démission du Ministre de l’intérieur. Heureusement qu’une partie de l’opposition plus responsable était au rendez-vous. Tout le monde sait que le temps qui nous sépare des prochaines échéances électorales de 2019 est très court et les différentes phases de la chaîne des opérations électorales, sont tellement nombreuses et complexes que tout retard dans le management du processus aura des répercussions fâcheuses sur toute la chaîne. C’est parce que les acteurs politiques qui ont pris part au CCPE ont parfaitement pris conscience du fait que l’horloge électoral n’est pas celle du temps des politiques, qu’ils ont accepté de se mettre autour de la table de concertation, pour au moins échanger et discuter. C ’est tout à leur honneur quel que soit du reste le bilan de leurs discussions. Si tous les acteurs politiques avaient accepté de se retrouver autour de la table de concertation, certains n’auraient pas attendu le dépôt du rapport issu des travaux du CCPE pour demander l’ouverture de nouvelles concertations sur les modalités de mise en œuvre du parrainage. Et puisque c’est l’Etat qui est comptable et qui a la responsabilité de la bonne organisation des scrutins, toutes carences ou manquements ne lui seront pardonnés, par une certaine opposition à l’affût, qui préfère se croiser les bras et qui ne guette que les moindres failles pour ruer sur les brancards et pointer du doigt le pouvoir en place, comme ce fut le cas lors des législatives du 30 juillet 2017.
Aujourd’hui notre pays compte près de 300 partis politiques légalement constitués (Le Soleil n° 14358 du vendredi 6 avril 2018). Si l’on sait que les 4/5ème des partis n’ont jamais participer à des scrutins sous leur propre bannière ; si l’on sait que lors des législatives du 30 juillet 2017, sur les 47 listes en compétition, seuls 05 ont obtenu le quotient national (55 000 voix environ) ; si l’on sait que parmi les 47 listes , il y avait des candidats indépendants, mais qui ne se sont pas présentés sous cette bannière pour contourner les signatures d’électeurs inscrits, conformément aux dispositions de l’ Art. L. 145 du Code électoral, préférant s’abriter derrière les récépissés de « petits partis » légalement constitués ; si l’on sait qu’à l’heure actuelle, à 10 mois des élections , plus de 15 candidatures sont déjà déclarées pour la présidentielle 2019 , et si l’on sait enfin que l’élection présidentielle en raison de ses enjeux offre un espace privilégié de marketing politique pour des candidats fantaisistes, sans envergure politique ni surface sociale, nous devons être absolument vigilants pour faire en sorte que la présidence de la République, qui constitue la clé de voûte des institutions , ne puisse être ouverte aux candidatures farfelues ou de simples témoignages qui ne cherchent qu’à enrichir leur CV ou à des candidats qui n’attendent du scrutin qu’un retour sur investissement. Comme le fait observer le Pr. Ismaila Madior Fall, Garde des sceaux, ministre de la Justice : « La compétition présidentielle est trop sérieuse pour être ouverte sans limite. Avec le parrainage citoyen, il appartiendra désormais aux citoyens de décider de qui est apte à briguer leurs suffrages. Le critère décisif est ainsi l’habilitation citoyenne à candidater à la présidentielle » (Le Soleil du mercredi 28 mars 2018).
Bien plus, nous devons également tenir compte du coût de chaque candidat à l’élection présidentielle. Avant la première alternance politique intervenue en l’an 2000, le coût d’un candidat à la présidentielle, était évalué par les services du ministère de l’Intérieur, entre 200 et 250 millions. Aujourd’hui, sur près de 20 ans, le montant a certainement doublé avec le renchérissement du coût de la vie (documents électoraux, bulletins de vote, couleurs, couverture médiatique, couverture sécuritaire, etc.).
