Enjeu des prochaines élections locales : Dakar, la Mairie de toutes les batailles


De toutes les investitures aux Locales de 2014- si elles ne sont pas reportées-, Dakar reste l’enjeu majeur. Le maire Khalifa Sall va-t-il céder son fauteuil ?  Avec ou sans alliance avec le parti présidentiel, l’Apr, qui souhaite consolider son pouvoir dans la ville ? Pas si sûr pour un présidentiable socialiste. Le Pds veut reprendre «sa» mairie, avec ou sans Pape Diop de Bokk gis gis qui croit toujours que Karim Wade est la cause de son échec en 2009. Dakar est la capitale de toutes les convoitises.
Ousmane Tanor Dieng veut que le Parti socialiste (Ps) aille aux Locales de 2014 avec Benno bokk yaakaar (Bby). Moustapha Cissé Lô, dans L’Observateur d’hier, et d’autres responsables de l’Alliance pour la République (Apr) préfèrent que leur parti se pèse seul. Dans tous les cas, les élections locales ne seront pas une simple promenade, quelle que soit la formule. Mais en attendant, la mère ou la mairie des batailles reste Dakar. L’enjeu est d’autant plus capital qu’au scrutin du 22 mars 2009, les résultats ont annoncé la couleur de 2012. Qui perd les Locales, perd la Prési­den­tielle ! Le pouvoir libéral avait perdu les grandes collectivités locales, véritables niches électorales : Dakar, Thiès, Kaolack, Saint-Louis, Louga. Les 16 communes de la capitale sur les 19 tombent dans le grenier de l’opposition, alors conduite par Benno siggil senegaal (Bss) regroupant, selon les localités et les enjeux, l’Afp, le Ps, l’Apr qui n’avait pas encore le poids des 26% du premier tour de la Présidentielle du 26 février. En plus d’autres mouvements citoyens et associations locales. Le parti de Moustapha Niasse et celui de Ous­mane Tanor Dieng Dieng, têtes de file de Bss, se partagent la capitale. Le socialiste Khalifa Sall prend la mairie de Dakar, tout comme Alioune Ndoye à Dakar-Plateau, Barthélemy Dias à Mermoz-Sacré Cœur. Le progressiste Malick Gackou dirige la Conseil régional, alors que Malick Diop récupère Point E. La formule est quasi-identique pour Guédiawaye (Macky Sall du Ps) ou encore Pikine (Pape Sagna Mbaye de l’Afp). C’est donc sous la bannière du colosse Benno siggil senegaal que toutes ces composantes de Dakar sont tombées entre les mains de l’opposition, laissant la coalition Sopi 2009 presque nue. En attendant la confirmation du rejet populaire en 2012.

Quel Calife à la place de Khalifa ?
Si Tanor souhaite que le Ps soit au rendez-vous avec la coalition Benno bokk yaakaar, c’en n’est pas si sûr pour son camarade, Khalifa Sall. En tout cas, dans le cas spécifique de la mairie de Dakar. Son potentiel successeur à la tête des Verts de Colobane a un bilan à faire valoir, après cinq ans de règne. Que le parti de Macky Sall veuille récupérer ce formidable «élément de domination politique» qu’est la ville de Dakar, Khalifa Sall, lui, ne va pas organiser son suicide, lui qui ne manque pas d’ambitions pour le Palais. Il peut accepter une coalition avec Bby partout sauf à la mairie de Dakar qu’il prend pour une escale sur le chemin qui mène à 2017. Ou 2022, si le quinquennat est de retour. Il n’a pas pris le risque de faire sa déclaration de patrimoine pour la seule fonction de maire. Khalifa Sall est l’un des rares élus locaux de Benno siggil senegaal à se conformer à cette recommandation des Assises nationales. Un atout dans un contexte de forte exigence de transparence.

Qui pour l’Apr ou sa coalition ?
Mais l’(encore) maire de Dakar devra faire face inéluctablement à la folle envie de l’Apr de consolider son statut de parti au pouvoir. Les Apéristes veulent, désormais, voler de leurs propres ailes. Mais qui aura le cran de défier un maire sortant, crédité d’un bilan social «nourri» au lait et alimenté de bourses sociales pour les écoles ? Qui osera foncer sur «ses» feux rouges, etc. ? Peut-être le plus connu d’entre eux, Moustapha Diakhaté, lancé par les Législatives dans la Départementale de Bby ? Peut-être aussi un autre nom déjà familier, Mbaye Ndiaye ? L’on imagine mal un parti au pouvoir avoir la «gentillesse» de prendre le risque d’être dépourvu dans la capitale, au nom d’une alliance.

La revanche de Pape Diop
Khalifa Sall aura aussi à faire face au candidat de la Convergence démocratique Bokk gis gis (Cd/Bgg), Pape Diop sûrement, qui veut renaître après la «mort» du 22 mars 2009. Il a encore en travers la gorge ce «hold-up» auquel il ne s’attendait pas, convaincu que le parachutage raté de Karim Wade sur la liste de Dakar l’a desservi et a fait perdre la mairie au Pds, son ancien parti. Il croit encore à un retour, même incertain, puisque le contexte a changé. Le pouvoir aussi a changé de camp. L’ancien maire de Dakar (2002-2009) pourrait, en revanche, être handicapé par ce rapport d’audit sur sa gestion pour lequel d’ailleurs il a fait un tour chez le procureur. Et c’est connu qu’«en politique, comme le dit la journaliste française, Clélie Mathias, un passage dans le bureau du juge (…) reste comme une tache, comme un doute». Idrissa Seck s’en est rendu compte, lui qui a fait face à ce qu’il appelle «le complot» (judiciaire) dont il a fait l’objet de la part de Abdoulaye Wade et de son régime. Son non-lieu total n’y a rien fait.

Karim va-t-il retenter le coup ?
Ce serait la même image que les électeurs pourraient renvoyer à Karim Wade, s’il venait à re-solliciter les suffrages du «Peuple de Dakar». Déjà que son privilège de fils de Président, qui lui offrait une avance sur le départ dans la course, l’avait disqualifié. Mais le pronostic d’un «possible concurrent» de Macky Sall, que même ses «frères» de parti comme Modou Diagne Fada entrevoient, lui offre un brin d’espoir de se frotter à Khalifa Sall, Pape Diop et le candidat issu de l’Apr ou de sa coalition. Surtout qu’il a toujours louché ce fauteuil- comme en 2009- qu’il voulait faire un escabeau pour arriver au sommet.  S’il a «toujours été un gagnant», comme il le jurait, il a quand même été un perdant dans son bureau de vote, l’école franco-arabe, son fief, Point E, et son rêve, la mairie de Dakar.
Idrissa Seck et Rewmi n’ont pas encore dit leur dernier mot. En coalition ou en solo, le parti du maire de Thiès fera valoir, d’une manière ou d’une autre, son goût pour Dakar, parce que conscient de l’enjeu de la contrôler pour prouver ses ambitions en 2017. Mais maigres seront les arguments. Cette bataille entre les différents partis de Benno bokk yaakaar sera la même pour le reste des mairies partagées par Benno siggil senegaal. En attendant Dakar retient les attentions.

Moussa Sarr

Mercredi 20 Février 2013 14:41

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