Les militaires égyptiens pratiquent la politique de la carotte et du bâton avec les Frères musulmans. D’un côté, le porte-parole de l’armée indique que « l’appel du général al-Sissi ne constitue pas une menace envers un groupe politique en particulier » et de l’autre, l’armée laisse aux Frères musulmans jusqu’à samedi 27 juillet « pour se rallier au processus de réconciliation politique ».
Les militaires ont précisé que passé ce délai ils « réagiront avec détermination à tout appel à la violence ou au terrorisme émanant de la confrérie ou de ses alliés ».
L’objectif recherché par les militaires est de provoquer une scission au sein de la confrérie où un début de division semble poindre. Depuis une semaine, un groupe, qui s’est baptisé « Frères musulmans non violents », multiplie les déclarations hostiles à la direction actuelle de la confrérie. Une direction dominée par les « qotbistes », partisans d’un changement de la société par la manière forte. La ligne plus traditionnaliste de la confrérie est pour un changement par la prédication et l’action sociale.
Certains vont pourtant rester chez eux…
Ce vendredi, certains Egyptiens ont pourtant choisi de ne pas aller manifester. C’est le cas d’Ahmed Maher, le co-fondateur du Mouvement du 6 avril, l’un des fers de lance de la révolution de 2011. Le mouvement rejette l’appel du général al-Sissi à manifester. Ahmed Maher n’a pas pour habitude de bouder les manifestations. Depuis la fondation du Mouvement du 6 avril en 2008, il a été de toutes les luttes pour les libertés.
Mais l’appel lancé mercredi par le général al-Sissi ne l’a pas convaincu. « C’est leur boulot de protéger les Egyptiens, affirme-t-il. Pourquoi est-ce qu’ils nous demandent notre permission ? Mais des amis, des mouvements, des responsables politiques vont aller soutenir Sissi ».
L’armée semble plus populaire que jamais. Ahmed Maher, lui, ne fait pas confiance aux militaires. Il n’a pas oublié les 16 mois où ils ont été au pouvoir après la chute d’Hosni Moubarak. « Quand j’ai rencontré les militaires deux jours après la chute d’Hosni Moubarak, poursuit-il, ils m’ont dit "tu es un héros". Mais après ils ont ignoré nos revendications et ils ont essayé de protéger l’ancien régime. Ils nous ont trop menti, trop trahi. Comme les Frères musulmans après eux ».
Autre source de préoccupation, ces appels à mener une guerre contre le terrorisme. « Sissi n’a pas expliqué ce qu’il entend par terrorisme, dit Ahmed Maher. J’ai peur qu’après qu’il ait arrêté tous les membres des Frères musulmans, il décide que le Mouvement du 6 avril est une organisation terroriste ».
D’autres militants ou personnalités tentent de mettre en garde l’opinion contre l’influence de l’armée et contre les discours visant à faire de tous les islamistes des terroristes. Des voix encore difficiles à entendre.