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En privé avec Toumany Diabaté ’Sidiki Diabaté et moi…’’


En privé avec Toumany Diabaté ’Sidiki Diabaté et moi…’’

Actuellement à Dakar, dans le cadre de la fête de l’indépendance de l’Espagne, l’une des virtuoses de la kora, Toumany Diabaté, a accordé une interview à Sud Fm et à EnQuête. Avant son grand spectacle avec le groupe espagnol Ketama sur la scène du Grand-théâtre, il a livré ses impressions sur ce que fait sa star de fils Sidiki Diabaté.

 

Comment appréciez-vous la musique flamenco et ce que fait le groupe Ketama ?

Je trouve que c’est positif. L’album est classé 3e dans l’histoire de la musique flamenco en Espagne. Ce sont des dizaines et des dizaines d’années de travail. Un album fait par un musicien malien et des Espagnols et qui se classe 3e dans cette catégorie, je crois que c’est une bonne chose. C’est une fierté et un renouveau dans ce qu’on cherche qui est la possibilité de faire développer cette musique et je continue à faire mon rôle de griot. C’est vrai que le rôle de ‘gueweul’ n’est connu que dans notre société. Amener cette musique de ‘’gueweul’ en dehors du continent africain pour aller rencontrer une culture espagnole est une fierté.

Comment se porte l’héritage laissé par votre père Sidiki Diabaté ?

Dieu merci, on en est très content et très fier, parce qu’il y a des jalons qui ont été posés. On continue à le faire par la grâce de Dieu. Nous sommes fiers de cela et je pense aussi que le monde entier est fier de ce que nous sommes en train de faire depuis des années. Nous leur proposons de la musique de qualité. Je suis de la 71e génération de griots, de père en fils. Et Sidiki avec ses frères Balla, Ahmed et les autres sont de la 72e génération. C’est très important. On n’a pas tous été des joueurs de kora. Il y en a qui ont préféré le piano, la batterie. D’autres ont choisi de faire de la programmation ou encore sont des beatmakers. Il y en a qui chantent.

Quelle est l’histoire de la Kora telle que contée chez les Diabaté ?

Vous savez qu’il y a certaines familles qui sont ‘’propriétaires’’ de kora et notre famille en fait partie. C’est-à-dire qu’il y a des joueurs de kora, des amateurs et des familles comme la nôtre. La grande famille Diabaté est une famille ‘’propriétaire’’ de kora. La kora est l’histoire même de notre famille. Ce n’est pas un instrument qu’on achète. On en fabrique à la maison. On apprend à le jouer de père en fils et avec d’autres maîtres aussi. On le fait aussi de manière collégiale avec les autres familles ‘’propriétaires’’ de kora.

Est-ce qu’il y a un mythe dans votre famille qui entoure cet instrument ?

C’est important. Nos ancêtres ont su bien faire les choses avec l’aide de Dieu qui est le Grand Maître. Ainsi, ils ont su bien faire classifier les choses. Dans notre société mandingue, il y a les griots et les nobles. II y a les esclaves, les bergers, les Lébous, les Peulhs, etc. Alors, pour la première kora fabriquée, il y a beaucoup de choses qu’on en a dites. C’est la légende et c’est une tradition orale également. Pour moi, le plus important aujourd’hui, c’est d’être fier d’avoir la kora. Je pense que, s’il y a une identité mandingue, c’est cet instrument à cordes. Parce que l’empire du Mandingue, c’est-à-dire toute l’Afrique de l’Ouest, il y a pas mal d’instruments traditionnels que les ‘’guewel’’ ont, comme le ‘’xalam’’, le ‘’ndjarka’’, le ‘’balafon’’, etc. Ce qui est important, c’est qu’on peut retrouver le ‘’xalam’’ à côté dans le Maghreb. On le retrouve dans le Moyen-Orient aussi sous un autre nom. Mais la kora reste le seul instrument qu’on ne rencontre nulle part ailleurs que dans les Etats de l’empire mandingue. La kora est la carte d’identité et le passeport de la culture mandingue.

Certains parlent d’une dimension mystique de la kora, vous y croyez ?

Mon père Sidiki n’a pas personnellement joué à la kora, comme son père la jouait. Heureusement, aujourd’hui Sidiki mon fils ne joue pas à la kora, comme moi. Parce que les gens de sa génération jouent à la kora avec des pédales et autres. Moi, j’ai mon style. C’est une ouverture aussi. Ce qui est important, c’est d’être fier d’avoir cet instrument. On la retrouve dans le ‘’mbalax’’, le reggae, la musique électronique, etc. Elle est présente un peu partout. Le monde entier commence à prendre conscience de l’importance des instruments traditionnels de l’Afrique pour les mettre dans de la musique moderne. C’est très important.  

Que prévoyez-vous pour sa préservation dans votre pays par exemple?

