Financement des partis politiques : Retour sur un vieux débat

La levée de fonds du Pastef suivie de la menace du ministre de l'Intérieur Antoine Diome de dissoudre la formation de Sonko remet au goût du jour le débat sur le financement des partis politiques. revient sur une question agitée depuis 1984 et toujours ignorée par les régimes.


C’est la guerre ouverte entre le parti de Ousmane Sonko, Pastef et le nouveau ministre de l’Intérieur, Antoine Diome. La sortie de ce dernier menaçant de dissoudre le parti pour une histoire de levée de fonds (le Nemekou tour de Pastef du 2 janvier qui a permis aux ‘patriotes’ de lever 125 millions dans la diaspora sénégalaise), a mis, au-delà de Pastef, toute la classe politique dans tous ses états.
 
Déjà la violation de l'article 3 de la loi 81-17 du 6 mai 1981 modifiée par la loi 89-36 du 12 octobre 1989 portant sur les ressources dont peuvent bénéficier les partis politiques, dont fait cas le ministre de l’Intérieur, selon Me Assane Dioma Ndiaye, « ne fait pas de distinction de nationaux résidant au Sénégal ou à l'étranger ».
 
Cheikh Bamba Dièye quant à lui, rappelle au remplaçant d’Aly Ngouille Ndiaye que « L'Apr et Benno Bokk Yakkar usent des ressources publiques à des fins politiciennes et jamais ils n'ont été inquiétés ». Une polémique qui relance la nécessité de légiférer pour un financement public des partis politiques. Comme cela se fait en France et dans d’autres démocraties.
 
Le financement public en vigueur depuis 1988 en France avec une commission de contrôle des comptes
 
En effet, le financement des partis politiques français est un ensemble de moyens permettant d'assurer les ressources financières nécessaires à l'activité des partis politiques français et d’en assurer aussi le contrôle. Depuis 1988, un financement public des partis est alors prévu, en fonction des résultats aux élections législatives et du nombre de parlementaires.
 
Le financement privé est aussi réglementé. Et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), actuellement dirigée par Jean-Philippe Vachia, a la charge du contrôle des comptes des partis politiques français. Créée par la loi no 90-55 du 15 janvier 1990 « relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques », et mise en place le 19 juin 1990, la CNCCFP est composée de 9 membres (3 membres du conseil d’Etat, 3 de la cour de cassation et 3 de la cour des comptes).
 
Ils sont nommés par décret du Premier ministre français sur propositions du Vice-président du Conseil d'État, du Premier président de la Cour de cassation et du Premier président de la Cour des comptes. La législation française est intransigeante par rapport à des financements étrangers des partis ou de campagne électorale de candidats.
 
En atteste la mise en examen, le 12 octobre 2020, de l’ancien président de la République française, Nicolas Sarkozy pour « association de malfaiteurs » dans l'enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle en 2007.
 
Depuis 1998 plusieurs propositions sont dans la corbeille de l’Etat du Sénégal
 
Au Sénégal, depuis 1998 la question est sur la table des régimes qui se sont succédé avec toutes sortes de propositions. Mais, l’application d’un financement public et d’une réglementation des dépenses électorales des partis politiques, est renvoyée aux calendes grecques. Sous la houlette du Pr. agrégé des facultés de Droit, El Hadji Mbodji, commis par le président de la République de l’époque, Abdou Diouf, des propositions avaient été faites.
 
Mais au moment de l’application, au lendemain de la première alternance de 2000, le président Abdoulaye Wade qui, pourtant est l’initiateur de ce débat depuis 1984 déjà, a fait preuve, selon Pr Mbodj dans un entretien avec Sud Quotidien, d’une «mauvaise volonté de mettre en place le statut de l’opposition et le financement des partis politiques ». 
 
Son successeur, Macky Sall, qui a signé avec ‘’réserves’’ la charte des assises nationales dans laquelle cette question figurait en bonne place, ne fera rien dans ce sens. Puisqu’il a rangé aux oubliettes les propositions de la commission nationale de réforme des institutions (Cnri) parmi lesquelles, la réglementation des dépenses électorales et le financement public des partis politiques pour une meilleure organisation du champ politique, parasité par plus de 300 partis « télécentres » et un parti au pouvoir qui puisent indûment des ressources colossales dans les caisses publiques.
 
Récemment agitées à la commission du dialogue politique, les tenants du pouvoir ont préféré parler du statut du chef de l’opposition, en lieu et place des vraies questions.


Lundi 4 Janvier 2021 07:06

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