Les temps d’antenne des trois (3) semaines de la campagne électorale des législatives du 30 juillet 2017 doivent servir de leçons utiles. Le nombre très élevé de listes a déteint sur la qualité de la couverture des temps d’antenne à raison de 02 minutes par liste. Du fait que les disponibilités en moyens matériels et humains ne permettaient pas la mise à disposition permanente d’une équipe pour chaque liste pendant les 21 jours de la campagne, la RTS avait toutes les difficultés du monde dans la gestion de la couverture médiatique qui allait jusqu’à des heures tardives dans la soirée. Cette situation a entrainé un manque d’intérêt de beaucoup de Sénégalais qui avaient beaucoup de mal à se retrouver dans les projets de société et programme des uns et des autres. Nous devons absolument éviter cela, car l’élection présidentielle est d’une extrême sensibilité du fait qu’elle porte sur un homme qui est élu par toute la nation. C’est dire que le scrutin présidentiel de 2019, assurément, présente des enjeux essentiels qui vont déterminer de façon décisive, le cours politique de notre pays pendant le quinquennat à venir.
Les adversaires du parrainage brandissent un argument juridique, à savoir que le parrainage n’est pas prévu par la Charte fondamentale de notre pays. C’est vrai qu’il n’est pas prévu par la Constitution, et qu’il ne pouvait l’être. C’est un problème nouveau généré par la marche concrète de notre système politique. Il doit donc être traité dans le Code électoral qui prend en compte les modifications au plan législatif et réglementaire qui rythment la marche de notre droit électoral. Sans aucun doute, en vue des perspectives du dialogue politique qui va s’ouvrir bientôt entre les acteurs politiques sur les modalités de mise en œuvre du parrainage et sur d’autres questions du processus électoral, les dispositions opérationnelles pratiques seront trouvées pour permettre à notre système électoral d’être parfaitement opératoire lors de la présidentielle du 24 février. Certes, les candidats peuvent ne pas se faire confiance entre eux, car ils sont en situation de compétition, mais ils doivent faire confiance à notre système électoral, qui a produit deux alternances politiques pacifiques et démocratiques, sans contestations majeures.
En tout état de cause, tous les acteurs politiques doivent veiller à préserver l’image démocratique de notre pays qui a scintillée et qui scintille encore sur tous les toits du monde, offrant ainsi à notre nation un label authentique de démocratie moderne, enviée et respectée dans le monde entier. Si le scénario du 30 juillet 2017 se reproduisait pour la présidentielle du 24 février 2019, ce serait une catastrophe pour notre pays. C’est dommage de constater qu’au moment où le Président Macky Sall tend la main à l’opposition, pour une réouverture de la porte du dialogue autour des modalités de la mise en œuvre du parrainage et sur d’autres questions relatives au processus électoral, que celle-ci s’arc boute et grimpe désespérément sur les épaules d’un hypothétique et illusoire « Mouvement du 23 Juin », le jour de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale, pour créer une situation de chaos et de désordre dans le pays. En refusant systématiquement de se mettre autour de la table de concertation avec les autres acteurs du jeu politique, et en fermant à double tour toutes « les portes du dialogue » (Sud Quotidien n° 7473 du vendredi 06 avril 2018), l’opposition est placée devant sa conscience et devant le tribunal de l’Histoire du peuple sénégalais.
En ce qui me concerne et en définitive, j’ai l’intime conviction que le parrainage est devenu aujourd’hui un impératif politique majeur et une exigence démocratique certaine, qui va contribuera sans nul doute à creuser des sillons profonds dans le terreau fertile et vivificateur de la nation sénégalaise. Ce mécanisme va contribuer à faire flotter et faire hisser toujours plus haut, le drapeau de notre pays dans le firmament des nations émergentes.
Dakar le 12 Avril 2018.