Il y a une école au Mali d’apprentissage de la kora. Et pas seulement la kora. Des cours de  djembé, de balafon, de chant et de danse y sont donnés. Nous avons créé cela pour continuer à le préserver. Parce que la kora, quand même, il y a actuellement pas mal de gens qui se sont mis à le fabriquer et parlent de kora moderne. Il y a aux Usa, par exemple, Kër Moussa. Mais la kora reste quand même la kora. Je suis d’accord qu’on doit essayer de développer les choses ou de les faire évoluer, parce que le monde de 1 800 et très différent de celui d’aujourd’hui. Mais, je pense que cela n’a rien à voir avec notre tradition, notre culture. Je reste ouvert aux changements, mais il faut aussi que les gens respectent les normes. Je peux jouer avec une kora électrique sans problème, mais je préfère ma kora avec les anneaux. Je comprends ceux qui jouent avec la kora électrique, parce qu’il y a beaucoup de personnes qui ont du mal à accorder une kora avec des anneaux.

Avec votre fils Sidiki, vous avez fait un album. Comment était l’expérience ?

Vous savez, dans les familles ‘’guewel’’, les petits jouent avec les koras, les djembés etc. tandis que chez les autres, ils jouent à monter à vélo, par exemple. Jouer avec Sidiki, Dieu merci, c’est comme un père qui joue avec son enfant à la maison. C’est pour cela que sur scène, il n’y a pas de problèmes. On est libre. Moi, j’ai ma kora classique et lui a sa kora moderne. On mélange les deux. Je ne demande pas à Sidiki de venir vers moi et de faire exactement ce que je suis en train de faire. Vice-versa. Aussi, je n’essaie pas de faire ce qu’il aime. On met nos différences ensemble.

Quel regard jetez-vous sur ce qu’il fait ?

Je suis fier, très fier même, comme tout le monde. Je rends grâce à Dieu. Dieu est le Seul Maître et Il décide de tout. Comme on dit : l’Homme propose et Dieu dispose. Je suis content de la façon dont il travaille. Il est un jeune très ambitieux et a de la ‘’baraka’’. Franchement, il a le respect et de l’amour pour sa famille, pour ses amis, pour notre culture. Ce qui est quand même très très important, parce qu’il est l’aîné de ma famille. C’est mon premier garçon. A longueur de journée, partout où je passe, que cela soit en Europe, en Amérique, en Afrique et même en Océanie, les gens écoutent Sidiki et l’apprécient bien. Imaginez un papa qui entend de bonnes choses sur son fils et qui voit comment les gens me supportent. Je suis très content que Mbaye Dièye Faye, Youssou Ndour, Baaba Maal et M. Diop (ndlr le père de la chanteuse Abiba) adoptent Sidiki et le considèrent comme leur fils. Que Baaba Maal dise qu’il n’arrête pas d’écouter les chansons de Sidiki me touche. Djiby Dramé m’a dit que dès qu’il sera à Bamako, il passera à la maison le voir. Ces gens sont contents d’être avec lui et lui donnent des conseils. Que Dj Arafat le suive, MHD qui est le numéro un en France actuellement annule son vol pour attendre le concert de Sidiki à Bamako et monter sur scène avec lui, ne peut que me faire plaisir. C’est grandiose. Je ne peux qu’être fier de lui et de ses frères.

Eux aussi chantent ?

Ah oui, oui ! Si vous allez sur internet, tapez Ahmeth Diabaté et vous verrez ce qu’il fait. Il a fait une chanson avec Sidiki intitulée ‘’L’enfant béni’’. Ahmeth est le benjamin de mes garçons. Balla, mon autre fils, ne chante pas, mais est un grand compositeur. Dieu merci, tous mes enfants jouent à la kora, au piano ou font de la programmation. Ma première fille chante très bien. Elle vit en France où elle étudie l’économie. Elle travaille bien de son côté. Elle n’a pas encore sorti quelque chose. On est une famille de ‘’guewel’’. On naît ‘’guewel’’, on ne le devient pas.

Revenons à votre répertoire personnel. Vous avez une chanson intitulée Tapha Niang. Parlez-nous de l’histoire de ce morceau ?

Vous savez, l’orchestre que j’ai mis en place est une reconstruction culturelle de l’empire mandingue. Donc, j’ai formé un orchestre avec des Sénégalais, des Gambiens, des Guinées, des Ivoiriens, des Maliens, etc. L’un des chanteurs de cet orchestre s’appelle Moussa Niang. Et il a bien voulu faire un honneur à son petit frère Tapha Niang qui est décédé tout jeune. Moussa Niang se trouve présentement en Belgique.

Vous avez collaboré avec un artiste comme Ali Farka Touré, comment était l’expérience ?

Dieu merci et paix à son âme. Ali est mon grand frère. D’ailleurs, j’ai eu deux grammy awards avec lui. Ce sont les deux albums qu’on a faits ensemble. J’ai été nominé 4 fois au grammy. Dieu merci, je suis le joueur de Kora le plus titré au monde. Aussi, je fais partie des musiciens les plus titrés au Mali. Ce qui est quand même très important. Travailler avec Ali Farka Touré a été exceptionnel, eu égard aux différentes collaborations musicales que j’ai faites. Ali est du nord du Mali et moi du sud du Mali. C’était la première fois qu’un nordiste et un sudiste se mettaient ensemble pour faire de la musique. Je suis très content de cela. Et Dieu nous a récompensés à cet effet. Tous les deux albums ont été primés.



Vendredi 14 Octobre 2016 - 04:21





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