Le président François Hollande, accueilli samedi avec ferveur à Tombouctou, a dénoncé "la barbarie" imposée par les islamistes armés qui ont occupé cette ville mythique du nord du Mali pendant des mois avant sa libération par les soldats français et maliens. "Vive la France, vive Hollande" : des milliers d'habitants de Tombouctou, rassemblés sur la place principale, ont salué en libérateur le président français, qui est allé à la rencontre de la foule, dans une indescriptible cohue.
François Hollande et le président malien par intérim Dioncounda Traoré se sont pris la main et l'ont levée au ciel en signe de victoire, sous les acclamations. Dioncounda Traoré a remercié les soldats français ayant permis de libérer la population du nord du Mali qui a vécu "sous la barbarie et l'obscurantisme pendant des mois et des mois".
Le président français a aussi dénoncé la "barbarie" des islamistes armés qui ont multiplié les exactions. "Il y a vraiment une volonté d'anéantir. Il ne reste rien", a-t-il constaté en visitant avec l'imam de la grande mosquée de Tombouctou deux mausolées de saints musulmans détruits par les jihadistes.
"Depuis le 11 janvier (début de l'intervention française), nous avons déjà accompli beaucoup de travail, il n'est pas encore complètement terminé", a-t-il part ailleurs estimé. "Cela va prendre encore quelques semaines, mais notre objectif est de passer le relais" aux soldats africains qui sont en train de se déployer au Mali, a-t-il ajouté.
Dix mois de charia
Les habitants de Tombouctou ont dansé au son des tam-tams, qui étaient interdits par les groupes islamistes, comme toute autre forme de musique.
"François Hollande, nous les femmes de Tombouctou, on le remercie très infiniment, il faut lui dire qu'il a abattu l'arbre, mais il reste à le déraciner", a déclaré Fanta Diarra Touré, 53 ans, ex-réceptionniste, vêtue d'un boubou blanc et portant le drapeau français comme un châle. Outre la mosquée Djingareyber, principal lieu de culte de la ville, MM. Hollande et Traoré ont aussi visité un centre de conservation de précieux manuscrits anciens, dont certains ont été incendiés par les islamistes.
Tombouctou, à 900 km au nord-est de Bamako, avait été placée sous très haute surveillance: des militaires français étaient en position tous les 100 mètres, des blindés patrouillant dans les rues, ainsi que des pick-up de soldats maliens.
Le président français, accompagné de trois ministres - Laurent Fabius (Affaires étrangères), Jean-Yves Le Drian (Défense) et Pascal Canfin (Développement) - et de la directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, a quitté Tombouctou à la mi-journée pour Bamako.
Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), qui ont occupé Tombouctou pendant dix mois, y ont commis de très nombreuses exactions, au nom d'une interprétation rigoriste de la charia (loi islamique): amputation, coups de fouets aux couples "illégitimes", aux fumeurs. Ils ont imposé le port du voile intégral aux femmes, interdit la mixité dans les écoles, le football, la danse, la musique et l'alcool. Ils ont également choqué le monde en détruisant des mausolées de saints musulmans adulés par les populations locales, assimilant cette vénération à de "l'idolâtrie". Ils ont fait disparaître des manuscrits précieux conservés dans cette ville qui a longtemps été un grand centre intellectuel de l'islam et une prospère cité caravanière à la lisière du Sahara.
Mise en garde contre "les exactions"
L'intervention française a débuté au lendemain d'une offensive en direction du sud du Mali menée par les groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda qui occupaient le Nord depuis fin mars 2012. Les événements se sont accélérés le week-end dernier avec la reprise, coup sur coup, de Gao et Tombouctou et l'arrivée mardi soir de soldats français à l'aéroport de Kidal, ville tenue par des rebelles touareg et des islamistes dissidents s'affirmant "modérés".
Kidal, à 1.500 km au nord-est de Bamako, ville longtemps tenue par Ansar Dine, est passée, avant l'arrivée des soldats français, sous le contrôle du Mouvement islamique de l'Azawad (MIA, dissident d'Ansar Dine) et du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touareg). Kidal et sa région comprenant le massif des Ifoghas, près de la frontière algérienne, sont le berceau des indépendantistes touareg et, selon Paris, le lieu de détention "probable" de sept otages français. C'est aussi le dernier refuge des combattants islamistes chassés des villes du Nord.
Le MNLA a affirmé samedi, dans un communiqué reçu à Nouakchott, que ses combattants ont eu vendredi "un accrochage" avec une unité d'islamistes dans la région de Tessalit, au nord de Kidal, très près de de la frontière avec l'Algérie, qui s'est conclu par "l'arrestation de plusieurs jihadistes".
Par ailleurs dans la région de Gao, une trentaine d'islamistes ont été arrêtés, a constaté un journaliste de l'AFP. "Nous allons les traiter avec dignité, il n'y aura pas de vengeance", a assuré le colonel Saliou Maïga, de la gendarmerie de Gao.
François Hollande a d'ailleurs mis en garde les militaires français contre d'éventuelles exactions, alors que des ONG en ont fait état ces derniers jours, de la part des soldats maliens. "Je vous demande aussi de faire attention à vos propres vies, à celles de vos frères maliens, à des exactions qui pourraient être commises, qui entacheraient la mission, de faire attention à la population civile", a-t-il dit, tout en assurant les soldats français de sa "confiance".
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