Ousmane BADIANE, chargé des élections de la LD
Plénipotentiaire du pôle de la majorité présidentielle (BBY)
Mail : ousmanebadiane1@gmail.com
Comme tout le monde l’a constaté, la source de toutes les difficultés nées des législatives du 30 juillet 2017, se trouve dans le nombre très élevé des listes en compétition. C’est une responsabilité de tous les acteurs politiques et de notre système électoral qui a rendu très élastiques les conditions de participation des partis politiques et des citoyens à tous les types d’élection. Dans tous les pays du monde, il existe différentes formes de filtrage qui ont pour but non seulement de préserver le système politique en tant que tel, mais aussi de permettre le déroulement des scrutins dans de bonnes conditions. Dans notre droit électoral, seuls les partis politiques légalement constitués pouvaient concourir à l’expression des suffrages. C’était déjà une première forme de filtrage. Par la suite, on a élargi aux coalitions, puis, en 1991, aux candidats indépendants pour certaines élections seulement et, à partir de 2016, ces derniers pouvaient concourir à toutes les types d’élections (présidentielle, législatives et locales.)
C’est dire que le champ de participation aux élections pour les partis et les coalitions, et pour les candidats indépendants s’est considérablement élargi. Il s’y ajoute, sur la base de l’expérience, que la plupart des candidats indépendants, pour contourner la difficulté de « recueillir la signature de 0,5% des électeurs inscrits domiciliés dans la moitié au moins des régions du pays, à raison de 1000 signatures au moins par région » (Art. L. 145 du Code électoral), s’abritent derrière les récépissés de partis qui souvent n’existent que de nom, pour se présenter aux élections. De telles pratiques faussent considérablement les règles du jeu électoral.
Quant à la caution, qui pouvait servir de moyen de dissuasion, en limitant la floraison des candidatures aux élections, au contraire, elle les a exacerbées. De trois (03) millions avant la première alternance politique intervenue en février – mars 2000, elle a été portée à six (06) millions à la présidentielle 2000, puis à vingt-cinq (25) millions en 2007 pour monter à soixante-cinq (65) millions en 2012. Cela n’a guère limité les candidatures qui étaient au nombre de 14 candidats sur la ligne de départ en 2012.
De 1960 à nos jours, l’évolution des candidatures à l’élection présidentielle est en nette progression : 1er décembre 1963 : 1 candidat ; 25 février 1968 : 1 candidat ; 28 janvier 1973 : 1 candidat ; 26 février 1978 : 2 candidats ; 27 février 1983 : 5 candidats ; 28 février 1988 : 4 candidats ; 21 février 1993 : 8 candidats ; 20 février- 19 mars 2000 (1er tour) : 8 candidats ; 25 février 2007 : 15 candidats ;26 février- 25 mars 2012 (1er tour) : 14 candidats.
Pour ce qui concerne les élections législatives, la tendance est la même pour les listes en compétition : 1er décembre 1963 : (2 listes) ; 25 février 1968 (1 liste) ; 28 janvier 1973 (1 liste) ; 26 février 1978 : (3 listes) ; 27 février 1983 : (8 listes) ; 28 février 1988 :( 6 listes) ; 9 mai 1993 : (6 listes) ; 24 mai 1998 : (16 listes) ; 29 avril 2001 (Anticipées) : 24 (listes) ; 3 juin 2007 : (14 listes) ( ce scrutin a été boycotté par l’opposition la plus significative de l’époque regroupée dans la coalition Front Siggil Sénégal) (FSS) ; 1er juillet 2012 (24 listes) ; 30 juillet 2017 : (47 listes).
Il convient de rappeler que pour ce qui concerne les élections locales de 2014, il y avait 2709 listes en compétition. Mais du fait du caractère local du scrutin, les difficultés réelles et sérieuses n’ont pas été ressenties par les populations, contrairement au Ministère de l’Intérieur qui a été confronté à beaucoup de problèmes dans l’organisation de ces élections.
