«Notre but, c’est de montrer quel homme se cache derrière Baïla Wane. Dans sa boulimie pour l’argent, il a englouti avec ses proches une bonne part de nos indemnités de départ volontaire. Des personnes en sont mortes et il en est le responsable.» La genèse de cette diatribe se campe dans les années 87. Elle pourrait presque passer en synopsis de roman noir. A la baguette, Baïla Wane, ex-Directeur général de la Lonase et acteur principal. En second plan, le corps des vacataires de la Lonase. Un bas peuple recruté pour des tâches diverses: comptabilité, caisse, petits boulots. Sans statut défini, ces vacataires sont payés à l’heure ou à la tâche. Ils sont pour la plupart des élèves ou des étudiants qui ont interrompu leurs études. Dans des conditions précaires, ils ne bénéficient pas de couverture médicale. «Une vraie galère», jure Abdou Khadir Diakhaté, ancien vacataire.
Le collectif se meut en syndicat devant la décision de l’ancien Dg, le colonel Oumar Ndiaye de les renvoyer, lestés d’un pécule de 600 000 francs Cfa. 672 travailleurs étaient menacés de licenciement. Après une journée d’études sur leur statut, présidée par des spécialistes du droit du travail, comme le Professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, actuel vice-président du Conseil constitutionnel, ils sont enfin reconnus comme étant des travailleurs de la Lonase en vertu de l’article L2 du code du travail. Préférant un bon arrangement à la place d’un procès qui pourrait finir en un marathon à la justice, les travailleurs acceptent d’être indemnisés. Abdoulaye Daouda Diallo, actuel ministre du Budget, devenu entre temps Dg, prend le dossier à cœur et initie un plan d’indemnisations qui séduit et obtient l’adhésion des vacataires.
Où SONT PASSES LES 663 324 000 DES INDEMNITéS DUES AUX VACATAIRES ?
Le plan prévoyait un coût global de 3 068 824 000 francs Cfa. Abdou Khadir Diakhaté, ancien vacataire explique : «Il devait nous permettre de refaire une vie après la Lonase. Certains pouvaient se retrouver avec 15 millions F Cfa selon leur ancienneté. Il (le plan) était séduisant. Seulement quand Baïla Wane est devenu Directeur général, il a décidé de substituer le protocole d’accord convenu à un autre protocole fantôme qui a considérablement réduit les avantages. Nul ne sait quand ce protocole a été signé et par qui.» Dans tous les cas, le nouveau protocole supprime les bonus afférents aux départs volontaires, réduit le montant total des indemnisations à 2 405 500 000 francs Cfa, sans autre précision. Pire encore, les vacataires doutent de son authenticité. Abdou Khadir Diakhaté : «C’était incontestablement un faux. Il n’y avait que les signatures de Baïla Wane, de son secrétaire Mamadou Amath Wane et celle d’un prétendu inspecteur du travail. Or devant l’inspecteur, quand on a demandé l’original, Moustapha Guèye, son Directeur des ressources humaines a déclaré l’avoir perdu. Et on voulait nous indemniser sur la base d’un protocole que l’on n’a jamais signé et qui grevait considérablement nos fonds parce que les réduisant de moitié. Baïla avait lui-même signé l’ancien protocole, il était alors secrétaire général. Quand il est devenu Dg, il a tout annulé.»
