Le Premier ministre indien Narendra Modi a apporté son soutien aux musulmanes qui demandent l'abrogation de la répudiation.
L'Inde compte la 3e population musulmane du monde, avec environ 170 millions de pratiquants. Dans ce pays multiconfessionnel, le Code civil suit les règles de chaque religion, les hommes musulmans ont donc le droit d'être polygames et de répudier leurs épouses en répétant trois fois le mot « talaq », ou divorce. Cette dernière disposition est aujourd'hui dénoncée par plusieurs femmes musulmanes, qui ont rassemblé assez de courage pour la contester devant la Cour suprême.
Les femmes musulmanes indiennes se battent en fait depuis longtemps contre ces mesures discriminatoires. Depuis un an, trois plaintes ont été déposées devant la Cour suprême, lui demandant de déclarer cette forme de divorce, ainsi que la polygamie, contraires aux droits fondamentaux édictés dans la Constitution démocratique de l'Inde.
L'une de ces femmes, mariée depuis 13 ans, avait reçu un simple courrier où il était écrit trois fois le mot « talaq », c'est à dire « divorce ». Et comme des milliers d'autres, elle s'est alors retrouvée chassée de chez elle, sans ses enfants, avec une pension pour les trois mois suivants.
Le soutien du Premier ministre
Dès 2010, un sondage a montré que l'écrasante majorité des musulmanes indiennes souhaitaient la fin de la répudiation, mais le Conseil pour le droit civil des musulmans, qui est l'autorité principale en la matière, n'en tient pas compte. Celui-ci est dirigé par des hommes qui, eux, considèrent d'abord que cette disposition est issue de la loi coranique et qu'elle est nécessaire pour permettre aux hommes de divorcer plus facilement afin de changer d'épouse si la première n'est pas fertile, par exemple.
Les femmes musulmanes ont pourtant reçu un soutien de poids dans leur combat. En début de semaine, Narendra Modi, le Premier ministre indien, a déclaré que cette répudiation est « un instrument qui détruit la vie des femmes ». Une prise de position rare, car ce sujet est extrêmement sensible en Inde : la laïcité, inscrite dans le préambule de la Constitution depuis 1976, n'a pas le même sens qu'en France. Elle signifie que l'Etat doit respecter chaque religion et lui permettre de s'épanouir.
Les chances d’abrogation sont minces
Si un dirigeant politique s'oppose à une pratique religieuse, cela peut donc non seulement être considéré comme allant contre l'esprit de la Loi fondamentale, mais surtout lui faire perdre des millions d'électeurs. Une possibilité qui n’effraie pas vraiment Narendra Modi, issu des rangs des nationalistes hindous et qui ne compte pas sur les votes des musulmans.
Les chances de voir ces demandes d’abrogation de la répudiation aboutir restent toutefois minces. La Cour suprême a longtemps considéré que c'était au législateur de prendre position sur la validité des différents codes civils confessionnels. Le nouveau président de cette Cour est toutefois en faveur de cet examen sur le fond. Mais il faudra voir s'il peut convaincre ses collègues.
S'il n'y arrive pas, ce sera au Parlement de se saisir de la question. Le parti au pouvoir a certes promis de créer un Code civil unique qui mette fin à ceux confessionnels, mais il risque de faire face à une très forte opposition et à la frilosité des politiciens à créer une plus large base laïque dans un pays encore largement divisé autour de ses lignes religieuses.