A la lumière d’un tel tableau, il est évident que si des mesures appropriées ne sont pas prises, non dans le but d’éliminer des candidatures, comme le prétendent certains hommes politiques, mais pour les rationaliser, c’est l’organisation elle-même des scrutins qui va être extrêmement difficile, sinon impossible. Les leçons récentes des législatives du 30 juillet 2017, sont encore fraîches dans nos mémoires. Le peuple sénégalais tout entier, au sortir des élections législatives du 30 juillet 2017, a été traumatisé par un scrutin marqué par la présence inédite dans notre histoire électorale vieille de plus d’un siècle et demi, de 47 listes en compétition.L’atelier de simulation organisé le 19 juin 2017 à Dakar, par l’ONG 3D, et auquel étaient conviés l’ensemble des acteurs du jeu électoral, avait fait ressortir de façon incontestable, que rien que pour le temps de vote, avec 47 bulletins, à raison de 4 minutes seulement par électeur, au strict minimum, dans un bureau de vote de 300 électeurs, il faudrait 2O H pour que tout le monde puisse voter. Dans notre dispositif électoral actuel, cela équivaut à 02 jours de vote.
Si l’on tient compte du fait que l’article L. 66 du Code électoral fixe le nombre d’électeurs, au plus, à 600 par bureau de vote et que l’article L. 63 dispose que « le scrutin ne dure qu’un seul jour », on se rend à l’évidence que le vote ne pourrait absolument pas se dérouler le 30 juillet 2017, selon les dispositions actuelles en vigueur de notre droit électoral. N’eussent été les propositions de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), permettant à chaque électeur de pouvoir prendre au moins 5 bulletins, le vote n’aurait pas pu avoir lieu. Pourtant, comble de paradoxes, de nombreux acteurs de l’opposition étaient farouchement opposés à cette proposition de l’instance de supervision du processus électoral, rien que pour perturber le bon déroulement du scrutin.
C’est dire que cette inflation extraordinaire de listes aux législatives du 30 juillet 2017, a eu pour conséquences majeures la désorganisation et la déstabilisation de notre système de vote, avec toutes les conséquences qui en ont découlées et qui ont engendré de nombreux dysfonctionnements. Aussi, l’on comprend aisément le profond cri du cœur de tous les sénégalais, partout et dans toutes les sphères de la société, pour dire : « plus jamais cela !».
Notre pays se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Après ce qui s’est passé au scrutin législatif du 30 juillet 2017, on ne peut et on ne doit plus fermer les yeux comme si de rien n’était, puisque c’est l’avenir même et la crédibilité de la démocratie sénégalaise qui sont en cause. Comme nous l’avons montré, le montant de la caution, si élevé soit-il, n’est guère un moyen de rationalisation des candidatures, comme l’illustre la dernière élection présidentielle de 2012. Pour l’heure, la seule alternative qui semble s’imposer pour la rationalisation des candidatures, c’est le parrainage citoyen qui instaure l’équité entre les candidats. Il est surprenant de constater que les partis et coalitions qui sont les plus farouchement opposés à tout parrainage, quel qu’en soit les modalités, sont ceux qui ont délibérément choisi de boycotter les concertations dans le cadre du CCPE (Cadre de concertation sur le processus électoral). Pourtant, cette question était bien inscrite dans les Termes de références et les thèmes de discussion du CCPE. L’on a pensé donc que cette opposition allait saisir l’opportunité que lui offrait la table de concertation pour venir échanger avec les autres acteurs politiques sur toutes les questions qui interpellent notre processus électoral. Une telle démarche aurait sans aucun doute, permis à la démocratie sénégalaise de tirer toutes les leçons des législatives du 30 juillet 2017 à partir d’une démarche participative, partenariale et inclusive, puisque les sénégalais avaient unanimement souhaité que tous les acteurs politiques se retrouvent autour d’une table, dans un formidable élan patriotique, en toute responsabilité et dans un état d’esprit d’ouverture et d’écoute, pour faire une évaluation critique collective et objective, des dysfonctionnements nés des législatives du 30 juillet 2017, pour rectifier et corriger tout ce qui pouvait et devait l’être, avant les prochaines échéances présidentielles et locales de 2019.
