Et si Macky n’était juste que le clone de Wade ?


A son accession à la magistrature suprême, Macky avait franchement tout pour incarner à la perfection l’anti-Wade. Sa jeunesse. Son parcours. De ses fonctions de Directeur général d’une société nationale, en l’occurrence Pétrosen, à celles de Président de l’Assemblée nationale, en passant par celles de Maire, de Ministre et de Premier ministre. La totale quoi !

Un parcours donc sans commune mesure avec celui de son ancien mentor qui n’a été « que » Ministre d’Etat sans portefeuille dans le Gouvernement élargi d’Abdou Diouf avant son élection en mars 2000.

Autre prédisposition de Macky Sall à gouverner différemment que son prédécesseur : le caractère éminemment consensuel de son élection. Soutenu à l’unanimité par les 12 candidats malheureux du 1er tour de la présidentielle 2000, il devait logiquement se départir de sa casquette de chef de parti. Il aurait été alors en conformité avec cette recommandation forte de la charte des Assises nationales relative à la fin du cumul entre les fonctions de chef de l’Etat et de chef de parti. Une charte dont il a été d’ailleurs signataire dans l’entre-deux tours de la présidentielle 2000.

Ce faisant, sa gouvernance aurait été en tout cas moins tributaire des contingences politiques, voire politiciennes que celle de son prédécesseur. Et il n’aurait été l’otage ni de son parti ni de ses alliés comme ça semble malheureusement être le cas présentement.

Enfin, on le coyait assez instruit par la déconvenue de Wade pour avoir fait de son fils Karim « le ministre du ciel et de la terre » que l’on espérait que ce népotisme ne soit pas de saison sous son magistère.

Hélas, la « rupture » promise n’est pas au rendez-vous et c’est pratiquement la continuité comme l’avait prédit du reste Abdou Latif Coulibaly. « Macky Sall, ce sera du Wade sans Wade », avait-il prévenu à l’époque où il analysait encore la marche du pays avec objectivité et lucidité. Il avait vu juste. Quoique, présentement, ce grand pourfendeur de Wade voit tout avec des lunettes tout roses. Aussi ne réalise-t-il pas que Macky Sall est en train de tomber dans les mêmes travers que son prédécesseur. Notamment ceux-là qui avaient tellement horripilé les Sénégalais qu’ils avaient fini par être rédhibitoires à son régime.

Le premier de ces trois principaux facteurs qui ont eu pour effet de retourner l’électorat contre le clan Wade est la place centrale de Karim Wade dans le dispositif mis en place par son papa de Président.

Héritant tour à tour des ministères les plus stratégiques (Infrastructures, Transport aérien, Energie et Coopération internationale ) et bombardé Ministre d’Etat dès sa première entrée au Gouvernement, Karim avait fini par installer un business d’Etat au profit d’abord d’une bande de copains et de coquins. Confondant ainsi gaillardement sphère publique et sphère privée, affaires publiques et affaires privées. Pourtant, cette manière de gérer qui foulait au pied les principes les plus élémentaires de la finance publique, n’avait pas empêché à son pater de Président de vanter régulièrement son ingéniosité en la matière. Comme s’il voulait narguer les Sénégalais.

Parallèlement, tous les actes posés au plan politique par Wade père et fils (création de la « Génération du concret », les visées de Karim sur la mairie de Dakar en mars 2009, l’adoption d’une loi instituant la vice-présidence et, surtout, le vote avorté d’une loi instituant l’élection d’un ticket présidentiel), feront accroire à un projet de dévolution monarchique en gestation.

En somme, Karim Wade était tellement au four et au moulin qu’il avait fini par susciter le dégoût et le rejet du clan Wade chez la majorité des Sénégalais. C’est à se demander même qui du père et du fils a réellement perdu l’autre. Le père ayant fini par perdre le pouvoir alors que le fils était jeté en prison avant sa libération récente pour un exil indéterminé au Qatar.

Or, c’est le même scénario ou presque qui se dessine pour Macky Sall et sa famille. Car, même si elle est encore moins envahissante que celle de Karim, la présence remarquée de son jeune frère Aliou Sall dans les secteurs pétrolier et gazier fait désordre et fleure le délit d’initié.

Passé par la Pétrosen avant son entrée au Gouvernement, Macky Sall connaît comme sa main la cartographie des gisements dont regorge le pays. Ce n’est donc pas un hasard si son jeune frère Aliou Sall, agissant pour le compte de Pétrotim, a pu tomber sur ce fameux puits au large de Saint-Louis dont la rétrocession à Kosmos Energy a rapporté la bagatelle de 200 milliards.

