EL HADJI MALICK GUEYE, DEPUTE LIBERAL

«Certains responsables du PDS symbolisent la défaite d’une liste»


El Hadji Malick Gueye ne mâche pas ses mots. Ses convictions en bandoulière, il assène ses vérités à qui veut les entendre. Entre autres vérités, le député de Latmingué demande à Macky Sall d’éviter de «chercher trop de poux», et à Wade de faire gaffe dans la confection des listes. Entre convictions et vérités, El Hadji Malick Gueye vide son sac.

LESENEGALAIS.NET - Le Parti démocratique sénégalais (PDS), votre parti, est depuis quelques temps, dans la zone de turbulences. Comment appréciez-vous cette situation ?

E. H. MALICK GUEYE : Je remercie le bon Dieu parce que cette situation est symptomatique du manichéisme de la vie. Aujourd’hui, c’est la joie, demain on vit des moments terribles, tout comme la santé succède à la maladie… C’est dans l’ordre normal des choses.

Mais tout de même, il faut reconnaître que la situation est beaucoup plus compliquée pour vous avec tous ces ténors qui défient l’autorité de votre secrétaire général.

Vous savez, les gens n’ont pas la même compréhension ni la même appréhension des choses. C’est pour cela que l’on dit souvent que le bon sens est la chose du monde la mieux partagée. Mais quel que soit alpha, ce qui vous a donné une notoriété et une respectabilité, vous devez le respecter. Je dirais même le vénérer. C’est ce que l’on appelle respect et reconnaissance. Il faut avoir de la reconnaissance et se souvenir des services qu’on t’a rendus.

Pour en revenir à ces ténors qui actionnent la fronde, je pense qu’ils n’ont pas les mains propres. Voilà pourquoi, ils se battent pour devenir député. Mais qu’ils sachent que cette fonction est loin d’être une sinécure. Le député est à la fois une cible des Sénégalais et leur émissaire. Mais je pense qu’ils veulent une protection. C’est ça leur motivation.

Quel genre de protection ?

Ils veulent bénéficier d’une immunité parlementaire, parce qu’ils ne sont pas blancs comme neige. C’est très clair. Aller à l’Assemblée, serait pour eux, une sorte de parapluie.

Ne pensez-vous pas que cette explication est trop simpliste ? La bande à Pape Diop pose surtout un problème de démocratie dans la gouvernance du PDS.

Parler d’absence de démocratie interne aujourd’hui est une aberration. Tout ce qu’ils dénoncent aujourd’hui, ils l’ont vécu sans broncher, et il n’y a pas longtemps. C’est parce que nous ne sommes plus aux affaires, qu’ils posent ce problème. Quand je dénonçais, ces problèmes, ce sont ces gens-là qui me mettaient des bâtons. Ils allaient raconter du n’importe quoi sur moi. Ils disaient au président que je n’étais pas un militant discipliné, que j’étais un pro-Idy, un pro-Massamba, un pro-Mademba… Ils ont même dit que j’étais un pro-Niasse, uniquement pour masquer les vérités que je mettais sur la table du président. 

Mais cela ne m’ébranlait aucunement car je savais que j’étais honnête et loyal. Cela, Abdoulaye Wade lui-même l’a reconnu. Ce qui me motivait hier comme aujourd’hui, ce sont les intérêts du parti. Je n’y gagne rien, bien au contraire. Tenez, j’ai convoyé plus de trois cents militants à la Mecque et à mes frais, construit, équipé et géré trois permanences à mes frais. Ce qu’aucun parmi tous ces gens- là, n’a jamais fait pour le parti. Je suis plus représentatif qu’eux et même plus légitime.

Mais alors qu’est-ce qui vous retenait au PDS ? Est-ce votre titre de député ?

Quand j’ai rencontré le président Abdoulaye Wade pour la première fois, je lui avais dit que j’allais le soutenir pour trois raisons essentielles. D’abord pour construire Latmingué mon terroir, ensuite pour construire le Sine et le Saloum et enfin l’accompagner dans la construction du Sénégal. Il est vrai qu’en politique, tous les acteurs s’attendent à des prébendes. Mais, il ne faut pas tout  prendre pour soi. Il faut penser aux autres qui vous accompagnent. Cette révolte, s’il y a quelqu’un qui devait être à la base, c’est peut-être moi, mais pas eux. Le parti a tout fait pour eux et ne leur doit plus absolument rien du tout. Ils m’ont combattu pendant dix ans et aujourd’hui, ils veulent se battre contre ce qu’ils défendaient hier.

Ok, mais dites-nous un peu qu’est ce qui explique la débâcle de votre parti à la dernière présidentielle ?

J’avais dit au président Wade qu’on ne peut pas avoir des châteaux et avoir en même temps le bas peuple à ses côtés. C’est trop frustrant pour lui (NDLR : le bas peuple). Je lui avais demandé aussi de rassembler tous ces enfants, d’aller même chercher Idrissa Seck. C’était pour lui éviter une situation comme celle qu’il vit aujourd’hui. Moi, je ne lui ai jamais caché la vérité, à la différence des autres. Mais aujourd’hui, à y regarder de près, on dirait qu’il y a quelque chose qui s’est cassé, quelque chose qui fait fuir les militants. Je ne sais pas quoi, mais ça existe réellement.

A vous entendre parler et avec la fronde actuelle menée par les Pape Diop, Ousmane Masseck, Mamadou Seck…, on peut supposer que le PDS court droit vers le mur avec  les législatives qui approchent ?