En prenant la décision irresponsable de tourner radicalement le dos à la table de concertation, en se lançant dans le chemin solitaire et aventuriste de la désinformation et de l’intoxication, en cherchant à troubler l’ordre public et en défiant les lois et les institutions de la République, en appelant les populations à des marches ou sit-in, cette opposition doit s’en vouloir à elle-même puisqu’elle porte l’entière responsabilité des conséquences qui découlent de son refus de dialoguer avec les autres acteurs du jeu politique, en posant des conditionnalités inacceptables telles que la libération immédiate du maire de Dakar ou le retour de monsieur Karim Wade ou la démission du Ministre de l’intérieur. Heureusement qu’une partie de l’opposition plus responsable était au rendez-vous. Tout le monde sait que le temps qui nous sépare des prochaines échéances électorales de 2019 est très court et les différentes phases de la chaîne des opérations électorales, sont tellement nombreuses et complexes que tout retard dans le management du processus aura des répercussions fâcheuses sur toute la chaîne. C’est parce que les acteurs politiques qui ont pris part au CCPE ont parfaitement pris conscience du fait que l’horloge électoral n’est pas celle du temps des politiques, qu’ils ont accepté de se mettre autour de la table de concertation, pour au moins échanger et discuter. C ’est tout à leur honneur quel que soit du reste le bilan de leurs discussions. Si tous les acteurs politiques avaient accepté de se retrouver autour de la table de concertation, certains n’auraient pas attendu le dépôt du rapport issu des travaux du CCPE pour demander l’ouverture de nouvelles concertations sur les modalités de mise en œuvre du parrainage. Et puisque c’est l’Etat qui est comptable et qui a la responsabilité de la bonne organisation des scrutins, toutes carences ou manquements ne lui seront pardonnés, par une certaine opposition à l’affût, qui préfère se croiser les bras et qui ne guette que les moindres failles pour ruer sur les brancards et pointer du doigt le pouvoir en place, comme ce fut le cas lors des législatives du 30 juillet 2017.
Aujourd’hui notre pays compte près de 300 partis politiques légalement constitués (Le Soleil n° 14358 du vendredi 6 avril 2018). Si l’on sait que les 4/5ème des partis n’ont jamais participer à des scrutins sous leur propre bannière ; si l’on sait que lors des législatives du 30 juillet 2017, sur les 47 listes en compétition, seuls 05 ont obtenu le quotient national (55 000 voix environ) ; si l’on sait que parmi les 47 listes , il y avait des candidats indépendants, mais qui ne se sont pas présentés sous cette bannière pour contourner les signatures d’électeurs inscrits, conformément aux dispositions de l’ Art. L. 145 du Code électoral, préférant s’abriter derrière les récépissés de « petits partis » légalement constitués ; si l’on sait qu’à l’heure actuelle, à 10 mois des élections , plus de 15 candidatures sont déjà déclarées pour la présidentielle 2019 , et si l’on sait enfin que l’élection présidentielle en raison de ses enjeux offre un espace privilégié de marketing politique pour des candidats fantaisistes, sans envergure politique ni surface sociale, nous devons être absolument vigilants pour faire en sorte que la présidence de la République, qui constitue la clé de voûte des institutions , ne puisse être ouverte aux candidatures farfelues ou de simples témoignages qui ne cherchent qu’à enrichir leur CV ou à des candidats qui n’attendent du scrutin qu’un retour sur investissement. Comme le fait observer le Pr. Ismaila Madior Fall, Garde des sceaux, ministre de la Justice : « La compétition présidentielle est trop sérieuse pour être ouverte sans limite. Avec le parrainage citoyen, il appartiendra désormais aux citoyens de décider de qui est apte à briguer leurs suffrages. Le critère décisif est ainsi l’habilitation citoyenne à candidater à la présidentielle » (Le Soleil du mercredi 28 mars 2018).
Bien plus, nous devons également tenir compte du coût de chaque candidat à l’élection présidentielle. Avant la première alternance politique intervenue en l’an 2000, le coût d’un candidat à la présidentielle, était évalué par les services du ministère de l’Intérieur, entre 200 et 250 millions. Aujourd’hui, sur près de 20 ans, le montant a certainement doublé avec le renchérissement du coût de la vie (documents électoraux, bulletins de vote, couleurs, couverture médiatique, couverture sécuritaire, etc.).