Non content d’avoir décroché ce jackpot, on le voit aussi s’activer dans le secteur bancaire avec la Banque de Dakar (BDK) et l’aviation civile avec la création récente d’une société dont il est le principal actionnaire comme en témoigne l’acte notarié diffusé récemment par Dakar Matin. Autant dire que Aliou Sall est réellement sur les traces de Karim Wade qui s’était appuyé lui aussi sur les secteurs de la banque et des transports aériens pour faire son trou. Et à y voir de près, l’implication de l’actuelle famille présidentielle dans la marche du pays est encore plus prégnante qu’elle ne l’était sous Wade. Car, outre le frangin Aliou Sall, la famille du Président élargie à celle de son épouse est omniprésente à toutes les stations alors que l’on croyait cette page tournée avec le départ de Wade 2012. 

Autre travers fatal au régime de Wade mais dont on a déjà vu la survivance sous Macky, c’est le reniement à la parole présidentielle en principe très sacrée. Wade avait pris l’engagement de réduire le nombre de ses mandats à deux avant de se dédire pour postuler à un troisième avec l’onction du Conseil constitutionnel. Bis repetita avec son successeur. Imitant à la perfection son prédécesseur, Macky est revenu lui aussi sur sa promesse de réduire son mandat de 7 à 5 ans en trouvant également comme alibi l’objection des cinq sages. Comme Wade, il s’est donc renié et a fait du « wax waxeet ». N’en déplaise à ses inconditionnels qui ont dû développer toutes les théories et avancer toutes les arguties pour lui trouver de bonnes excuses.

Du Wade sans Wade, Macky en fait aussi jusque dans sa propension à se servir de l’appareil d’Etat pour régler des comptes politiques comme en témoigne l’affaire Ousmane Sonko. Peut-être a-t-il oublié que c’est l’injustice dont il a été lui-même l’objet qui lui avait valu l’empathie de la majorité des électeurs en 2012 ?

Mais comment diantre Macky peut-il répéter à ce ponit les mêmes erreurs que son prédécesseur ? Car, aussi bien sur l’implication de sa famille dans les affaires, le non-respect de la parole donnée et l’instrumentalisation de l’appareil d’Etat pour des règlements de comptes politiques, son régime fait autant et parfois même pire que celui qu’il a remplacé. Encore que ce n’est que vers la fin de son règne que ces travers ont commencé à impacter négativement sur le régime de Wade. Alors qu’il aura suffi de quatre années seulement pour qu’on en voit les survivances sur celui de Macky. De quoi donner raison à Idrissa Seck pour qui « notre pays a comme Président quelqu’un qui a tous les défauts de Wade et aucun de ses talents ».

En tout cas, comme Wade, il a aussi cette fâcheuse tendance à sécréter lui-même sa propre opposition. Porté au pouvoir par une large coalition en 2000, c’est au bout de trois mois seulement que ce Wade avait commencé à la fracturer en défénestrant d’abord Amath Dansokho. Ce fut ensuite autour de son Premier ministre Moustapha Niasse et de ses partis alliés dont le Rnd de Madior Diouf de grossir les rangs de l’opposition où ils seront rejoints par le Jëf Jël de Talla Sylla, les « jallarbistes » de la LD et même l’emblématique numéro deux du Pds à l’époque, Idrissa Seck.

Puis, réélu à la surprise générale au 1er tour de la présidentielle 2007, Wade se paiera le luxe d’envoyer un troisième chef du Gouvernement dans l’opposition, un certain Macky Sall. Et comme s’il s’était lancé dans une entreprise suicidaire, il s’aliéna aussi les organisations de la société civile truffées, selon lui, de « politiciens encagoulés », avant de s’en prendre à des modèles de réussite sociale comme Youssou Ndour et autres Bara Tall. Et c’est en définitive la jonction de toutes ces forces qu’il avait fini de braquer contre lui qui auront raison de son régime.

Macky n’est pas loin de faire la même chose pour s’être aliéné l’un après l’autre la plupart de ceux qui s’activent aujourd’hui dans le nouveau front de l’opposition, « Manko Wattu Senegaal ». Ils ont pour noms Idrissa Seck, Malick Gakou, Abdoul Mbaye, Mamadou Lamine Diallo, Cheikh Bamba Dièye, Ibrahima Fall, Professeur Malick  Ndiaye, Amsatou Sow Sidibé et autres Cheikh Tidiane Gadio. Ils ont tous en commun d’avoir collaboré avec lui à un moment ou à un autre ou d’avoir été membre de sa coalition avant de se retrouver dans l’opposition. Laquelle opposition pourra aussi compter désormais sur l’apport de personnalités comme Ousmane Sonko et Abdoul Mbaye. Tout comme celui de mouvements comme « Y’en a marre » et le « M 23 » que Macky Sall a fini par retourner contre son régime.

Mais attention ! Car c’est une jonction de forces identique à celle-là qui était finalement venue à bout de l’ogre Wade. A force de cloner son prédécesseur, Macky pourrait donc l’imiter jusque dans la façon dont il s’est fait hara-kiri. 

 Momar Diongue

Bamba Toure

Mardi 6 Septembre 2016 17:07

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