FAUCONS MARONS CONTRE « BENNOO » : Le jeu masqué du parti au pouvoir

Et de deux. El Hadji Malick Gakou passa à l’acte en démissionnant du gouvernement dirigé par Abdoul Mbaye. Démission annoncée moins de deux semaines seulement après la sortie troublante du patron de Rewmi, Idrissa Seck qui, sans user de gants, a fini d’installer le malaise au sein d’une coalition « Bennoo Bokk Yakaar » qui semble avoir du plomb dans les ailes. Aujourd’hui, l’Alliance pour la république (APR) dont les responsables ont compris que le divorce avec Rewmi tient à un laps de temps, œuvrent pour la fusion avec des partis alliés. Au cas contraire, l’APR est prête à rompre les liens avec « Bennoo » et prendre sur elle le courage d’aller seule aux prochaines locales, prétexte de jauger son poids réel. Ce à quoi jouent des « faucons marrons » composés de cadres républicains qui ont fini de convaincre Macky Sall de l’opportunité de tourner le dos aux partis alliés qui n’avaient accompli que le rôle de « coxeur » pour aider l’APR à accéder au pouvoir. Les contextes n’étant plus les mêmes, se pose alors la question de la redéfinition des termes de la cohabitation. Avec certains partis, ça peut passer. Mais avec d’autres, ça va évidemment casser.


Quoi qu’il advienne, le clash entre l’Alliance pour la république et ses alliés va survenir. Très prochainement d’ailleurs. Les actes « courageux » posés par certains responsables membres de « Bennoo Bokk Yakaar » militent plus en faveur de la séparation qu’à une possible poursuite de la cohabitation de l’alliance des formations politiques qui s’étaient jurées fidélité et solidarité dans le temps et la durée. Seulement en politique, le contexte détermine le comportement des acteurs qui réagissent aux gré des opportunités. Si bien que le leader de l’Alliance pour la république, Macky Sall, arrivé deuxième au terme d’un premier tour d’une présidentielle de 2012 qui a mis aux prises bien des adversaires prétendant au fauteuil présidentiel, préoccupé par son élection à tout prix et l’éviction de son prédécesseur Me Abdoulaye Wade sur qui il voudrait prendre la revanche a démarché sans retenue les partis de tous calibres. Ne pouvant se passer dans ce contexte du service des formations politiques, mêmes les moins insignifiantes, le patron de l’APR a été très généreux dans les promesses.

Dans ce contexte d’entre-deux tours est née la coalition « Bennoo Bokk Yakaar » avec comme « slogan assassin » : « tous contre Abdoulaye Wade et son régime ». Et cela va de soi que tous les partis membres de « Bennoo Bokk Yakaar », fussent-ils « insignifiants » en termes de suffrages, adhérèrent dans l’espoir d’être rétribués en cas d’élection quasi certaine à l’avance de Macky Sall à la magistrature suprême. Contre toute attente, l’actuel président de la république que les leaders de « Benno Bokk Yakaar » accusaient de trahison pour s’être soustrait de l’accord bâti autour de la campagne de boycott de la campagne électorale, s’est vu pardonner ses « péchés ». Sauf que dans l’obligation de tenir promesse, le chef de l’Etat dans la composition de son premier gouvernement s’est « sacrifié », lourdement d’ailleurs, quelques fois au détriment de responsables cadres de son parti pour satisfaire ses alliés. Un fait qui n’est pas sans causer de frustrations dans les rangs des républicains de « première minute » qui ont aujourd’hui enfilé les habits de « faucons marrons » pour prôner l’émancipation de l’APR parce que ne s’accommodant plus d’une cohabitation qui apparemment ne peut résister au divorce. Pour preuve, plus d’une fois des réunions sont tenues entre Macky Sall et certains de ses proches de parti, écartant les alliés. Ces actes que posent Macky Sall et ses partisans s’expliquent par le souci de l’APR de réfléchir sur son devenir sans ses alliés.

