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Coût des loyers : que veut le gouvernement ? La baisse ? La hausse ou le charivari ? Par Mamadou Diop "Decroix" Député non inscrit à l'Assemblée nationale.


Coût des loyers : que veut le gouvernement ? La baisse ? La hausse ou le charivari ?    Par Mamadou Diop "Decroix" Député non inscrit à l'Assemblée nationale.
   Avoir entrepris de secouer le cocotier de la baisse des loyers est, en soi, une bonne initiative. L'on ne peut en effet vouloir apprendre à nager sans jamais se jeter à l'eau. Tout le monde ou presque veut et souhaite la baisse des loyers. Les locataires la veulent et pour cause. Ceux et celles qui sont soucieux du sort des personnes aux faibles revenus la veulent. Les propriétaires lucides qui courent derrière de longs mois d'impayés sans gros espoirs de recouvrer leur argent, morosité économique ambiante oblige, la veulent. Il n' y a donc pas là débat. Le bon débat porte sur comment mettre en oeivre une baisse maîtrisée des loyers et pour qui on veut la baisse. Là-dessus, il semble y avoir deux manières, deux voies pour approcher la question : celle du gouvernement qui, au vu du projet de loi soumis aux députés, risque de  mener directement à l'impasse pour dire le moins et celle qui pourrait y mener de façon concrète et durable, dans la paix et la bonne entente indispensable au demeurant, entre locataires et propriétaires.     L'approche du gouvernement. Sauf révision de dernière minute, le projet de loi soumis aux députés est l'exemple type de ce qu'il ne faut pas faire. En voici les raisons : L'article premier dudit projet décline les baisses ainsi qu'il suit :  -     loyers inférieurs à      150.000 CFA,  baisse de 29% ;  -     loyers compris entre 150.000 CFA et 500.000 cfa, baisse de 14% ;  -     loyers supérieurs à    500.000 CFA baisse de 4% ;     Voyons d'un point de vue simplement mathématique les incohérences de cette catégorisation :  Pour deux appartements similaires, Moussa fait payer à l'un de  ses deux locataires (Abdou) 145.000 CFA le mois, et à l'autre (Astou) 155.000 CFA  soit une différence de 10.000 CFA.  Les effets de la loi entraîneraient ceci :  Sur la 1ère tranche, Moussa le propriétaire  perd 42.500 cfa avec Abdou. Avec Astou  qui est sur la deuxième tranche, il perd 21.700. Celle-ci, qui payait seulement 10.000 CFA de plus qu'Abdou avant la loi va payer 30.350 CFA de plus que Abdou avec la loi.  Sur la tranche la plus élevée, Assane qui loue sa villa à 510.000 cfa à François  ne perd lui que 20.400 CFA. (4% de 510.000).  Suprême paradoxe, Assane, qui est au sommet de l'échelle et qui loue à 510.000 CFA sa villa perd moins que Jean qui loue son "2 pièces" à 75.000cfa. En effet  (29% de 75.000CFA = 21750 cfa). C'est le montant qui correspond aux pertes de Jean contre (4% de 510.000 CFA) soit 20.400 CFA pour Assane.     D'ailleurs, toujours à cette échelle des hauts revenus, celui qui fait payer 500.000 à son locataire perd avec la loi 70.000 CFA contre 20.400CFA  seulement pour celui qui loue à 510.000. Ainsi donc, avec la loi, celui qui payait juste  10.000 CFA de plus que son voisin de même palier va devoir désormais payer 49.600cfa de plus que lui.     De telles incohérences traversent toute la grille parce qu'il n'y a pas un système de progressivité des baisses qui eut assurer l'équité dans les dégrèvements. Résultat : moins le propriétaire gagne, plus il perd. Et à contrario, plus le loyer est élevé,  moins le propriétaire perd. En somme, les hauts revenus ne sont pratiquement pas concernés tant du côté du locataire que de celui du propriétaire.  Par contre, les revenus intermédiaires des classes moyennes seront durement touchés au vu des dispositions du projet puisqu'en définitive, ce sont ces classes moyennes qui ont pu investir grâce à leurs économies complétées le plus souvent par des prêts bancaires, pour réaliser de petits immeubles à usage d'habitation. Comme nous l'avons vu ci-dessus, lorsque celui qui percevait 75.000 CFA de location perd plus que celui qui percevait 510.000 CFA il y a problème. Posons-nous donc la question de savoir si la loi va fonctionner. Non ! Ça ne marchera pas.  Si la démarche n'est pas corrigée, nous allons tout droit vers des tensions extrêmes entre logeurs et locataires alors qu'il est possible d'avoir une loi équitable dont l'application sera globalement acceptée. De plus, tout comme dans la baisse des prix des denrées ou encore dans la fixation du prix de l'arachide récemment,  la baisse administrative des loyers ne résistera pas aux dures lois économiques du terrain. On ne peut pas faire plier les lois économiques par des lois administratives et ce ne sont pas  à des libéraux qu'il faut le rappeler.  La loi portant baisse des loyers risque  d'être totalement contreproductive pour le logement social. En effet, l'on pourrait  assister à un phénomène de désinvestissement chez les épargnants qui étaient dans la filière avec comme corollaire une offre qui se rétrécit davantage et une augmentation subséquente du loyer. L'on pourrait aussi assister à un phénomène de hausses compensatrices (comme mode de résistance des propriétaires) qui alimenteraient dans les mêmes conditions la spirale haussière des loyers. Et, dans un tel contexte, l'absence de la SICAP et de la Snhlm dans le secteur de la construction de masse depuis de très nombreuses années et les perspectives de rétrécissement de l'offre ne seront pas de nature à simplifier la donne. Les 4000 logements sociaux par an annoncés par le président de la République seront une goutte d'eau dans l'océan à supposer que ces promesses se réalisent.     Plus fondamentalement,  il faut savoir que nous avons 25% de notre population vivant sur les 0,3% du territoire que représente Dakar. Il faut aussi savoir que 150.000 à 200.000 personnes viennent habiter à Dakar chaque année. Il faut enfin rappeler que Dakar est une presqu'île qui ne peut s'étendre comme le feraient Bamako ou Niamey ou encore Ouagadougou et Ndiaména.  Aller dans le sens de la résolution structurelle du problème des loyers,  c'est aller dans deux directions :  dans l'immédiat, il  faut lancer un programme de 20.000 logements sociaux par an pour assurer le succès d'une politique  de bas loyers qui  soit durable et, dans un deuxième temps, corréler les infrastructures routières et ferroviaires pour sortir de Dakar à un programme de logements sociaux sur un triangle Dakar, Kaolack, St-Louis qui inclut Touba. Ce sont des problèmes globaux d'aménagement du territoire sénégalais. L'approche doit être globale et intégrée et non consister à aborder les problèmes au coup par coup sous la pression des urgences.     Concluons sur les perspectives. Une loi pour baisser les loyers, si elle est le fruit d'un travail rigoureux fondé sur des études sérieuse et la concertation entre les acteurs, est une bonne chose. C'est à cela qu'il faut aller à la place de ce qui apparaît aujourd'hui comme une marche forcée  dont les raisons ne sont pas révélées.      

Bamba Toure

Mardi 14 Janvier 2014 - 21:48



Avis des Setalnautes

1.Posté par Dico le 14/01/2014 23:20 (depuis mobile) | Alerter
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Bravo Decroix ! Comme à votre habitude, vous faites une analyse en profondeur et très réfléchie. J ''espère seulement qu''on vous aura lu à temps !

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