Un « soulagement », malgré trois jours d’audience éprouvants qui furent un « choc » pour la famille : lundi, l’émotion était palpable sur le banc des parties civiles de la cour d’assises de Créteil (Val-de-Marne). A la hauteur de l’attente, à en juger par l’affluence dans le public jusqu’à la dernière minute, malgré le confinement, et les applaudissements ayant retenti à l’énoncé du verdict. Gianni D., 24 ans, a été condamné à 25 ans de prison, assortis d’une peine de sûreté des deux tiers, pour le meurtre de sa petite amie Aïssatou Sow, perpétré en 2016. « Ce procès a été un choc, mais au moins, il a permis que le terme "féminicide" soit prononcé dans un tribunal », a réagi Noël Agossa, oncle de la victime. Président de l’association des familles de victimes de féminicide, il avait lancé, en amont du procès, une pétition pour réclamer « justice pour Aïssatou », qui comptabilise près de 40 000 signatures.
L’avocate générale avait requis cette peine de 25 ans de réclusion, assortie d’une période de sûreté des deux tiers. « Vous devrez le déclarer coupable du crime d’assassinat », avait-elle ajouté. Et de souligner : « Il a bien eu l’intention de tuer Aïssatou. Il pratique la boxe et le kick-boxing, il sait ce que c’est que de porter un coup. » A l’issue de quatre heures de délibération, les jurés n’ont pourtant pas retenu la préméditation. Ce fut là toute la difficulté de cette dernière journée d’audience : parvenir à déterminer si l’accusé voulait bel et bien la mort d’Aïssatou, et si oui, s’il avait prémédité son geste, ce matin du 18 septembre 2016.
« Un mensonge monstrueux »
Après une nuit passée à sortir avec ses copines, Aïssatou Sow avait été retrouvée par des habitants vers 6h35, gisant dans une mare de sang au troisième étage de son immeuble. Ce sont des voisins, alertés par ses cris, qui avaient appelé les secours. Dix-huit minutes plus tard, Gianni D. appelait la sœur de la victime, Fatimata, pour l’avertir de son geste : « J’ai tué ta sœur. Elle est au troisième étage. » Aïssatou passera six semaines hospitalisée dans le coma avant de mourir, le 30 octobre 2016. Depuis le début, Gianni D. a reconnu avoir porté à la jeune femme « une gifle très violente », puis plusieurs coups de pied, mais nié avoir voulu « ôter la vie ». « J’ai toujours assumé mes actes. Si j’avais voulu faire ça, je l’aurais dit », a-t-il maintenu, arguant de la « relation passionnelle » qui l’unissait selon lui à la jeune femme.
« Un mensonge monstrueux », a fustigé Me Caroline Toby, avocate des parties civiles, lors de sa plaidoirie. « Cette comédie de crime passionnel, c’est le dernier acte de violence, de profanation d’Aïssatou jusque dans sa mort », s’est-elle insurgée. Et de rappeler dans sa plaidoirie qu’Aïssatou Sow «ne s’est pas contentée de mourir à 21 ans. Elle a vécu un véritable calvaire, fait de terreur, de souffrance, de torture et d’angoisse, pour finir par une mort interminable. Ce calvaire ne s’appelle pas un quotidien, ni une vie, encore moins une relation amoureuse », a-t-elle martelé, s’appuyant sur les nombreux témoignages ayant fait état des violences et menaces récurrentes de Gianni D.
« Celle sur qui il s’est vengé de n’être rien »
Au deuxième jour d’audience, les amies d’Aïssatou Sow s’étaient ainsi succédé pour relater les confidences de la jeune femme et les souvenirs des nombreuses scènes de violences auxquelles elles avaient assisté par le passé : coups avec un manche de tournevis, gaz lacrymaux en plein visage, dent décalée par la violence des coups… Un véritable « acharnement sadique de violence sur Aïssatou, sur qui il avait reporté toute sa rage, celle sur qui il s’est vengé de n’être rien », a insisté l’avocate, tandis que des reniflements des proches de la victime se faisaient entendre dans la salle. Pour Me Toby, aucun doute : Gianni D. avait prémédité son acte. En attestent les nombreuses menaces de mort adressées à sa petite amie au fil du temps, qui ont trouvé leur apogée dans une vidéo adressée à la jeune femme le 17 septembre 2016, dans laquelle il la menace de mort une fois de plus mais cette fois, un revolver à la main.
