A quoi servent les fantasmes ? « Je fantasme, donc je suis », pourrait-on dire pour paraphraser Descartes. Car tout individu dispose d’un univers fantasmatique, qui fait partie intégrante de l’inconscient et n’obéit à absolument aucun contrôle. Le fantasme révèle donc une partie de nous-même qui nous échappe. On pourrait se poser la question du « pourquoi faire ? », surtout quand on a une vie sexuelle que l’on estime parfaitement satisfaisante. Effectivement, pourquoi gamberger ainsi sur des personnes, des situations, des positions, qui, de surcroît, dans « la vraie vie », ne nous attireraient pas obligatoirement ? Simplement parce qu’en fait, comme les rêves, les fantasmes permettent de compenser un quotidien trop bien ordonné, et les frustrations, conscientes ou inconscientes, qui l’accompagnent. Quel que soit le rapport entretenu avec la sexualité, l’activité fantasmatique nous garde en équilibre et exerce un rôle régulateur au niveau psychique en exprimant l’inexprimable. Le fantasme peut aussi être une forme de liberté intérieure totale, conduisant à une image de soi plus excitante, plus audacieuse ou plus fantaisiste. Parce qu’il n’est pas freiné par les inhibitions naturelles, il s’autorise tout, à l’image d’un « Bruce tout puissant », auquel Dieu a donné tout pouvoir, et qui se permet de réaliser ses rêves les plus fous… Pourquoi nos fantasmes sont-ils parfois honteux ou gênant ? Le fantasme, venu de l’inconscient, est en quelque sorte issu de notre part d’ombre, ce qui explique qu’il ne réponde pas forcément aux valeurs de culture ou de morale qui sont les nôtres, et parfois les heurte. Cela peut alors le rendre honteux et inavouable, ou parfois même simplement gênant, surprenant ou troublant… Si vos « délires intimes », éveillée ou en sommeil, vous dépassent, vous effraient ou vous perturbent, et même vous posent question sur votre « normalité », ne culpabilisez surtout pas. Rêver qu’on fait l’amour avec le mari de sa meilleure amie, ou que l’on se fait violenter par un groupe de motards pervers, ne signifie absolument pas qu’on le souhaite (et qu’on l’apprécierait) dans la réalité. Souvenez-vous que c’est l’inconscient qui parle, et qu’il ne reflète pas véritablement nos envies, juste certaines de nos pulsions animales. En cela, le fantasme révèle sans doute une partie de nous-même, mais une partie seulement ! Aucune raison donc de s’inquiéter, car cela pourrait virer à l’obsession, et peut également induire un état de jugement, de retenue, de peur, qui réduit l’appétit et la joie de vivre. Il est essentiel de dédramatiser, afin de rentrer dans un espace de rencontre bienveillant, avec soi-même comme avec l’autre. Homme et femme ont-ils les mêmes fantasmes ? Pas exactement, même si on peut trouver certains points communs comme celui, évidemment, des sensations fortes, voire exceptionnelles. La femme s’imaginera avoir des orgasmes « cosmiques » à répétition, tandis que l’homme, lui, se verra doté d’une érection triomphante et incroyablement durable… Si certains fantasmes, parmi les plus courants, sont partagés par les deux sexes, leurs scénarios sont toutefois assez différents. Ainsi, si les parties à trois sont récurrentes, les hommes dans leur imagination font l’amour avec leur partenaire plus une autre femme, alors que leurs compagnes, elles, choisissent plutôt deux parfaits inconnus ! Les fantasmes d’exhibition, dans leur version masculine, se déroulent généralement dans des lieux sociaux (supermarché, avion, restaurant, cinéma, train…) alors qu’en version féminine, ils se concrétisent plutôt dans la nature (parc, plage…). Faut-il réaliser ses fantasmes ? Si certain(e)s estiment qu’on doit tout dire, voire tout essayer, il faut savoir que les fantasmes, par nature, n’existent pas forcément dans le but d’être réalisés ou même simplement racontés à son partenaire, comme tout ce qui touche à notre jardin secret. Mais si rien ne vous oblige à les réaliser, rien ne vous l’interdit non plus, surtout en solitaire, à condition de rester prudente. Si l’on souhaite engager son partenaire dans l’opération, il faut être sûre que celui-ci a réellement envie de participer et d’en être acteur, et qu’il ne le fait pas contraint et forcé. Ainsi, dans les boîtes échangistes, on rencontre beaucoup de femmes qui ne sont là que pour « faire plaisir » à leur partenaire, et qui vivent fort mal ces expériences, ce qui peut perturber très lourdement l’histoire du couple et la relation amoureuse. Ensuite, il faut choisir une période propice, où l’on se sent bien. Il ne faut surtout pas croire que la réalisation d’un fantasme va redynamiser une relation sexuelle ou une situation conjugale défaillante, ou bien encore remonter un moral en chute libre. Elle ne doit pas être une bouée de secours, ni être choisie par désœuvrement, car tout devient alors calculé, forcé, artificiel et… obligatoirement raté. Dans tous les cas, il faut comprendre que réaliser ses fantasmes n’est pas une preuve de libération : le fantasme, dans la majorité des cas, est conçu pour rester inaccessible. C’est toute la différence, à la fois subtile et énorme, entre le rêve et la réalité. Le fantasme magnifie et sublime la réalité de l’expérience, c’est en quelque sorte une image d’Épinal, un film parfait (surtout s’il est repassé maintes et maintes fois) où presque chaque détail est érotique, alors que sa réalisation s’avère forcément beaucoup plus crue, ce qui peut se révéler non seulement décevant, mais parfois beaucoup plus douloureux qu’on ne l’aurait pensé et souhaité.