Demain les Mollahs…


Nous étions nombreux à refermer, avec une moue dubitative, le livre de Moriba Magassouba, publié en 1985 aux éditions Karthala, l’Islam au Sénégal, demain les Mollahs ?. Notre confrère avait utilisé la forme interrogative mais aujourd’hui, un quart de siècle après, on peut être formellement affirmatif. Moriba Magassouba expliquait en substance que la question est loin d’être mineure et la réponse sans équivoque : oui, l’islamisation de la société sénégalaise s’accentue, elle constitue très certainement l’une des tendances lourdes de l’évolution future de ce pays. Le nouveau système politique, pluraliste et «concurrentiel», devrait opposer, dans les années qui viennent, les tenants de l’Etat laïc et ceux qui souhaitent l’unification des pouvoirs religieux et temporel.

Il avait vu juste. En 2012, les religieux s’imposent à nous autres et commencent à nous en imposer. Ce phénomène ira  crescendo car en situation de troubles, de doute, de crise et de difficultés sociales, la tendance de l’être humain est de se refugier auprès de la religion.  Même après une désillusion sentimentale !
Les religieux ont donc gagné du terrain et ont fait une irruption qui devrait inquiéter. Ils commencent à être nombreux dans les institutions publiques et occupent l’espace public. Le foisonnement des radios et télévisions leur a permis de s’exprimer et de formater les consciences par des prêches à toutes les heures et sur tous les tons. Les responsables des médias ne mesurent même pas les dérives de leurs prêcheurs, pourvu simplement qu’ils fassent de l’audimat. Le public vit une véritable tyrannie de la religion sur les ondes, surtout qu’à écouter nos prêcheurs, personne ne devrait être épargné de la géhenne de ce Dieu qui trouverait toujours une incartade qui vous ferait mériter d’être brûlé du feu de l’enfer. Quelle belle escroquerie serait alors l’enseignement de tous les Livres Saints qui présentent Dieu sous les traits de «Clément et Miséri­cordieux» !  Et les médias ne se rendent pas compte qu’ils sont en train d’aiguiser les couteaux qui leur trancheront la gorge à l’autel du respect de la loi de Dieu. Cela commence bien. Une levée de boucliers des «barbus» a poussé la télévision Sen Tv à renoncer à diffuser la finale de l’élection «Miss Diongoma», car les «déhanchements obscènes de ces belles dames sont dépravateurs». Qui oblige nos puritains à se caler devant leur télé, à minuit passé, pour attendre la diffusion de ces images de défilé mondain que leurs yeux chastes ne sauraient voir ? Pourquoi ne pas zapper et regarder d’autres programmes diffusés en clair sur les nombreuses autres chaînes ? Combien de fois cette élection «Miss Diongoma» a été diffusée sur la première chaîne de télévision publique sans cette levée de boucliers ? Ils s’y intéressent parce que ça leur plaît ! Combien de fois des élections de «Miss Sénégal» ont été diffusées sur toutes les chaînes de télévision sans pour autant susciter autant de réactions. En fait, les minettes qui font le concours de «Miss Sénégal» ne peuvent perturber le Zikr de nos mollahs alors que les gracieuses dames, au postérieur proéminent, ne sauraient les laisser indifférents. Des médias se sont fait l’écho, avec ostentation, des récriminations des mollahs. On n’est pas sûr que par ce biais ils n’aient pas cherché à mettre des bâtons dans les roues de Sen Tv dont la montée en puissance commence à inquiéter de nombreux responsables de chaînes de télévision. Mais ces derniers devraient certainement s’attendre à leur tour chez le coiffeur, quand les mollahs, ragaillardis par leur victoire sur Sen Tv, voudront censurer d’autres émissions. Quelques semaines auparavant, le débat avait fait rage suite à la diffusion d’un film sur la Tfm dans lequel une séquence montrait une relation intime simulée entre les acteurs Boubs et Patra. Des personnes se sont dit choquées par des images qui ne montrent même pas de baisers alors qu’à longueur de journée, des films montrent des scènes torrides. Ah oui ! On pourrait regarder sans trop de gêne si les acteurs ne sont pas de ce pays de «saints». L’histoire enseigne que la vie intime des croisés les plus zélés pour la défense des valeurs puritaines révèle des facettes d’anti-modèle des valeurs et modèles prônés. Faut-il faire taire les perroquets ?

Ces gens qui nous pompent l’air nous parlent de défendre la religion ! Un adage bien de chez nous enseigne que «le livre recommande le bain, sans jamais le pratiquer». Quel religieux sénégalais a été ému par les saccages des mosquées et autres lieux vénérés par les musulmans à Tom­bouctou ? Quel religieux sénégalais a prêché pour mettre un terme aux nombreux travers de ses pairs, contractant des unions matrimoniales avec des dizaines de femmes dont des jeunes filles mineures ? Quel religieux a élevé la voix contre les multiples cas de viol de filles qui sortent à peine du berceau, et des viols perpétrés par des personnes préposées à leur enseigner la religion ? Quel religieux a dénoncé la traite des enfants jetés dans les rues des villes pour collecter des sommes d’argent par tous les moyens pour le compte de leur marabout ? Quel religieux s’est publiquement offusqué de sorties de guides religieux qui se disent l’incarnation du Prophète Mouhamed (Psl) ? Il est vrai que cette terre du Sénégal serait bénie entre toutes, car c’est là où le Prophète Mouhamed aurait choisi de perpétuer sa descendance, si l’on en juge par le nombre de personnes à la peau claire et au turban bien enroulé se déclarant être des descendants directs du prophète de l’Islam.

Si on n’y prend garde, ces nouveaux croisés vont finir par nous changer nos vies, nous imposer leurs règles de vie et leur mode vestimentaire. Après avoir mis sur pied des milices qui paradent comme des bataillons, ils entrent de manière significative à l’Assemblée nationale et ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Leur stratégie est patiente. Combien de générations de Frères musulmans ont fait le travail ingrat avant qu’aujourd’hui l’Egypte ne soit sous la férule de ce mouvement religieux ? Préparons-nous à cette perspective, demain, les Mollahs vont nous dicter leur loi.
 
Madiambal Diagne Source: Le Quotidien
 

Abdou Khadre Cissé

Lundi 16 Juillet 2012 14:14

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