Un argument contesté par la partie adverse pour qui cette vidéo, adressée plus de vingt-quatre heures avant les faits, ne constitue en rien la preuve d’une quelconque préméditation. « On vous a présenté la pire version possible », s’est agacée Me Albane Sciara fa, fustigeant une « chronologie inexacte », et un contexte relationnel « bien plus complexe » que la volonté de rupture face aux violences exposées par la partie adverse. Dans une séance de lecture laborieuse, l’avocate a ainsi porté à la connaissance de la cour plusieurs échanges de SMS entre Aïssatou et Gianni. Entre deux disputes, au milieu de menaces et d’insultes, tous deux y évoquaient aussi des projets de week-ends et de vacances. Preuve selon le conseil de l’accusé d’une « véritable relation de couple », loin de la seule « emprise » et de la « peur » évoquées à la barre par les amies de la victime.
« Bien sûr que je vais faire appel ! »
Pour elle et son confrère, Me Amar Boubou, Gianni D. devait être condamné, mais pour des coups et violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Surtout, ses avocats avaient exhorté les jurés à prendre en considération le parcours de leur client. « Entre ses 0 et ses 12 ans, Gianni D. aura vécu plus de traumatismes que certains d’entre nous sur toute une vie », a lâché Me Sciara fa. Elevé par celui qu’il pensait être son père biologique, décédé quand il avait 6 ans, l’accusé a découvert à l’âge de 11 ans que son père biologique était en réalité Antonio Ferrara, braqueur récidiviste surnommé le « roi de la belle » pour ses évasions et cavales rocambolesques. L’expert psychiatre l’ayant examiné a relevé chez Gianni D. un « puissant désir d’identification » à ce père qui ne l’a pas reconnu, à tel point que le jeune homme, qui compte 17 condamnations à son casier judiciaire, s’est lui aussi évadé de ce même tribunal de Créteil par le passé.
L’intéressé, lui, a nié avec force « vouloir se donner une image » à travers cette figure paternelle. Tout au long de son procès, il n’a eu de cesse de clamer avoir « changé », « avoir honte de l’homme » qu’il avait été et de sa vision des femmes, axée sur des « règles » qu’il imposait à sa compagne pour « qu’elle ne regarde que lui, qu’elle ne soit qu’à lui », jusqu’à oser dire qu’il voulait «la protéger ». Ses conseils ont insisté : il n’est pas « le monstre » ou « le démon » que l’accusation a pu dépeindre. Resté relativement impassible pendant trois jours, il s’est écrié, à l’annonce du verdict, « Bien sûr que je vais faire appel ! » et a lancé au frère de la victime, d’un ton menaçant : « Regarde-moi bien, toi. Te n’inquiète pas ! »
Libération
L’avocate générale avait requis cette peine de 25 ans de réclusion, assortie d’une période de sûreté des deux tiers. « Vous devrez le déclarer coupable du crime d’assassinat », avait-elle ajouté. Et de souligner : « Il a bien eu l’intention de tuer Aïssatou. Il pratique la boxe et le kick-boxing, il sait ce que c’est que de porter un coup. » A l’issue de quatre heures de délibération, les jurés n’ont pourtant pas retenu la préméditation. Ce fut là toute la difficulté de cette dernière journée d’audience : parvenir à déterminer si l’accusé voulait bel et bien la mort d’Aïssatou, et si oui, s’il avait prémédité son geste, ce matin du 18 septembre 2016.
« Un mensonge monstrueux »
Après une nuit passée à sortir avec ses copines, Aïssatou Sow avait été retrouvée par des habitants vers 6h35, gisant dans une mare de sang au troisième étage de son immeuble. Ce sont des voisins, alertés par ses cris, qui avaient appelé les secours. Dix-huit minutes plus tard, Gianni D. appelait la sœur de la victime, Fatimata, pour l’avertir de son geste : « J’ai tué ta sœur. Elle est au troisième étage. » Aïssatou passera six semaines hospitalisée dans le coma avant de mourir, le 30 octobre 2016. Depuis le début, Gianni D. a reconnu avoir porté à la jeune femme « une gifle très violente », puis plusieurs coups de pied, mais nié avoir voulu « ôter la vie ». « J’ai toujours assumé mes actes. Si j’avais voulu faire ça, je l’aurais dit », a-t-il maintenu, arguant de la « relation passionnelle » qui l’unissait selon lui à la jeune femme.