Ce que j’ai dit à Abdoulaye Wade, c’est très clair. Il y a des responsables qui, s’ils figurent sur la liste du parti, les Sénégalais ne la voteront pas. Ils portent la défaite comme les nuages portent la pluie. Ils symbolisent la défaite d’une liste.

Qui sont –ils ?

Je ne citerai pas de noms. Mais encore une fois, il y a des gens du PDS si leurs noms figurent sur une liste, c’est la défaite assurée. Ils se reconnaîtront.

Sur quoi vous appuyez-vous pour de telles accusations ?

Ce sont des gens que les Sénégalais abhorrent. Ils ne veulent même plus les voir en peinture. Ils sont finis. Politiquement, ils sont morts. S’ils étaient de la matière, je dirais qu’ils sont périmés maintenant et tout juste bons pour la casse. Ils ne peuvent plus se réhabiliter aux yeux des Sénégalais. Le second point, c’est qu’il faut pour ces investitures, l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Ce sont les porteurs de voix et ceux qui ont une base politique, qui doivent être sur la liste. C’est le seul gage de victoire.  Si les listes sont bien équilibrées, le PDS créera la surprise. Les Sénégalais ne l’ont pas vomi, mais ils ont vomi le système et certains comportements. Ce système-là, c’est eux (NDLR : les frondeurs) qui l’avaient protégé. Ce système faisait leur affaire et ils en ont profité au détriment des intérêts d’Abdoulaye Wade. Mais il faut qu’ils sachent une chose : je suis plus représentatif qu’eux et même  plus légitime.

Ah bon ?

Mais oui ! Je les dépasse de loin.

Parlons maintenant des audits agités depuis la campagne électorale. Les gens ne semblent pas se mettre d’accord sur la séquence temporelle. Mais pensez-vous que certains parmi les frondeurs dont vous dites qu’ils cherchent une immunité parlementaire, pourraient avoir des problèmes avec la justice, au sujet de leurs gestions.

Vous savez Macky Sall a été élu par les Sénégalais pour une meilleure gouvernance. Donc, il peut demander des audits pour plus de lisibilité. Mais, si on veut construire une maison, pour qu’elle soit solide, il faut de bonnes fondations. Sinon, elle risque de s’écrouler. Donc vraiment, il faut qu’on audite les douze ans du régime de Wade.  Mais, je demande à Macky de faire doucement. En voulant coûte que côute chercher des poux, il risque de trouver les siens. Il faut qu’il soit très prudent avec ces alliés. Certains ne lui veulent pas que du bien.

«En voulant coûte que côute chercher des poux, il risque de trouver les siens», est-ce à dire qu’il a des cadavres dans son placard ?

Je veux juste lui ouvrir les yeux pour qu’il ne fasse pas d’erreur. Sur les douze ans de Wade, il en comptabilise une bonne partie.

Mais s’il a les mains propres, il ne doit avoir peur de rien ?

Je ne dis pas le contraire. C’est juste une mise en garde.

Toujours au sujet des audits, il y en a qui ont été déjà faits et qui avaient épinglé de grosses pointures du défunt régime. Mais le président Wade n’avait jamais voulu donner de suite judiciaire à ces rapports. En tant que député, votre responsabilité première ne devrait-elle pas vous obliger à demander une suite à ces audits-là d’abord ?

J’ai été le premier à demander la traduction en justice de tous les prévaricateurs des deniers publics. On ne nous a pas élus député, pour qu’on dorme sur nos lauriers. Raison pour laquelle, j’ai toujours été considéré comme un rebelle au sein de l’Assemblée nationale à cause de mes positions qui sont aux antipodes de celle de mes collègues de la majorité à laquelle j’appartiens. Tout ce qui m’intéressait, c’est de répondre aux attentes des Sénégalais. Que cela dérange l’Etat ou le parti, cela m’est complètement égal. L’essentiel pour moi est de défendre les Sénégalais et leurs intérêts. Maintenant, pour ce qui est de Macky Sall, même si je ne suis pas avec lui, je lui souhaite de réussir. Il connait l’Etat et l’appareil d’Etat, donc je n’ai aucune inquiétude de ce côté-là.

Vous avez été vaincus par la demande sociale, pensez-vous que Macky Sall aura les arguments pour faire face à cette demande qui devient de plus en plus pressante ?

Je le pense sincèrement car il en a la volonté. Ça, c’est très important. Maintenant, je demande aux Sénégalais de ne pas être pressés avec lui, de lui laisser le temps de faire des choses. C’est trop tôt pour lui mettre la pression. Il n’a même pas encore fait un mois. Me Wade nous  a même demandé de ne pas le combattre. Ce qui ne doit même pas se faire. J’ai dit à Mbaye Ndiaye avant-hier que je voterai tous les projets du gouvernement, s’ils s’inscrivent bien sûr dans le sens des intérêts du peuple.

El Hadji Malick Gueye, si demain vous ne figurez pas sur la liste du PDS aux législatives, continuerez-vous à militer dans ce parti ?

Je pense que si Wade veut faire passer sa liste, il tiendra compte de ceux qui ont des bases politiques certains. Je ne sais pas ce qu’il y a sur la liste, mais je ne m’inquiète pas outre mesure. Je suis sûr que je ne devrais pas être loin des trois premiers sur la liste nationale. Avec le poids électoral que j’ai, je sais ce que je vaux sur l’échiquier du parti.

Vous n’avez pas répondu à la question. Si vous n’êtes pas sur la liste du PDS, qu’elle sera votre attitude ?

On adoptera la position qui sied.

Et c’est quoi ?

Dieu seul sait.


Bamba Toure

Mercredi 25 Avril 2012 01:58

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