Le président islamiste égyptien Mohamed Morsi, qui a catégoriquement exclu de renoncer au pouvoir en invoquant sa "légitimité", vit mercredi une journée décisive avec l'expiration d'un ultimatum de l'armée, au lendemain de nouveaux heurts meurtriers au Caire.
L'armée a exigé qu'il se plie "aux revendications du peuple" sous 48 heures, dans une déclaration diffusée lundi à 16h30 (14h30 GMT), alors que le pays traverse sa plus grave crise depuis la révolte qui avait chassé Hosni Moubarak début 2011.
M. Morsi s'est dit prêt à "donner sa vie" pour préserver une "légitimité" issue de la première élection présidentielle "libre et équitable" de l'histoire de l'Egypte, dans un discours télévisé au ton combatif mardi soir.
Le président a également exigé, dans un message sur Twitter, que l'armée "retire son avertissement", refusant tout "diktat".
Ces déclarations ont été faites après avoir rencontré tout au long de la journée le ministre de la Défense et chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, qui fait figure d'homme fort face au président.
Le général Sissi ne s'est pas exprimé directement, mais selon une page Facebook associée à l'institution militaire, il aurait déclaré "plus honorable pour nous de mourir que de voir le peuple égyptien terrorisé et menacé" par des "groupes terroristes, extrémistes et ignorants".
"Aujourd'hui: éviction ou démission", affirmait en Une le quotidien à grand tirage al-Ahram, détenu par l'Etat. Al-Watan (indépendant), à l'unisson de nombreux autres journaux, titrait laconiquement: "La fin".
Les rues du Caire étaient moins animées qu'à l'ordinaire mercredi matin, de nombreuses personnes préférant rester chez elles après les heurts meurtriers de la veille en marge de nouvelles manifestations massives de partisans et adversaires de M. Morsi.
"Les islamistes ont déclaré la guerre au reste de la population. J'ai très peur", confiait une habitante, Soha Abdel Rahman.
Dans le quartier de Guizeh, un groupe d'hommes a arrêté un minibus et menacé de "tuer tous ceux qui portent une barbe", en référence aux islamistes, a rapporté un témoin à l'AFP.
Dans la nuit, 16 personnes ont péri dans une attaque contre un rassemblement d'islamistes pro-Morsi près de l'université du Caire, selon le ministère de la Santé. Sept autres personnes ont été tuées lors d'affrontements ailleurs dans la capitale. Les violences politiques ont fait au total fait 47 morts en une semaine dans le pays.
En cas d'échec de son ultimatum, l'armée a indiqué qu'elle établirait elle-même une "feuille de route" pour résoudre la crise, tout en assurant qu'elle ne voulait pas préparer un "coup".
Des éléments de cette "feuille de route" publiés par al-Ahram laissent entrevoir une période de transition sous étroite supervision de l'armée.
Le projet, selon le journal, prévoit notamment la nomination d'un conseil présidentiel de trois personnes dirigé par le président de la Haute cour constitutionnelle, et une suspension de la Constitution pouvant durer jusqu'à un an.
Un gouvernement de technocrates apolitiques serait formé pour la période de transition sous "la direction d'un des chefs de l'armée", écrit le journal, qui précise que l'armée "supervisera les procédures" afin d'en assurer "l'impartialité".
Toute personne s'opposant à ces mesures pourrait être placée en résidence surveillée puis traduite en justice. Les dirigeants des Frères musulmans seraient placés sous surveillance, avec de possibles mesures d'assignation à résidence, contrôle des avoirs, interdiction de quitter le pays, etc.
L'opposition a salué l'ultimatum de l'armée, y voyant un appui de poids dans sa volonté de pousser vers la sortie M. Morsi, accusé de vouloir instaurer un régime autoritaire au profit des Frères musulmans dont il est issu.
Le camp pro-Morsi dénonce une tentative de coup de force contre le chef de l'Etat élu il y a juste un an, pour permettre un retour au pouvoir des militaires, qui avaient déjà dirigé le pays entre la chute de M. Moubarak et la présidentielle de juin 2012.
Depuis lundi, cinq ministres et le porte-parole du président ont présenté leur démission, isolant un peu plus M. Morsi que Washington et Paris ont invité à "écouter" son peuple.
La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a quant à elle appelé mercredi à la "retenue" et au dialogue, tandis que le Koweït a demandé à ses ressortissants de quitter l'Egypte "au plus tôt".