Il y a que l’APR a le temps contre elle pour sa structuration. Arrivé au pouvoir dans l’impréparation, avec des étapes brûlées, l’euphorie des premiers instants de pouvoir finie, Macky Sall pense à reconstruire l’APR qui travaille à garder aussi longtemps que possible le fauteuil. Un fauteuil que veut occuper le plus ambitieux des alliés. Et prendront part à la construction, seuls les partis membres de « Benno » qui accepteront la fusion avec l’APR. Sans quoi, Macky et ses hommes s’activent à pousser les uns et les autres (alliés) à se déterminer.
Aujourd’hui, au sein de l’APR, la conviction la plus partagée est que le parti au pouvoir peut aller seule aux locales sans « Benno Bokk Yakaar ». Ce n’est pas difficile pour un parti au pouvoir de réussir sa massification entamée « sur les grands chevaux » avec les moyens de l’Etat.
Idrissa Seck qui se voit dans la peau d’un futur président de la république a pris personnellement ses distances vis-à-vis du pouvoir parce qu’ayant compris que les rendez-vous électoraux prochains pourront lui être favorables. Le Parti démocratique sénégalais (PDS) qui fait face à un problème de leadership et dont les responsables ont l’image écornée par des accusations sur des malversations financières, ne peut se ressaisir aussitôt. Les locales de 2014 qui vont à coup sûr poser des conflits d’intérêt peuvent permettre le rebondissement de Idrissa Seck, surtout que le mode de gouvernance de Macky Sall commence à présenter des failles.

Autre donne que l’APR cherchera à rectifier lors des prochaines locales est sa position très peu confortable pour n’avoir pas contrôlé un nombre signifiant de mairies. Sur les 19 communes d’arrondissement de Dakar, 13 sont dirigées par la coalition « Bennoo Siggil Senegal ». De sources proches de Macky Sall renseignent ce qui suit et qui sonne comme un effet d’annonce d’un divorce imminent, sorte de coup de froid du parti au pouvoir sur le dos des alliés :

Mbaye Ndiaye, Abdoulaye Diouf Sarr, Mimi Touré et peut être Moustapha Diakhaté, pressentis candidats pour la mairie de Dakar

En haut lieu, il revient que l’Alliance pour la république ne ménagera aucun effort pour prendre la mairie de Dakar des mains d’un de ses alliés qui se trouve être le Parti socialiste. Pour écarter l’actuel maire de Dakar Khalifa Sall, le potentiel successeur de Tanor Dieng au poste de secrétaire général qui sera réduit à un simple président d’honneur du (PS), il y a déjà des adversaires parmi lesquels Mbaye Ndiaye. Il serait actuellement très renforcé financièrement. Compte tenu de son passé d’ancien maire des Parcelles Assainies, la plus grande commune d’arrondissement de Dakar, aidé en cela par sa proximité de militant républicain de « première minute », Macky Sall, rapportent nos informateurs logés, n’exclurait pas de le placer à la mairie de la capitale dont le budget est un véritable trésor de guerre politique. Quant à la Garde des Sceaux, ministre de la justice, Mimi Touré, dont le nom a filtré des couloirs du palais, elle pourrait être une « valable carte » compte tenu de sa soumission entière et sincère à son patron de président Macky Sall pour une gestion efficace du budget de la mairie de Dakar. Concernant Abdoulaye Diouf Sarr, l’actuel directeur des œuvres universitaires de Dakar (COUD) dont le nom figurerait parmi les potentiels successeurs de Khalifa Sall, il a un avantage certain. Parce qu’il est le seul candidat bien introduit dans le cercle fermé de la collectivité lébou. Sa parenté avec les 12 « Penc » lébou ferait de ce cadre républicain un candidat redouté. En plus, l’homme est un intellectuel pointu avec un brillant passage à la prestgieuse université de Alexandrie en Egypte. Economiste de formation, il est titulaire d’un diplôme d’études approfondies en Sciences économiques et de gestion, doté d’une bonne maîtrise des finances publiques. Le président du groupe parlementaire « Bennoo Bokk Yakaar » Moustapha Diakhaté serait aussi sur le tableau des candidats du parti au pouvoir pour le fauteuil du maire de Dakar. « Seulement », soutiennent nos sources, « il devra faire davantage de preuves à l’Assemblée nationale » pour rassurer le « monde républicain » très ambitieux.

Aminata Tall renforcée pour récupérer la mairie de Diourbel

Le Parti socialiste qui est déjà dans le collimateur de l’Alliance pour la république fera face à une dame comme Aminata Tall, renforcée avec son « atterrissage » à la tête du Conseil économique, social et environnemental. En acceptant de dissoudre son parti dans l’APR, l’ancienne mairesse de Diourbel est fortement récompensée. Disposant d’un énorme budget, l’ancienne « amazone libérale » de Maître Abdoulaye, sera aux prises avec le maire socialiste de Diourbel Jacques Baudin pour les municipales prochaines. A la faveur de son appartenance au parti au pouvoir, elle pourra certainement se défaire de l’actuel maire dont le bilan à mi-parcours à la tête de l’équipe municipale ne serait pas bon pour prétendre rempiler.

