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Elevage de volaille : L’hivernage, un véritable casse-tête pour les petits aviculteurs


Elevage de volaille : L’hivernage, un véritable casse-tête pour les petits aviculteurs

Plus exigeante en saison des pluies, l’aviculture est possible et génère même plus d’argent. Mais il faut respecter les normes d’hygiène et de sécurité, c’est-à-dire prendre les précautions idoines si l’on ne veut pas y laisser des plumes.

Assis sur un tabouret, Pape Camara fait face à une grosse cafetière, une pile de gobelets enchâssés, quelques boîtes plastiques cylindriques remplies de bonbons… Le tout tenant sur une petite table en bois qui lui sert de petit commerce érigé à la devanture de la maison familiale à Fass Delorme. Après plusieurs revers, le jeune aviculteur s’est résigné. Il ne met plus «ses bottes» que pendant les fêtes de Korité, du Magal, de Noël et du Nouvel An… Pendant l’hivernage, il «laisse passer l‘orage». « Je suis éleveur de poulets de chair depuis plus de cinq ans.

Durant les trois premières années, j’ai perdu pas mal d’argent particulièrement en saison des pluies. Depuis deux ans, je suspends toute activité avicole dès les premiers signes annonciateurs d’hivernage », confie-t-il, en nous invitant à le suivre au premier étage où il a un poulailler d’environ neuf mètres carrés, aménagé sur le toit. Durant trois mois, cet abri reste fermé. Un petit mur rectangulaire de près de deux mètres de hauteur, surmonté d’un petit grillage soutenu par de robustes pieds en bois auxquels est fixée une toiture en tôle ondulée constituent l’équipement. Il détache la clé accrochée à une maille du grillage à l’entrée du poulailler et ouvre difficilement la porte en métal rouge. Sur le sol poussiéreux, dans un coin, sont entreposés deux sacs de copeaux de bois. Deux lampes suspendues à leur fil descendent très bas à environ un mètre du sol. Mais il peut régler la hauteur à sa guise. Il les allume. Malgré les quatre petites fenêtres qui sont restées fermées, on voit un léger nuage de particules. On sent également une odeur bizarre et l’on ne peut s’empêcher d’éternuer.

Quatre petites et cinq grandes mangeoires, six abreuvoirs et quelques autres matériels avicoles sont accrochés à une transversale. Leur état crasseux montre qu’ils n’ont pas servi depuis un bon bout de temps. L’étanchéité de la toiture n’est pas parfaite. L’eau suinte à travers ces trous nettement visibles sur la tôle. « En saison sèche, les risques de perte sont faibles, contrairement à cette période », souligne le jeune aviculteur.

En sortant, il donne l’adresse d’un spécialiste dont il n’a sollicité les services qu’une seule fois pour se prémunir contre une épizootie qui allait ravager une bande de 250 sujets. « Les vétérinaires sont chers », estime Pape Camara. Dix bonnes minutes de marche sous une forte canicule et avec le trafic dense à l’heure du déjeuner sont nécessaires pour rallier la Zone B où Bocar Diallo tient boutique. Ce vétérinaire quadragénaire affirme que la filière avicole est un secteur rentable. Mais beaucoup d’éleveurs amateurs s’y lancent sans avoir un véritable plan d’affaires, ni prendre en compte tous les facteurs de risques. « L’hivernage est une saison très délicate. Même pour l’homme. C’est une période propice au développement des bactéries. Il est recommandé de redoubler de vigilance et surtout de respecter la prophylaxie », conseille-t-il.

Sécuriser son investissement

Depuis l’arrêté ministériel du 24 novembre 2005 portant interdiction d’importer des produits de l’aviculture et du matériel avicole usagé ; en vigueur jusqu’en 2020, le secteur connaît un véritable boom. L’aviculture à grande et moyenne échelle, industrielle ou familiale réalise de gros chiffres d’affaires. Plus de 200 milliards de FCfa en 2013, selon les estimations du ministère de l’Élevage. Du coup, cela attire beaucoup de personnes, contribuant à augmenter le nombre d’aviculteurs qui, souvent, se contentent d’une exploitation à petite échelle avec moins de cinq cent sujets.

