HUMEUR : Ma Déclaration de Politique Gênes et râles


Je profite de la lumière blafarde de ma dernière bougie pour griffonner quelques mots sur un morceau de papier. Il fait un temps à ne pas mettre le nez dehors. Le ciel a fait ses lâchers d’eau comme un barrage grondant subitement sur la nature et les hommes. Les défécations et l’eau des pluies font bon ménage dans les ruelles sans éclairage public. La cour de ma maison n’échappe pas à la règle de l’infecte présence du trop plein d’eau. J’ai accusé Wade d’avoir laissé la Senelec nous priver de la lumière, une sorte de boussole pour nos soirs de thé et d’histoires dites à mi-voix. J’ai confié à Macky Sall le soin de nous faire oublier ce cauchemar. Je n’étais pas rassuré, même avec les groupes et les barges. Le 25 mars était la fin de cette frontière d’ombre. Hélas, je me surprends à confier encore mes espérances à l’élu des Sénégalais. Mais oui, j’ai bien les yeux ouverts sur l’évidence : le PDS n’est plus au pouvoir.


Il fait aussi un temps à ne pas mettre le nez dehors à cause des caïds qui tuent à tout va. C’est le chapelet des drames devenus ordinaires par la faute des lâchetés publiques comme par celle des audaces toujours plus cruelles des semeurs de désastres sur les champs de notre commun vouloir de vie commune. La machette dakaroise n’est pas importée du Rwanda. Seulement, à ce rythme, nous assisterons au génocide des justes et à la victoire des affreux. Oui, ils tuent autant qu’un chef d’Etat déchaîné que nous avons critiqué voire invectivé la semaine dernière. C’est connu : la dernière incartade des dictateurs n’est jamais est toujours la plus cruelle parce qu’elle met à nu nos silences coupables de plus d’une décennie. Nous avons abandonné les plaines fleuries de la diplomatie avec des partenaires économiquement plus avisés et politiquement plus intelligents. Nous avons pensé dompter un étranger au droit international qui a cherché en Wade le démon qui l’habite lui ! Il a mordu la main tendue de Macky. En un geste fraternel, il a vu un aveu de faiblesse.


Rendez-moi cette fierté d’être un petit pays et une puissance diplomatique. Que Macky daigne simplement demander leur avis aux diplomates de carrière qui ont peuple les frigos des Affaires étrangères. Qu’il jette encore un coup d’œil sur les acquis de Cheikh Tidiane Gadio sous l’inspiration de Wade ou du régime précédent d’Abdou Diouf et de Léopold Sédar Senghor. S’il n’y a que la Casamance comme expression de sincérité et de fraternité entre la Gambie et le Sénégal, c’est qu’il y a un objet de chantage.


Il est temps de m’occuper de la marmite. Il ne reste que quelques piécettes. Où aller ? A qui demander ? A qui, dans un pays qui fabrique des mendiants à la main guidée par les ressorts d’une dignité ravalée ou tout simplement donnée en gage au chéquier ou à la flagornerie. Il y a de quoi prendre le chemin du monde rural, à rebours des hordes dépeuplant les terroirs pour habiter le cœur fatigué de la capitale. Dakar mange dans la rue, prie sur le trottoir, urine sur les carrefours et insulte devant les lieux de culte même pour un oui !


Personne ne s’en émeut. La morale publique a perdu le pas devant les laideurs privées. L’intimité des maisons vivre du viol de la pudeur d’une jeune fille. Le droit d’aînesse et l’amour filial s’effilochent comme les reliques d’une ère sauvage. Cette école n’est pas plus digne de notre histoire et de notre avenir que celle qui préparait nos enfants aux chemins de la vie. Des enseignants luttent contre la misère en prenant en otage des élèves. Ils sont les « collègues » en fronde des éboueurs las de respirer les pourritures vomis des ménages. Ils sont les « collègues » des dockers qui portent les richesses des autres sans prétendre au mieux-être.


Il est temps que la politique entende la voix de cette espérance qui lui a inventé un piédestal : le suffrage universel. Qu’elle entende les gênes et les râles de nombre de nos compatriotes refugiés dans leur peine.


La cire s’est consumée. Ma bougie est finie.


Demain, le « peuple » applaudira les silences pour moi. A travers ses 150 représentants clonés de tous les anciens régimes.


AMADOU LAMINE NDIAYE


Bamba Toure

Lundi 10 Septembre 2012 07:15

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