Des motos stationnées, des propriétaires mis en attente et la police qui veille. C’est le théâtre qu’offre le rond-point Jvc, un croisement situé entre Liberté 6 et Sacré-Cœur. En ce vendredi 18 août, le trafic est très dense, en cette veille de fête de Tabaski. Par contre, pour beaucoup de conducteurs de moto qui ont eu la malchance de tomber nez-à-nez avec les forces de l’ordre, c’est la fin du trajet. Sur place, un agent de sécurité de proximité (Asp) se charge d’arrêter les motos qui ne sont pas en règle. Un commandant du commissariat de Dieuppeul assis dans une voiture de police définit les règles. Un spectacle marquant. Visages renfermés, les propriétaires sont tous agglutinés autour de leur moto et attendent la décision du commandant. ‘’Nous allons payer une amende qui varie de 3 000 à 6 000 F Cfa’’ renseigne Massamba Touré.
En fait, depuis quelques mois maintenant, les forces de l’ordre se livrent à une véritable chasse aux deux roues. Les motocyclistes sont nombreux à ne pas disposer de tous les papiers légaux. Moyen de transport très pratique dans une ville comme Dakar, les motos sont omniprésentes dans la circulation. Elles permettent de s’extirper facilement des embouteillages. Mais elles sont aussi très souvent pointées du doigt pour la mauvaise cause. Ainsi, avec les vols et les nombreux accidents dans lesquels elles sont impliquées, l’Etat du Sénégal a décidé de mieux encadrer l’usage de ce moyen de transport. Une période de 6 mois a été accordée aux conducteurs et propriétaires pour, en plus du port de casque, qu’ils se dotent de tous les papiers nécessaires à la mise en circulation de ces engins, à savoir permis de conduire, carte grise, assurance…
Quelque temps après l’expiration du délai, la police a décidé de se lancer aux trousses des hors-la-loi. Sur le terrain, le constat est que beaucoup de ces conducteurs négligent soit le port du casque, soit les papiers. D’ailleurs, les justificatifs les plus demandés par les agents de la circulation sont le permis de conduire, l’assurance et la carte grise.
Fallou Fall, la trentaine, se désole de la situation. Il en veut aux Asp qui, à son avis, font dans l’excès de zèle. ‘’Il faut qu’il y ait plus de rigueur dans le travail. Je ne fustige pas le travail des policiers, car ils sont dans leur droit le plus absolu, mais les Asp en font trop’’, persifle-t-il. Au rond-point, les motos sont exposées comme des trophées de guerre. Une scène qui attire l’attention de certains usagers qui rebroussent chemin dès qu’ils voient le spectacle. ‘’Les motocyclistes ont pris l’habitude de fuir lorsqu’on veut les arrêtés’’, explique Fallou Fall.
Contravention, ‘’négociation’’ ou deal avec l’Asp
En fait, la plupart des motards sont habitués des faits. Fréquemment, ils sont arrêtés et sont contraints de payer la contravention, afin de retrouver leur bien. Pour certains, ces opérations sont dues à la Tabaski. Amadou Ly a été stoppé net, alors qu’il venait de Ouakam pour se rendre à Liberté 6. Il lui est reproché un défaut de papiers pour sa moto. Un motif qui suscite curiosité et incompréhension de sa part. ‘’Je n’ai jamais eu de papiers. Je roulais ainsi tout le temps. C’est une première’’.
Sur cet axe, les embouteillages sont un bon tremplin pour ces ‘’faiseurs d’ordres’’. Le nombre de motos s’accroit. Le modus operandi reste le même : l’agent guette l’arrivée des motocyclistes. Dès qu’il en repère un, il surgit pour surprendre son vis-à-vis. Ce dernier ne peut plus fuir. Il est obligé de passer le contrôle de routine. S’il a tous les papiers, il poursuivra son chemin sans problème. Le cas contraire, la clé est confisquée, après immobilisation de la moto. Les motos réquisitionnées seront ainsi chargées dans un véhicule de police. Dans ce cas, il faudra se résoudre à payer la contravention au commissariat. Du moins, en principe.
En effet, certains motocyclistes dénoncent des pratiques corruptives. D’après eux, il est possible de se tirer d’affaire en acceptant de ‘’négocier’’ avec les agents de la circulation. Un interlocuteur explique qu’il y a même de la sous-corruption dans cette affaire. D’après lui, le conducteur de moto peut échapper au contrôle en filant un billet de 2 000 F Cfa, avant même que le policier ne soit informé. Sur place, la police n’a pas voulu en parler. L’éternel argument est passé par là : l’aval de la hiérarchie.
CHEIKH TIDIANE NDIAYE (STAGIAIRE