Karamba Diaby parle français avec un accent typiquement wolof. Mais certaines de ses intonations trahissent une longue présence dans un pays nord-européen. Installé depuis près de 30 ans dans l’est de l’Allemagne et conseiller depuis 2009 de la ville de Halle, ce Sénégalais né en Casamance pourrait même devenir le premier parlementaire noir de l’histoire allemande, à la faveur des prochaines élections législatives de septembre. Un parcours et une intégration a priori sans faute, mais qui n’ont pas été de tout repos.
C’est en République démocratique allemande (RDA) qu’il découvre la patrie de Goethe, en 1984. L’Allemagne est alors divisée, plombée par le rideau de fer qui coupe l’Europe en deux. Mais le système totalitaire communiste n’effraie pas l’ancien élève du lycée Gaston Berger de Kaolack. Après avoir passé le bac la même année que Macky Sall, en 1982, puis avoir rejoint l’université de sciences de Dakar, il se lance dans des démarches pour obtenir une bourse, grâce à ses liens avec l’union internationale des étudiants, basée à Prague, qui encourage les études dans des universités du bloc de l’Est.
« J’étais frustré par la fac de Dakar », explique l’enfant de Marsassoum, très tôt impliqué dans les mouvements étudiants de gauche. « Quelqu’un qui étudie dans des conditions aussi précaires ne peut être que satisfait de ce qu’il trouve ailleurs ». À l'est, il a le choix entre trois spécialités et trois destinations géographiques : « J’ai choisi l’électronique, la chimie et l’agronomie puis la RDA, la Bulgarie et la Tchécoslovaquie », se souvient-il. « Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un télégramme de quelques mots : "Karamba Diaby. Accepté. Université. Stop. Inscription. Institut Herder Leipzig. 2 octobre. Stop." »
"Accepté. Université. Stop."
Direction Leipzig pour une formation d’un an à la langue allemande, puis Halle, à quelques kilomètres, pour étudier la chimie, avec quelques étudiants africains, d’Angola, du Soudan ou d’Éthiopie, et seulement trois du Sénégal. À l’époque, les problèmes politiques et sociaux lui paraissent secondaires. Mais, très vite, la fibre politique de l’ancien gréviste de l’université de Dakar va reprendre le dessus, au sein du Conseil des étudiants étrangers puis, une fois ses études achevées, dans le Conseil des étrangers de la ville de Halle, dont il devient président.
« Les causes pour lesquelles je me suis toujours battu sont universelles », explique le candidat du Parti social-démocrate (SPD) aux prochaines législatives. « Ce sont des thèmes comme l’égalité des chances entre Allemands mais aussi avec les étrangers qui sont là et dont les diplômes ne sont pas reconnus ». Un thème qui lui est d’autant plus cher qu’au lendemain de la chute du mur, le nationalisme et la xénophobie ont le vent en poupe dans une ancienne Allemagne de l’Est exangue, où le chômage est florissant.
« C’était une situation difficile, très incertaine pour tout le monde, il y avait du racisme », concède-t-il. « Mais en comparaison de tout ce que j’ai vécu, ce n’est pas quelque chose de trop grave : pendant les 20 dernières années, la société s’est bien développée, sinon je ne serais pas élu municipal ».
Karamba Diaby n'en est pas moins agressé par deux individus en mai 90, puis visé par les médias d’extrême-droite en 2011, pour qui le « nègre » doit « rentrer dans sa savane ». Entre temps, il s’est imposé à Halle, une ville de 230 000 habitants dont le taux de chômage monte à 13% et que la presse considére souvent comme un berceau de l’extrême-droite. Un succès qu’il doit sans doute en partie à sa proximité avec les électeurs, qui tranche avec une certaine retenue germanique. « Il y a un héritage africain, sénégalais » dans sa manière de faire de la politique, reconnaît-il. « Et un héritage familial ».
"Chacun son chemin"
Depuis qu’il est en mesure de payer son billet d'avion, Karamba Diaby retourne au Sénégal tous les deux ans, pour voir sa famille. Père de deux enfants, marié à une Allemande et ayant lui-même la citoyenneté allemande depuis 2001, il reste très lié au pays de la Teranga, où son frère est d'ailleurs engagé dans le syndicalisme. Mais il n'y va pas que pour des raisons personnelles. « J’y suis retourné en 2003 avec une délégation allemande pour visiter l’Assemblée nationale», se rappelle-t-il notamment. « Il y a beaucoup de possibilités de développement dans la coopération. Si je peux aider le Sénégal parallèlement à l’Allemagne, je le ferai avec plaisir ».
Voir son ancien camarade de lycée, Macky Sall, accéder à la présidence lui a-t-il donné des idées ? « Chacun son propre chemin », sourit-il. « Dans un pays de 11 millions de Sénégalais, ce n’est pas tout un chacun qui peut devenir président ! »
Décidé à rester en Allemagne, en accord avec sa famille, Karamba Diaby se rêve désormais au Bundestag où il a de bonnes chances d’être élu. Il suffit à son parti de remporter trois sièges - son plus mauvais score jamais réalisé dans cette circonscription - pour qu’il accède au siège de député. Le 22 septembre prochain, il pourrait bien devenir le premier député noir de l’histoire allemande. Son slogan de campagne ? « La diversité crée des valeurs ». Tout un symbole.
