Je n’ai pas besoin de montrer que la souveraineté appartient au peuple. Le Sénégal n’est pas une démocratie. Le pouvoir émane de marabouts que la course aux richesses distrait jusqu’à ce qu’ils entrent dans leurs tombes (sourate 102 versets 1et 2). Eux qui décident à la place de Dieu ont déjà choisi leur Président. Alors, à quoi me servirait-il de voter ?
Je n’ai pas l’intention de me soustraire à l’esclavage physique et psychique que constitue le ndigël ni de prouver qu’il ne saurait prospérer. Même si le Coran dit que le jour du Jugement dernier, aucune âme ne pourra rien en faveur d’une autre âme car le Commandement sera à Dieu (sourate 82 versets 17, 18, 19), et que « ces » ndigëls sont dénués de mobile religieux, je compte agir « comme un mort » et « choisir » le bulletin qu’on m’impose lorsque je serai seul dans l’isoloir. Ainsi, je ne vais pas voter le dimanche 25 mars, jour des « seigneurs », je vais juste accomplir un devoir religieux, un acte cultuel, dans un isoloir où seul Dieu me verra, en mettant dans l’enveloppe un bulletin jaune.
Je ne refuse guère de me laisser entrainer dans l’aventure d’un vieil homme qui, une fois élu pour 7 ans, n’en exercera que 2 ou 3, sans me dire ce qu’il adviendra de moi et de mes compatriotes durant 5 longues années, équivalent à un mandat présidentiel sous d’autres cieux. Je ne me méfie pas d’un tel homme qui m’a pourtant habitué à des promesses non tenues qui n’ont engagé que moi-même car j’y croyais, qui m’a souvent endormi en clignotant à gauche avant de tourner à droite, qui m’a appris l’expression « ma waxone waxet » qui est une contre-valeur. L’histoire de Pharaon, qui se prenait pour Dieu, et de ses grands chantiers pour lesquels il a appauvri son peuple, asservi un autre peuple, et qui a fini englouti avec toute son armée par les flots, est pourtant suffisamment éloquente.
Je me laisse convaincre que voter pour Macky et contre Wade, c’est déshabiller Jean pour habiller Paul ; même si j’ai appris qu’avant 2000, il a préféré diriger des cadres « démunis » d’un parti de l’opposition au moment où beaucoup préféraient la prairie verte du pouvoir ; même si j’ai découvert en lui, pendant 8 ans, un homme d’Etat ferme, un républicain sincère, un gestionnaire intègre de la chose publique, un bâtisseur pragmatique, un serviteur noble et infatigable de l’Etat ; même si je n’ai noté en lui aucune incohérence ni tortuosité depuis 2008, mais plutôt une détermination farouche et un engagement sans faille aux côtés des Sénégalais de toutes origines dont il est allé s’enquérir jusqu’à leurs terroirs des difficultés ; même si j’ai perçu en lui un défenseur de la démocratie et un combattant de la République depuis le 23 juin 2011 ; même si j’ai découvert en lui, depuis le 29 janvier 2012, un fin stratège, un homme bien conseillé et très réfléchi, un humain qui écoute avant d’agir et non le contraire ; même si j’ai vu en lui, depuis le 26 février, un homme aimé et apprécié par au moins le quart des Sénégalais ; et enfin, même si je suis tenté de voter le 25 mars pour cet homme de la situation pour ne pas rater le train de l’histoire.
Et si par contre je votais le 25 mars 2012, je pourrais me glorifier d’avoir personnellement décider de mon sort. Je pourrais enfin croire, sans empiéter sur les prérogatives divines, que l’homme est maitre de son destin.
Doudou Senghor, Juriste
Mouvement VIGILANCE