Gouvernement XXL, la fuite en avant


Il n’est pas exagéré de parler d’immobilisme du gouvernement. L’équipe à la tête du Sénégal semble manquer d’un brin d’audace, de ce petit quelque chose qui fait rêver, qui fait bouger les lignes. C’est enfoncer des portes ouvertes que de dire que le Président Macky Sall n’est guère satisfait des résultats produits par son équipe. Il affichait beaucoup plus d’ambitions que de donner l’impression que des agents de maintenance sont arrivés aux plus hautes fonctions de l’Etat. C’est ainsi qu’il a senti la nécessité d’impulser une nouvelle dynamique à son gouvernement. Dans cette optique, le président de la République a laissé entendre, la semaine dernière à New York, qu’il ne faudrait pas exclure l’augmentation du nombre des ministres du gouvernement. On s’étranglait de l’habitude de nos dirigeants à faire les grandes déclarations relatives à la vie de notre Nation à l’étranger. Mais dans le cas d’espèce, on ne devrait pas. Macky Sall s’adressait à la communauté sénégalaise expatriée en Amérique, une communauté d’émigrés qui participent activement à la vie économique, sociale et politique du pays. Aussi, la déclaration a été relayée exclusivement par des médias nationaux.

La solution est-elle d’augmenter le nombre des ministres pour suppléer les canards boiteux ? Assurément non ! Macky Sall avait introduit une rupture en limitant le gouvernement à 25 ministres. C’était comme faisait Léopold Sédar Senghor et c’était  bien différent de ce que faisait Abdou Diouf et surtout Abdoulaye Wade. Le slogan de Macky Sall a toujours été une gouvernance sobre et vertueuse et le meilleur symbole de ce slogan a été la réduction du nombre des ministres. En resserrant le gouvernement, le chef de l’Etat se conforme à une pratique des démocraties modernes, faite d’efficacité fonctionnelle du gouvernement avec des compétences et des attributions clairement définies pour chaque ministre. Jamais dans l’histoire politique des Etats-Unis d’Amérique, on ne trouve une vingtaine de ministres dans un même gouvernement. Dans ce pays, aucun gouvernement, y compris même le «cabinet level», c’est-à-dire des responsables de grandes administrations fédérales qui peuvent avoir l’envergure de ministères, n’a dépassé une vingtaine de personnalités. Au Japon, on ne compte pas plus de dix-huit membres du gouvernement y compris le Premier ministre. C’est la même fourchette en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en Italie et dans toutes les démocraties occidentales. Aussi, en Afrique, dans les pays où règne un système démocratique comme au Ghana ou au Botswana, les gouvernements ne dépassent point 22 membres.

Au Sénégal, le Président Wade avait fait des excès avec quelques 41 ministres dirigés par le Premier ministre Macky Sall, sans compter «le gouvernement de la présidence» qui en comptait au moins autant, au point que la salle des réunions du Conseil des ministres ne pouvait plus contenir tout le gouvernement et qu’il avait fallu aménager la salle des banquets pour y tenir les Conseils des ministres. Tout une symbolique. Toute une caricature.

Macky Sall n’est donc pas satisfait de son gouvernement et il  éprouve d’énormes difficultés à se séparer de ses collaborateurs. Devant de nombreuses interrogations suite à la formation du premier gouvernement de son magistère,  il confiait à ses proches : «Vous connaissez l’état du parti, on ne peut faire qu’avec ce qu’on a.» Aussi, il n’a pas su ou n’a pas pu discuter les propositions que lui avaient faites ses alliés. S’il ne tenait qu’à Macky Sall, ses alliés lui auraient proposé mieux que certains profils qui siègent au gouvernement. Au lieu de congédier les ministres qui font montre de carence, la panacée pour Macky Sall serait de soulager certains ministres d’attributions encombrantes au niveau desquelles ils ont fait étalage de leurs limites. Les schémas sont légion. Faudrait-il prendre à Benoît Sambou l’Agriculture pour ne lui laisser que l’Equipement rural ? Ne serait-il pas mieux de soulager Mata Sy Diallo en ne lui laissant que le ministère du Commerce et créer un département des Mines et de l’Industrie, ce qui permettrait d’ériger le secteur de l’Energie en ministère plein, à confier à Aly Ngouille Ndiaye ou à un autre ? Un autre schéma serait de ne laisser au ministre Abou Lo que les Nouvelles technologies de l’information et de la communication ou bien ne faudrait-il pas faire revenir le ministère des Sénégalais de l’extérieur et le lui confier. Comment faire en sorte que le ministre de l’Intérieur, Mbaye Ndiaye, ne s’occupe plus de l’organisation des élections et alors confier un ministère des Elections à une personnalité réputée neutre dans le jeu politique. Pourquoi ne pas prendre le Tourisme à Youssou Ndour et lui ajouter par exemple l’Artisanat en guise de compensation ? Que faire de Khoudia Mbaye Seydi entre autres ?

En fait, la procédure normale aurait été de définir préalablement une architecture gouvernementale avant de chercher à savoir qui pour occuper telle ou telle fonction. Macky Sall se met plutôt dans la logique d’inverser les choses, c’est-à-dire de considérer la liste de ses ministrables et, en fonction des noms, voir quelles attributions donner à tel ou tel autre.

L’inefficacité du gouvernement tient aussi au profil de son chef, Abdoul Mbaye. Le Premier ministre a une totale méconnaissance des rouages de l’Administration publique et du fonctionnement d’un gouvernement. Dans toute l’histoire gouvernementale du Sénégal, Abdoul Mbaye aura été, jusqu’ici, le seul chef de gouvernement à n’avoir jamais eu une expérience gouvernementale préalable. Mamadou Dia, Abdou Diouf, Moustapha Niasse, Habib Thiam, Mamadou Lamine Loum, Mame Madior Boye,  Idrissa Seck,  Cheikh Hadjibou Soumaré, Macky Sall ou Souleymane Ndéné Ndiaye avaient tous exercé des fonctions gouvernementales avant de devenir Premier ministre. Le profil et l’expérience de gestionnaire d’entreprises privées a aussi été à l’origine des frictions entre Abdoul Mbaye et Macky Sall. Quand, dans ces colonnes, nous avions soulevé la question des relations devenues difficiles entre le président de la République et son Premier ministre, ils ont été nombreux à ruer dans les brancards pour nier cela. Mais les faits étant têtus, nos détracteurs avaient fini par l’admettre mais en cherchant à démasquer des hommes de l’ombre qui chercheraient à déstabiliser le Premier ministre. Abdoul Mbaye avait fini par comprendre le message de Macky Sall qui consistait à lui dire : «Au lieu de vous mettre à chercher des comploteurs contre votre personne, vous aurez mieux à faire en faisant le travail pour lequel vous êtes nommé et surtout que je sache ce que vous faites et comment.» Abdoul Mbaye a fini par réaliser qu’au poste de Premier ministre, il n’était pas le directeur général d’une entreprise dénommée le Sénégal et dont Macky Sall ne serait qu’un simple Président du conseil d’administration.

Par Madiambal Diagne

Source: Le Quotidien

Abdou Khadre Cissé

Lundi 1 Octobre 2012 17:02

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