A Dakar le 12 octobre, puis à Kinshasa le lendemain, le président a délivré le même message. Sans lyrisme, mais avec le mérite d'être clair, ce fut un plaidoyer en faveur des démocrates, pour une Afrique en mouvement, dopée par l'exploitation des richesses de son sous-sol et la jeunesse de sa population.
Le message a satisfait à la fois ceux qui veulent en finir avec le paternalisme et les magouilles de la "Françafrique" ; ceux qui ont de bonnes raisons de croire dans l'avenir de ce continent ; ceux qui ont été affligés par le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy en 2007, assurant que "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire".
L'étape de Kinshasa fut à ce titre exemplaire. Le président français a longtemps hésité avant de se rendre dans la capitale de la République démocratique du Congo (RDC) pour y assister au Sommet de la francophonie. Quelques jours avant son départ, il a critiqué le régime corrompu et peu démocratique de Laurent Kabila.
Face à face, en terre kinoise, le Français a redit à son homologue congolais tout le mal qu'il pense de sa façon de gouverner et de maltraiter les droits de l'homme. Leur tête-à-tête fut glacial. M. Hollande a limité au minimum son séjour à Kinshasa. Il a parlé plus longtemps aux opposants qu'au président Kabila. A la tribune du sommet francophone, il a redit que le respect des règles démocratiques et des droits de l'homme est une condition des bonnes relations avec le nouveau pouvoir en France. Sans leçon de morale.
C'est important. La RDC, ancienne colonie belge, est aussi le plus grand pays francophone du monde. Elle est l'un des coffres-forts géologiques parmi les mieux remplis d'Afrique. Autant d'arguments qui auraient pu pousser le président Hollande à ménager son homologue de RDC.
C'est de la part de Paris "un jeu perdant-gagnant", selon l'expression de Thierry Vircoulon, du centre de réflexion International Crisis Group. "Perdant", parce que la France prend le risque de perdre certains contrats dans certains des plus riches des pays du continent noir – il peut s'agir de la RDC comme du Gabon, par exemple.
Mais c'est un jeu "gagnant", en revanche, pour la crédibilité de la diplomatie française sur ce continent, l'un de ceux qui connaissent aujourd'hui les plus forts taux de croissance.
Les dirigeants français n'ont plus les moyens de faire ou défaire les gouvernements dans ses anciennes colonies. C'est tant mieux. Puissance devenue moyenne mais encore influente en Afrique, la France peut choisir les pays qu'elle soutient en fonction de critères simples et clairs. M. Hollande vient de tracer les grandes lignes de cette politique. S'il y est fidèle, l'avenir lui donnera raison.
Editorial
Le Monde