Les temps d’antenne des trois (3) semaines de la campagne électorale des législatives du 30 juillet 2017 doivent servir de leçons utiles. Le nombre très élevé de listes a déteint sur la qualité de la couverture des temps d’antenne à raison de 02 minutes par liste. Du fait que les disponibilités en moyens matériels et humains ne permettaient pas la mise à disposition permanente d’une équipe pour chaque liste pendant les 21 jours de la campagne, la RTS avait toutes les difficultés du monde dans la gestion de la couverture médiatique qui allait jusqu’à des heures tardives dans la soirée. Cette situation a entrainé un manque d’intérêt de beaucoup de Sénégalais qui avaient beaucoup de mal à se retrouver dans les projets de société et programme des uns et des autres. Nous devons absolument éviter cela, car l’élection présidentielle est d’une extrême sensibilité du fait qu’elle porte sur un homme qui est élu par toute la nation. C’est dire que le scrutin présidentiel de 2019, assurément, présente des enjeux essentiels qui vont déterminer de façon décisive, le cours politique de notre pays pendant le quinquennat à venir.
Les adversaires du parrainage brandissent un argument juridique, à savoir que le parrainage n’est pas prévu par la Charte fondamentale de notre pays. C’est vrai qu’il n’est pas prévu par la Constitution, et qu’il ne pouvait l’être. C’est un problème nouveau généré par la marche concrète de notre système politique. Il doit donc être traité dans le Code électoral qui prend en compte les modifications au plan législatif et réglementaire qui rythment la marche de notre droit électoral. Sans aucun doute, en vue des perspectives du dialogue politique qui va s’ouvrir bientôt entre les acteurs politiques sur les modalités de mise en œuvre du parrainage et sur d’autres questions du processus électoral, les dispositions opérationnelles pratiques seront trouvées pour permettre à notre système électoral d’être parfaitement opératoire lors de la présidentielle du 24 février. Certes, les candidats peuvent ne pas se faire confiance entre eux, car ils sont en situation de compétition, mais ils doivent faire confiance à notre système électoral, qui a produit deux alternances politiques pacifiques et démocratiques, sans contestations majeures.
En tout état de cause, tous les acteurs politiques doivent veiller à préserver l’image démocratique de notre pays qui a scintillée et qui scintille encore sur tous les toits du monde, offrant ainsi à notre nation un label authentique de démocratie moderne, enviée et respectée dans le monde entier. Si le scénario du 30 juillet 2017 se reproduisait pour la présidentielle du 24 février 2019, ce serait une catastrophe pour notre pays. C’est dommage de constater qu’au moment où le Président Macky Sall tend la main à l’opposition, pour une réouverture de la porte du dialogue autour des modalités de la mise en œuvre du parrainage et sur d’autres questions relatives au processus électoral, que celle-ci s’arc boute et grimpe désespérément sur les épaules d’un hypothétique et illusoire « Mouvement du 23 Juin », le jour de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale, pour créer une situation de chaos et de désordre dans le pays. En refusant systématiquement de se mettre autour de la table de concertation avec les autres acteurs du jeu politique, et en fermant à double tour toutes « les portes du dialogue » (Sud Quotidien n° 7473 du vendredi 06 avril 2018), l’opposition est placée devant sa conscience et devant le tribunal de l’Histoire du peuple sénégalais.
En ce qui me concerne et en définitive, j’ai l’intime conviction que le parrainage est devenu aujourd’hui un impératif politique majeur et une exigence démocratique certaine, qui va contribuera sans nul doute à creuser des sillons profonds dans le terreau fertile et vivificateur de la nation sénégalaise. Ce mécanisme va contribuer à faire flotter et faire hisser toujours plus haut, le drapeau de notre pays dans le firmament des nations émergentes.
Dakar le 12 Avril 2018.
Ousmane BADIANE, chargé des élections de la LD
Plénipotentiaire du pôle de la majorité présidentielle (BBY)
Mail : ousmanebadiane1@gmail.com