On est en fin mai. Avec la canicule qui s’installe petit à petit dans la capitale sénégalaise, les rues ne désemplissent plus. Dans la bouillonnante banlieue dakaroise, qui s’étend de Keur Massar aux Parcelles Assainies, les rues grouillent de monde. Le taxi clando que nous avons emprunté, ce samedi, avance à pas de tortue. Comme tous les soirs, invariablement, la banlieue entière est paralysée dans la fumée bleue des moteurs. Autour de nous, sous le soleil de fin de journée, une joyeuse pagaille : des taxis collectifs archibondés, de jeunes vendeurs d’articles de toutes sortes, de journaux, de briquets, ou d'autres colifichets, qui cherchent mon regard. Des femmes, aussi, avancent dans la poussière de la banlieue avec de larges plateaux remplis de fruits, de cacahuètes et de toutes sortes de produits sur la tête. Des enfants qui courent partout, des cris, des klaxons. Nous voilà à Guédiawaye, quartier grouillant de la banlieue comme on dit ici. Le taxi clando s'engouffre dans une rue crevassée de cette vaste agglomération, bordée de boutiques, de gargotes et de «tanganas» de tous genres. Tout autour, de jeunes femmes et des filles, à peine sorties de la majorité, divaguent. Il faut être un bon observateur pour se rendre compte qu’elles se livrent à un racolage qui ne dit pas son nom. L'histoire de la plupart d’entre elles se résume à ceci : elles ont quitté la campagne avec l’espoir d'un emploi de domestique et celle d'une vie meilleure. Une vie meilleure ? Oui, simplement pouvoir dormir dans un vrai lit et manger tous les jours. Auparavant, personne ne parlait de ce fléau qui touche la banlieue, comme bon nombre d'autres quartiers de Dakar. Elles sont nombreuses à être prises dans les filets du commerce du sexe. «Je suis obligée de sortir avec des hommes, que je n’aime même pas, pour pouvoir subvenir à mes besoins», se désole une fille-mère, la vingtaine un peu dépassée. «Cela me fait mal, mais comment faire ?» murmure-t-elle, dépitée. A l’image de cette dernière, nombre de jeunes filles et dès fois même des lycéennes et des étudiantes de bonne famille font le trottoir, s’adonnent à la prostitution déguisée, qui consiste, par exemple, à avoir beaucoup de petits amis en même temps. Ce qu’elles appellent pudiquement «mbaraan». Le risque est grand d’attraper le Sida. Mais les candidates semblent n’en avoir cure. Enfin, les femmes qui s’adonnent à cette forme de prostitution, sont difficilement repérables par la police, dans une atmosphère d’érotisme où péripatéticiennes, clients et passants se croisent sans se reconnaître à première vue.
ND CISSE
Le Pays au Quotidien