Alioune Badara Cissé pour « déloger » Cheikh Bamba Dièye à Saint-Louis

Allié du pouvoir et d’un « poids léger », Cheikh Bamba qui est devenu de justesse maire de l’une des plus importantes villes du Sénégal, Saint-Louis, à la faveur d’un règlement à l’amiable consenti au sein « Bennoo Siggil Senegal », au détriment de Alioune Badara Cissé, sera sérieusement bousculé dans la région du fleuve. Et comme si l’histoire se répétait, mais cette fois-ci dans un contexte particulier où le compromis éventuel est à exclure pour plaider sa cause, l’actuel ministre de la communication est comme qui dirait : « est mal barré. » Sa gestion décriée à la tête de la mairie de Saint-Louis par ses collaborateurs et même les populations aura peu de chance de résister à un « coup de tempête » que va impitoyablement provoquer l’APR aux prochaines municipales pour installer « ABC » qui serait d’ailleurs en bon terme avec Macky Sall, malgré son débarquement « express » du ministère des affaires étrangères. En plus, Alioune Badara Cissé dont l’aura et le charisme crédibilisent l’APR, est parti pour succéder au premier ministre Abdoul Mabaye cité dans le procès de Hissène Habré et qui pourrait être appelé à comparaitre comme témoin. Abdoul Mbaye qui pourrait quitter ses fonction de Pm pour, informe-t-on, « pour mettre à l’aise le président Macky Sall ». Mais ce n’est là qu’une hypothèse.

Macky Sall mijote la création de l’axe politique Sine-Saloum en récupérant Moustapha Niasse et l’AFP 

Une simple analyse permet de comprendre le jeu masqué du parti au pouvoir. Dans un contexte où Moustapha Niasse qui se trouve au crépuscule de sa carrière politique, avec toutes « velléités d’ambitions présidentielles » exclues, joue apparemment à fondre l’Alliance des forces de progrès (AFP) dans l’Alliance pour la république. Seulement, il ne semble pas disposer de coudées franches et d’assez de manœuvres pour convaincre ses proches dont Malick Gakou, à épouser l’option. C’est dans ce contexte qu’il faut situer la démission inattendue du gouvernement du ministre du Commerce, de l’Industrie et du Secteur informel M. Gakou, par ailleurs numéro 2 de l’AFP, qui ne serait plus en phase avec le secrétaire général de l’AFP ayant pris goût aux délices du fauteuil de président de l’Assemblée nationale, voudrait le conserver au détriment des intérêts de sa formation politique. Choix que ne digérerait pas Malick Gakou qui veut partir de la banlieue de Guédiawaye pour se faire une base politique. C’est un prétendant sérieux au fauteuil présidentiel. Il en est conscient. La récente histoire autour de l’homologation du prix du sac de farine qui le mettrait en mal avec le premier Ministre Abdoul Mbaye ne serait qu’une goutte de trop pour que Gakou « explose » et démissionne du gouvernement.

Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily éternels alliés du   pouvoir

Ces personnalités citées ci-dessus, respectivement président d’honneur du Parti de l’indépendance et du travail (PIT) et secrétaire général de la Ligue démocratique/Mouvement pour le parti du travail (LD/MPT), qui n’ont plus participé à l’élection présidentielle  depuis, veulent « terminer leur temps » dans la coalition « Bennoo Bokk Yakaar » et dans la mouvance présidentielle. Le clash surviendra, mais ils sont décidés à survivre aux intempéries diverses pour, disent-ils, « préserver l’unité » d’un « Bennoo Bokk Yakaar » qui pourra conserver son appellation originelle mais sans la composition de départ. Et tout ceci, Idrissa Seck et d’autres leaders l’ont compris et veulent prendre leurs responsabilités pour avoir en main leur destin politique. Le leader de parti au sein de la coalition Bennoo Bokk Yakaar  qui prendra la responsabilité historique de rompre avec les délices du pouvoir, gagnera certainement aux changes.

BAKARY NDIAYE

Samedi 16 Février 2013 08:18

Dans la même rubrique :