Toutefois, l’investissement reste conséquent. Les poussins de souche Cobb 500, l’une des meilleures races, coûtent 600 FCfa l’unité. Et le sac d’aliment, 15.000 FCfa. Sans compter les vaccins. « Il faut donc sécuriser tout cela », recommande le vétérinaire. Cela passe par un poulailler bien construit et rigoureusement entretenu. Le constat, c’est que la plupart des aviculteurs traditionnels ou amateurs ne respectent ni les normes de construction, ni le plan de prophylaxie, encore moins les différentes étapes de désinfection ainsi que la période de vide sanitaire à observer entre deux bandes. Ce qui augmente les risques surtout en hivernage, avec la prolifération des bactéries. « De plus, il faut savoir que les poulets n’ont pas de glandes sudoripares, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas libérer la chaleur par la sueur », précise-t-il. Ainsi, en période de forte chaleur, il faut systématiquement réguler la température dans le poulailler et la maintenir à un degré soutenable par les poulets, tout en évitant l’humidité du sol et des parois. « Étant donné que beaucoup de gens font dans l’amateurisme, pour eux, la médication, l’hygiène, le régime alimentaire strict, l’asepsie, le pédiluve ; tout cela, c’est des histoires », déplore le pharmacien. « Après, il ne faut pas s’étonner de voir son poulailler complètement décimé… », ajoute M. Diallo, en hochant la tête.

MOINS DE CLIENTS POUR LES VÉTÉRINAIRES ET VENDEURS D’ALIMENT

Il souligne que « les poulets de chair ne sont élevés que pour produire de la viande » et souvent les usines se focalisent sur l’aspect croissance rapide et non sur la résistance. Pourtant, tout dépend de la qualité des œufs à couver (Oac) des différentes couveuses industrielles. De nombreux critères entrent donc en jeu pour une bonne gestion du poulailler. Il faut les maîtriser pour rester en activité en toutes saisons.

La baisse des activités avicole en saison des pluies est ressentie par les vétérinaires et les vendeurs d’aliment. Leur clientèle se rétrécit. Pourtant, selon Mamadou Niang, aviculteur sexagénaire habitant à Grand-Dakar, l’hivernage constitue une bonne occasion à saisir pour se faire de l’argent. Contrairement aux autres, il estime que la fête de Korité, bien qu’elle soit le grand rendez-vous des éleveurs de poulets de chair, ne fait plus l’affaire des vrais aviculteurs. « C’est la période où tout le monde se bouscule au portillon. Même ceux qui ne connaissent le poulet que sous sa formule «servi à table» se lancent dans le business...».

M. Niang, riche d’une expérience de plus de vingt ans, tient son poulailler au dernier étage de l’immeuble où il habite. Dans une volaillère de six mètres carrés divisée en quatre paliers, il élève ses poulets de chair par vague de 200, 300, voire 400 sujets suivant un rythme d’arrivée régulier. Une bande toutes les deux semaines. Et à terme, un écoulement tout aussi régulier des poulets matures (de 38 à 45 jours). Ses clients les prennent souvent par 50. Ses tarifs varient entre 2.200 FCfa pour les poulets de 1,5 kg à 1,8 kg et 2.500 FCfa pour ceux qui pèsent 2 kg.

Son secret? Le respect strict du plan de vaccination, des normes d’hygiène et de sécurité, du régime alimentaire, de l’entretien régulier du poulailler à raison d’une fois tous les deux jours, pendant l’hivernage… « En ces périodes de forte canicule, la paillasse est très polluée par la fiente. Cela dégage de l’ammoniac très nocif pour les poulets. Ça peut vite les tuer si l’on n’y remédie pas rapidement et assez souvent. De plus, il faut surtout éviter le palier du bas qui est souvent humide », explique-t-il, en refermant la porte pour s’éloigner du caquètement des poules.

La pluie constitue un véritable casse-tête pour beaucoup d’aviculteurs. Mais en  respectant les normes d’hygiène et de sécurité, l’élevage de volaille reste possible, en toute saison. Il suffit de bien penser son projet et de prendre les précautions idoines, si l’on ne veut pas y laisser des plumes.



Lundi 28 Août 2017 - 08:26










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