4 MILLIONS RETRANCHES SUR CHAQUE INDEMNITE
En 2004, les départs de la Lonase débutent. Parallèlement, le procès devant la justice. Les vacataires remportent la première manche et la Lonase interjette appel. En 2008, l’ensemble des vacataires quittent et comptent désormais dans l’indemnisation pour se relancer après ce coup d’arrêt. Tout en espérant récupérer le montant en attendant que le contentieux soit vidé au fond, les vacataires sont appelés pour être indemnisés. Abdou Khadir Diakhaté flingue : «C’était ahurissant de voir que le montant convenu dans le second protocole allait être abaissé de 4 000 000 francs Cfa. Quand nous en avons demandé la cause, ils nous ont expliqué que c’était une erreur de frappe. Finalement, ils ont retiré 4 millions du montant de chaque indemnisation.» Après la baisse très substantielle des montants des indemnités avec suppression des bonus, la Lonase retire 4 millions à chaque travailleur. Aujourd’hui, les anciens travailleurs accusent ouvertement : «C’est de l’arnaque, de la magouille et du vol, orchestrés par Baïla Wane et ses affidés. Sous Abdoulaye Daouda Diallo, on s’était entendus sur tous les termes du départ volontaire. Baïla a tout chamboulé dans son propre intérêt. Il a déclaré devant les médias que l’indemnisation a été faite sous la base de l’ancien protocole, ce qui est faux. Pire encore, il a encore diminué cette somme. Comme si cela ne suffisait pas, une retenue de 1% a encore été faite.» Qu’est-ce qui a pu valablement motiver ce rabais ? Pour les vacataires, ils ont vu clair dans le jeu de Baïla Wane : «Après son premier départ de la direction, la Lonase avait une belle santé financière. Elle aurait pu nous assurer le paiement intégral de nos droits. Quand Baïla est revenu aux affaires, il avait le pouvoir et en a abusé. La Lonase est devenue déficitaire à cause de ses excès.»
L’OPULENCE COTOIE UN DRAME SOCIAL
Un drame social a accompagné les départs volontaires. Plusieurs travailleurs n’ont pas pu se reconvertir, à cause d’un manque de fonds. Daouda Fall : «Du jour au lendemain, plusieurs pères de famille se sont retrouvés sans le sou avec leurs bailleurs à leurs trousses pour des arriérés de loyer. Certains errent dans la rue à la demande d’une pièce d’argent pour s’acheter du tabac. Des ménages ont éclaté à cause de cela. Beaucoup d’entre nous n’ont pas survécu à cette déchéance, ils sont morts de chagrin.» Pendant ce temps, à la Lonase, le nombre de travailleurs augmente, le train de vie se renforce au sommet de la boîte. Abdou Khadir Diakhaté : «Cet argent que l’on nous a subtilisé a alimenté le train de vie de Baïla et de ses partisans. Il menait une vie de pacha et a donné des véhicules de type 4X4 Toyota Prado à ses collaborateurs et, cerise sur le gâteau, il leur a assuré une augmentation substantielle de salaire pour leur clouer le bec. Pendant ce temps, nous, on crevait de faim.» Les anciens employés dénoncent un népotisme criard dans les hautes sphères de la Lonase. Ils jurent : «L’idée de départ était de réduire l’effectif avec l’informatisation. Mais après notre départ, le personnel a encore augmenté et les nouvelles têtes étaient des militants du Pds (Parti démocratique sénégalais), des parents de Baïla Wane ou ses amis. En tête de liste, son cousin Mamadou Amath Wane qui était le secrétaire général.»
Les vacataires renâclent devant «la réussite» de leur irréconciliable adversaire: «Nous ne demandions pas grand-chose. Juste que l’on nous paye nos droits. Cet argent nous était vital. Nous aurions su rebondir avec. Baïla est l’arrogance, la corruption et la tortuosité personnifiées. Il faut qu’il paie pour tout ce qu’il a fait.» Aujourd’hui encore, les vacataires de la Lonase courent derrière une bataille judiciaire, caressent dans leurs fantasmes l’idée de rentrer dans leurs fonds. En chœur, ils jurent : «Nous avons foi en la justice du pays, mais Baïla doit arrêter de se pavaner et de clamer son innocence. Il a entraîné la Lonase dans un gouffre par son goût immodéré pour l’opulence et la magouille. Il faut que les gens sachent qui il est.»
