Gambie: Saliou Niang, parmi les condamnés à mort

SETAL.NET-Une comparaison entre Hissène Habré et Yaya Jammeh est-elle excessive ? On peut se le permettre car l’Histoire les a tous deux catalogués comme « dictateurs ».


Le premier fait actuellement face à la justice pénale internationale pour « crimes de guerre, crimes contre l’humanité et torture » alors que le second est toujours aux affaires, solidement installé sur son trône. Les Cours africaines extraordinaires (Cae) jugent l’ancien maître de Ndjaména à Dakar, alors que la terreur de Kanilaï, à moins de 300 km des lieux où sont braquées toutes les caméras du monde, menace d’exécuter des condamnés à mort qui attendent leur sort dans la sinistre prison de Mile Two. Encore une fois, en toute jouissance du droit de vie et de mort sur les gens qu’il s’est arrogé, il s’apprête encore à tuer. Lors de sa dernière adresse à ses compatriotes la veille de la Korité, il avait menacé de faire passer par les armes les condamnés qui attendent dans le couloir de la mort. Et il y a fort à parier qu’il mettra ses menaces à…exécution car Yaya Jammeh aime avertir avant de passer à l’acte. Il y a trois ans, en 2012, toujours à la veille de la fête marquant la fin du ramadan, il avait fait passer devant le peloton d’exécution neuf personnes le 26 août de cette année. Parmi les suppliciés, les sénégalais Djibril Bâ et Tabara Samb. Devant le niet de Jammeh aux demandes de grâce émanant de partout, Alioune Tine, alors président de la Raddho avait réitéré sa demande de ne plus accepter le dictateur dans les instances des chefs d’Etat africains : « parce qu’il a fait preuve de beaucoup de mépris à l’égard de la demande de l’Union africaine de ne pas exécuter les personnes détenues. Nous estimons aujourd’hui que Yaya Jammeh doit être suspendu de participation de toutes les réunions de l’Union africaine, suspendu également de participation des réunions de la Cedeao ». Le président gambien se prépare à tuer Saliou Niang, arrêté en 2007 puis condamné à la peine capitale par un tribunal de Banjul pour un meurtre commis sur un pêcheur, à la suite d’une bagarre qui les a opposés sur la plage de Gunjur, un village à l’ouest de la Gambie. La Gambie, c’est quelque part chez nous, comme le Sénégal l’est pour les gambiens. Rien de ce qui avait présidé à la naissance en 1982 de la Confédération sénégambienne n’a changé. Les seules différences : souveraineté, monnaie et langue officielle. Levées ces considérations, c’est le même peuple, les mêmes langues, le même sang. Peut-on continuer à entretenir ce type de relations avec Yaya Jammeh ? L’enclavement de ce pays dans le Sénégal a certes bouché les horizons géographies possibles, mais il a exacerbé, jusqu’à la maladie psychiatrique, le complexe que le dictateur nourrit à l’endroit de son influent voisin. Tous les actes qu’il pose sont des gestes adressés à Dakar, sauf que son langage est celui d’une brute. Un tyran assoiffé de sang qui tue sans répit, répondant aux complots avérés ou pas par des condamnations à mort. Le Sénégal affiche systématiquement sa vitrine démocratique sur la scène internationale, mais se tait devant la tragédie gambienne. Que faire ? Yaya Jammeh n’est pas poreux aux demandes de clémence et semble prendre du plaisir à faire languir ses homologues chefs d’Etat ou organisations internationales quand il décide de mettre à mort, avant de leur jeter à la figure son mépris. Cruauté sublime, il a le talent pour faire ce qu’il dit quand il s’agit d’ôter la vie. Bien sûr, « aucun acte de violence, aucune activité criminelle et d’indiscipline se traduisant par l’assassinat, la trahison et le trafic de drogue, et toute autre infraction passible de la peine de mort, ne seront tolérés », répète à l’envi son gouvernement. « La République de Gambie est un Etat souverain qui, comme d’autres Etats souverains dans lesquels la peine de mort est appliquée, a le droit de mettre en oeuvre ses lois nationales telles que stipulées par sa Constitution », réplique à chaque fois l’ancien officier subalterne. Quel sens la souveraineté peut-elle avoir si elle doit cacher les dénis de justice ? Comment un homme qui limoge les juges selon son humeur, qui n’attend de la justice que la formalisation de ses désirs, peut-il en retour faire assumer ses crimes par des cours et tribunaux à sa solde ? Incontestablement, Yaya Jammeh est le dernier grand dictateur africain. « Grand » dans le sens de refuser tout éveil démocratique, tout respect des droits de l’Homme, tout souveraineté populaire. Derrière le vernis de la souveraineté, se déroule en réalité un machiavélique programme de terreur. C’est au nom de son adhésion aux valeurs universelles de justice que le Sénégal a accepté de juger Hissène Habré. C’est au nom de ces mêmes valeurs que son action doit être dénoncée et combattue. Sinon, les nombreux africains fâchés contre le Sénégal depuis le processus de mise en accusation de Hissène Habré et le début de son procès auront un nouvel argument de poids. Ce qu’ils pourraient dire est très simple : balayez d’abord devant votre porte ! lignedirecte.sn


Mercredi 22 Juillet 2015 12:20

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