« Un mensonge monstrueux », a fustigé Me Caroline Toby, avocate des parties civiles, lors de sa plaidoirie. « Cette comédie de crime passionnel, c’est le dernier acte de violence, de profanation d’Aïssatou jusque dans sa mort », s’est-elle insurgée. Et de rappeler dans sa plaidoirie qu’Aïssatou Sow «ne s’est pas contentée de mourir à 21 ans. Elle a vécu un véritable calvaire, fait de terreur, de souffrance, de torture et d’angoisse, pour finir par une mort interminable. Ce calvaire ne s’appelle pas un quotidien, ni une vie, encore moins une relation amoureuse », a-t-elle martelé, s’appuyant sur les nombreux témoignages ayant fait état des violences et menaces récurrentes de Gianni D.
« Celle sur qui il s’est vengé de n’être rien »
Au deuxième jour d’audience, les amies d’Aïssatou Sow s’étaient ainsi succédé pour relater les confidences de la jeune femme et les souvenirs des nombreuses scènes de violences auxquelles elles avaient assisté par le passé : coups avec un manche de tournevis, gaz lacrymaux en plein visage, dent décalée par la violence des coups… Un véritable « acharnement sadique de violence sur Aïssatou, sur qui il avait reporté toute sa rage, celle sur qui il s’est vengé de n’être rien », a insisté l’avocate, tandis que des reniflements des proches de la victime se faisaient entendre dans la salle. Pour Me Toby, aucun doute : Gianni D. avait prémédité son acte. En attestent les nombreuses menaces de mort adressées à sa petite amie au fil du temps, qui ont trouvé leur apogée dans une vidéo adressée à la jeune femme le 17 septembre 2016, dans laquelle il la menace de mort une fois de plus mais cette fois, un revolver à la main.
Un argument contesté par la partie adverse pour qui cette vidéo, adressée plus de vingt-quatre heures avant les faits, ne constitue en rien la preuve d’une quelconque préméditation. « On vous a présenté la pire version possible », s’est agacée Me Albane Sciara fa, fustigeant une « chronologie inexacte », et un contexte relationnel « bien plus complexe » que la volonté de rupture face aux violences exposées par la partie adverse. Dans une séance de lecture laborieuse, l’avocate a ainsi porté à la connaissance de la cour plusieurs échanges de SMS entre Aïssatou et Gianni. Entre deux disputes, au milieu de menaces et d’insultes, tous deux y évoquaient aussi des projets de week-ends et de vacances. Preuve selon le conseil de l’accusé d’une « véritable relation de couple », loin de la seule « emprise » et de la « peur » évoquées à la barre par les amies de la victime.
« Bien sûr que je vais faire appel ! »
Pour elle et son confrère, Me Amar Boubou, Gianni D. devait être condamné, mais pour des coups et violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Surtout, ses avocats avaient exhorté les jurés à prendre en considération le parcours de leur client. « Entre ses 0 et ses 12 ans, Gianni D. aura vécu plus de traumatismes que certains d’entre nous sur toute une vie », a lâché Me Sciara fa. Elevé par celui qu’il pensait être son père biologique, décédé quand il avait 6 ans, l’accusé a découvert à l’âge de 11 ans que son père biologique était en réalité Antonio Ferrara, braqueur récidiviste surnommé le « roi de la belle » pour ses évasions et cavales rocambolesques. L’expert psychiatre l’ayant examiné a relevé chez Gianni D. un « puissant désir d’identification » à ce père qui ne l’a pas reconnu, à tel point que le jeune homme, qui compte 17 condamnations à son casier judiciaire, s’est lui aussi évadé de ce même tribunal de Créteil par le passé.
L’intéressé, lui, a nié avec force « vouloir se donner une image » à travers cette figure paternelle. Tout au long de son procès, il n’a eu de cesse de clamer avoir « changé », « avoir honte de l’homme » qu’il avait été et de sa vision des femmes, axée sur des « règles » qu’il imposait à sa compagne pour « qu’elle ne regarde que lui, qu’elle ne soit qu’à lui », jusqu’à oser dire qu’il voulait «la protéger ». Ses conseils ont insisté : il n’est pas « le monstre » ou « le démon » que l’accusation a pu dépeindre. Resté relativement impassible pendant trois jours, il s’est écrié, à l’annonce du verdict, « Bien sûr que je vais faire appel ! » et a lancé au frère de la victime, d’un ton menaçant : « Regarde-moi bien, toi. Te n’inquiète pas ! »
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