Après avoir écouté les vacataires et pour un traitement équilibré de l’information, la rédaction du journal Le Quotidien a tenté, sans succès, de joindre M. Baïla Wane. Des messages ont été laissés sur sa messagerie vocale. Nous avons attendu plusieurs jours pour recueillir sa version. Néanmoins, nous avons pu avoir celle de Mamadou Amath Wane, Secrétaire général de la Lonase au moment des faits (lire ailleurs).
Le Quotidien
Le collectif se meut en syndicat devant la décision de l’ancien Dg, le colonel Oumar Ndiaye de les renvoyer, lestés d’un pécule de 600 000 francs Cfa. 672 travailleurs étaient menacés de licenciement. Après une journée d’études sur leur statut, présidée par des spécialistes du droit du travail, comme le Professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, actuel vice-président du Conseil constitutionnel, ils sont enfin reconnus comme étant des travailleurs de la Lonase en vertu de l’article L2 du code du travail. Préférant un bon arrangement à la place d’un procès qui pourrait finir en un marathon à la justice, les travailleurs acceptent d’être indemnisés. Abdoulaye Daouda Diallo, actuel ministre du Budget, devenu entre temps Dg, prend le dossier à cœur et initie un plan d’indemnisations qui séduit et obtient l’adhésion des vacataires.
Où SONT PASSES LES 663 324 000 DES INDEMNITéS DUES AUX VACATAIRES ?
Le plan prévoyait un coût global de 3 068 824 000 francs Cfa. Abdou Khadir Diakhaté, ancien vacataire explique : «Il devait nous permettre de refaire une vie après la Lonase. Certains pouvaient se retrouver avec 15 millions F Cfa selon leur ancienneté. Il (le plan) était séduisant. Seulement quand Baïla Wane est devenu Directeur général, il a décidé de substituer le protocole d’accord convenu à un autre protocole fantôme qui a considérablement réduit les avantages. Nul ne sait quand ce protocole a été signé et par qui.» Dans tous les cas, le nouveau protocole supprime les bonus afférents aux départs volontaires, réduit le montant total des indemnisations à 2 405 500 000 francs Cfa, sans autre précision. Pire encore, les vacataires doutent de son authenticité. Abdou Khadir Diakhaté : «C’était incontestablement un faux. Il n’y avait que les signatures de Baïla Wane, de son secrétaire Mamadou Amath Wane et celle d’un prétendu inspecteur du travail. Or devant l’inspecteur, quand on a demandé l’original, Moustapha Guèye, son Directeur des ressources humaines a déclaré l’avoir perdu. Et on voulait nous indemniser sur la base d’un protocole que l’on n’a jamais signé et qui grevait considérablement nos fonds parce que les réduisant de moitié. Baïla avait lui-même signé l’ancien protocole, il était alors secrétaire général. Quand il est devenu Dg, il a tout annulé.»
4 MILLIONS RETRANCHES SUR CHAQUE INDEMNITE
En 2004, les départs de la Lonase débutent. Parallèlement, le procès devant la justice. Les vacataires remportent la première manche et la Lonase interjette appel. En 2008, l’ensemble des vacataires quittent et comptent désormais dans l’indemnisation pour se relancer après ce coup d’arrêt. Tout en espérant récupérer le montant en attendant que le contentieux soit vidé au fond, les vacataires sont appelés pour être indemnisés. Abdou Khadir Diakhaté flingue : «C’était ahurissant de voir que le montant convenu dans le second protocole allait être abaissé de 4 000 000 francs Cfa. Quand nous en avons demandé la cause, ils nous ont expliqué que c’était une erreur de frappe. Finalement, ils ont retiré 4 millions du montant de chaque indemnisation.» Après la baisse très substantielle des montants des indemnités avec suppression des bonus, la Lonase retire 4 millions à chaque travailleur. Aujourd’hui, les anciens travailleurs accusent ouvertement : «C’est de l’arnaque, de la magouille et du vol, orchestrés par Baïla Wane et ses affidés. Sous Abdoulaye Daouda Diallo, on s’était entendus sur tous les termes du départ volontaire. Baïla a tout chamboulé dans son propre intérêt. Il a déclaré devant les médias que l’indemnisation a été faite sous la base de l’ancien protocole, ce qui est faux. Pire encore, il a encore diminué cette somme. Comme si cela ne suffisait pas, une retenue de 1% a encore été faite.» Qu’est-ce qui a pu valablement motiver ce rabais ? Pour les vacataires, ils ont vu clair dans le jeu de Baïla Wane : «Après son premier départ de la direction, la Lonase avait une belle santé financière. Elle aurait pu nous assurer le paiement intégral de nos droits. Quand Baïla est revenu aux affaires, il avait le pouvoir et en a abusé. La Lonase est devenue déficitaire à cause de ses excès.»