Jeuneafrique
C’est en République démocratique allemande (RDA) qu’il découvre la patrie de Goethe, en 1984. L’Allemagne est alors divisée, plombée par le rideau de fer qui coupe l’Europe en deux. Mais le système totalitaire communiste n’effraie pas l’ancien élève du lycée Gaston Berger de Kaolack. Après avoir passé le bac la même année que Macky Sall, en 1982, puis avoir rejoint l’université de sciences de Dakar, il se lance dans des démarches pour obtenir une bourse, grâce à ses liens avec l’union internationale des étudiants, basée à Prague, qui encourage les études dans des universités du bloc de l’Est.
« J’étais frustré par la fac de Dakar », explique l’enfant de Marsassoum, très tôt impliqué dans les mouvements étudiants de gauche. « Quelqu’un qui étudie dans des conditions aussi précaires ne peut être que satisfait de ce qu’il trouve ailleurs ». À l'est, il a le choix entre trois spécialités et trois destinations géographiques : « J’ai choisi l’électronique, la chimie et l’agronomie puis la RDA, la Bulgarie et la Tchécoslovaquie », se souvient-il. « Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un télégramme de quelques mots : "Karamba Diaby. Accepté. Université. Stop. Inscription. Institut Herder Leipzig. 2 octobre. Stop." »
"Accepté. Université. Stop."
Direction Leipzig pour une formation d’un an à la langue allemande, puis Halle, à quelques kilomètres, pour étudier la chimie, avec quelques étudiants africains, d’Angola, du Soudan ou d’Éthiopie, et seulement trois du Sénégal. À l’époque, les problèmes politiques et sociaux lui paraissent secondaires. Mais, très vite, la fibre politique de l’ancien gréviste de l’université de Dakar va reprendre le dessus, au sein du Conseil des étudiants étrangers puis, une fois ses études achevées, dans le Conseil des étrangers de la ville de Halle, dont il devient président.
« Les causes pour lesquelles je me suis toujours battu sont universelles », explique le candidat du Parti social-démocrate (SPD) aux prochaines législatives. « Ce sont des thèmes comme l’égalité des chances entre Allemands mais aussi avec les étrangers qui sont là et dont les diplômes ne sont pas reconnus ». Un thème qui lui est d’autant plus cher qu’au lendemain de la chute du mur, le nationalisme et la xénophobie ont le vent en poupe dans une ancienne Allemagne de l’Est exangue, où le chômage est florissant.
« C’était une situation difficile, très incertaine pour tout le monde, il y avait du racisme », concède-t-il. « Mais en comparaison de tout ce que j’ai vécu, ce n’est pas quelque chose de trop grave : pendant les 20 dernières années, la société s’est bien développée, sinon je ne serais pas élu municipal ».
Karamba Diaby n'en est pas moins agressé par deux individus en mai 90, puis visé par les médias d’extrême-droite en 2011, pour qui le « nègre » doit « rentrer dans sa savane ». Entre temps, il s’est imposé à Halle, une ville de 230 000 habitants dont le taux de chômage monte à 13% et que la presse considére souvent comme un berceau de l’extrême-droite. Un succès qu’il doit sans doute en partie à sa proximité avec les électeurs, qui tranche avec une certaine retenue germanique. « Il y a un héritage africain, sénégalais » dans sa manière de faire de la politique, reconnaît-il. « Et un héritage familial ».
"Chacun son chemin"
Depuis qu’il est en mesure de payer son billet d'avion, Karamba Diaby retourne au Sénégal tous les deux ans, pour voir sa famille. Père de deux enfants, marié à une Allemande et ayant lui-même la citoyenneté allemande depuis 2001, il reste très lié au pays de la Teranga, où son frère est d'ailleurs engagé dans le syndicalisme. Mais il n'y va pas que pour des raisons personnelles. « J’y suis retourné en 2003 avec une délégation allemande pour visiter l’Assemblée nationale», se rappelle-t-il notamment. « Il y a beaucoup de possibilités de développement dans la coopération. Si je peux aider le Sénégal parallèlement à l’Allemagne, je le ferai avec plaisir ».
Voir son ancien camarade de lycée, Macky Sall, accéder à la présidence lui a-t-il donné des idées ? « Chacun son propre chemin », sourit-il. « Dans un pays de 11 millions de Sénégalais, ce n’est pas tout un chacun qui peut devenir président ! »
Décidé à rester en Allemagne, en accord avec sa famille, Karamba Diaby se rêve désormais au Bundestag où il a de bonnes chances d’être élu. Il suffit à son parti de remporter trois sièges - son plus mauvais score jamais réalisé dans cette circonscription - pour qu’il accède au siège de député. Le 22 septembre prochain, il pourrait bien devenir le premier député noir de l’histoire allemande. Son slogan de campagne ? « La diversité crée des valeurs ». Tout un symbole.
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