L’OPULENCE COTOIE UN DRAME SOCIAL
Un drame social a accompagné les départs volontaires. Plusieurs travailleurs n’ont pas pu se reconvertir, à cause d’un manque de fonds. Daouda Fall : «Du jour au lendemain, plusieurs pères de famille se sont retrouvés sans le sou avec leurs bailleurs à leurs trousses pour des arriérés de loyer. Certains errent dans la rue à la demande d’une pièce d’argent pour s’acheter du tabac. Des ménages ont éclaté à cause de cela. Beaucoup d’entre nous n’ont pas survécu à cette déchéance, ils sont morts de chagrin.» Pendant ce temps, à la Lonase, le nombre de travailleurs augmente, le train de vie se renforce au sommet de la boîte. Abdou Khadir Diakhaté : «Cet argent que l’on nous a subtilisé a alimenté le train de vie de Baïla et de ses partisans. Il menait une vie de pacha et a donné des véhicules de type 4X4 Toyota Prado à ses collaborateurs et, cerise sur le gâteau, il leur a assuré une augmentation substantielle de salaire pour leur clouer le bec. Pendant ce temps, nous, on crevait de faim.» Les anciens employés dénoncent un népotisme criard dans les hautes sphères de la Lonase. Ils jurent : «L’idée de départ était de réduire l’effectif avec l’informatisation. Mais après notre départ, le personnel a encore augmenté et les nouvelles têtes étaient des militants du Pds (Parti démocratique sénégalais), des parents de Baïla Wane ou ses amis. En tête de liste, son cousin Mamadou Amath Wane qui était le secrétaire général.»
Les vacataires renâclent devant «la réussite» de leur irréconciliable adversaire: «Nous ne demandions pas grand-chose. Juste que l’on nous paye nos droits. Cet argent nous était vital. Nous aurions su rebondir avec. Baïla est l’arrogance, la corruption et la tortuosité personnifiées. Il faut qu’il paie pour tout ce qu’il a fait.» Aujourd’hui encore, les vacataires de la Lonase courent derrière une bataille judiciaire, caressent dans leurs fantasmes l’idée de rentrer dans leurs fonds. En chœur, ils jurent : «Nous avons foi en la justice du pays, mais Baïla doit arrêter de se pavaner et de clamer son innocence. Il a entraîné la Lonase dans un gouffre par son goût immodéré pour l’opulence et la magouille. Il faut que les gens sachent qui il est.»
Après avoir écouté les vacataires et pour un traitement équilibré de l’information, la rédaction du journal Le Quotidien a tenté, sans succès, de joindre M. Baïla Wane. Des messages ont été laissés sur sa messagerie vocale. Nous avons attendu plusieurs jours pour recueillir sa version. Néanmoins, nous avons pu avoir celle de Mamadou Amath Wane, Secrétaire général de la Lonase au moment des faits (lire ailleurs).
Le Quotidien
Ecotra : le tribunal alloue 1,5 milliard à Abdoulaye Sylla
