Hommage à Serigne Abdou Fattah Mbacké Ibn Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma.


Ce jeudi 10 août 2017, vers 21 heures, subitement je pensai à Serigne Abdou Fattah Mbacké et mon corps tressaillit. 
Ce vendredi 11 août, la nouvelle tomba comme un couperet : Serigne Abdou Fattah “wathie na liguèye”, une formule pleine de “sutura” pour parler généralement du rappel à Dieu d’un haut dignitaire mouride. 
  
Il laisse derrière lui une famille orpheline d’un père attentionné, des frères et sœurs, amis et talibés comme ma modeste personne qui lui vouaient un profond respect et beaucoup d’admiration. 
Serigne Abdou Fattah a quitté subrepticement ce bas monde. 
  
Je l’ai vu la dernière fois le 26 juin 2017 vers 23 heures à son domicile à Dakar avec ses enfants et proches. Je ne m’imaginais pas que je ne le reverrais plus sur terre. Allah en a décidé ainsi. Inna lilahi wa inna ileyhi raajihuun. 
  
Serigne Abdou Fatah aura vécu une vie pleine et entière auprès de Serigne Cheikh Gaïndé Fatma, fils aîné de Serigne Mouhamadou Moustapha, lui-même fils ainé de Khadimou Rassoul. Il est devenu le Khalife de Serigne Cheikh à la suite du rappel à Dieu en 2005 de Serigne Mohamed Mbacké, son frère aîné. 
  
Homme de Dieu, plein de vertus et de qualités, Serigne Fattah était aussi un grand intellectuel ancré dans ses valeurs religieuses ainsi que dans les enseignements et préceptes déclinés par le Fondateur du Mouridisme dans ses Khassidas. Sans le laisser paraitre, il était un généreux océan de savoirs où venaient s’abreuver ses talibés, amis et connaissances. Nonobstant sa dimension intellectuelle, il était très proche de ses talibés, les respectait et les soutenait discrètement par des prières, conseils et appuis divers sans compter et sans discernement. 
  
Un de mes amis qui est son voisin me confirma qu’il tenait à participer à la bonne marche de la cité et se faisait une obligation de donner sa contribution financière pour alimenter la caisse de gestion. Il tenait à se faire représenter lors des réunions et autres rencontres organisées dans la cité. Il ne voulait point faire de son statut de mbacké-mbacké ou de ses origines un passe-droit pour s’extraire de certaines obligations. 
  
Avec minutie, méthode et diplomatie, Serigne Fattah, sous la supervision de son frère, Serigne Mbacké, continua le travail de feu Serigne Cheikh Gaïndé Fatma, pionner des écoles franco-arabes en contribuant largement et en mettant en musique la création et la consolidation des Wilaya sur toute l’étendue du territoire, ce qui fait une des forces de Darou Khoudoss et du mouridisme : éducation pour l’acquisition de connaissances religieuses et autres compétences pour l’éclosion d’un talibé cultivé et éduqué, travail pour la génération de ressources, levain de tout développement, et forte solidarité de ses membres pour leur plein épanouissement, leur dignité et leur autonomie. 
  
Des talibés et connaissances qui ont eu le privilège de le rencontrer ont un témoignage unanime : en lui se trouvait un homme doté d’un grand cœur, d’une finesse d’esprit, d’une rigueur morale, religieuse et intellectuelle doublé d’une élégance à tout point de vue. 
  
Une ancienne camarade de lycée, accompagnée de son frère, a pu apprécier son hospitalité. Il les a accueillis dans ses appartements privés pour leur servir du café-Touba que sa discrète épouse, Sokhna Moskoratou Mbacké, sait si bien préparer. 
  
Serigne Fattah a fait sienne cette citation : “Mens sana in corpore sano”, autrement dit “Un esprit sain dans un corps sain”. Il pratiquait régulièrement le sport. Très discrètement, durant les années 1980, il conduisait régulièrement son véhicule jusqu’au Yukokai Club et fin des années 1990 et début années 2000 à l’Olympique Club pour pratiquer son judo. Il était ceinture noire, 4ème dan, dans la plus grande discrétion. 
Après le décès de son frère Serigne Mohamed Mbacké, il s’attela à achever la mosquée de Taïf, qui est une merveille du genre. Quand son chambellan lui suggérait de faire un nouvel appel de fonds pour accélérer la cadence, il répondait que son appel était déjà lancé. Sans doute, il ne voudrait point contrarier ceux qui ne seraient pas en mesure de répondre positivement, vu les nombreuses sollicitations dont ils font l’objet. La construction de cette mosquée fut vite achevée, l’inauguration est encore dans les esprits. Cela donna à Serigne Fattah une autre dimension. 

Comme pour son défunt père, l’éducation était indissociable de notre religion et des préceptes du Mouridisme, à savoir le travail qui ouvre la voie de l’indépendance et nous éloigne de l’oisiveté, de la paresse et de la facilité. Il n’était pas du genre à arpenter les bureaux, à demander une intervention comme nous savons si bien le faire ou à squatter les studios de radio ou les plateaux de télévision pour montrer des connaissances, tirer des flèches ou s’enflammer sur telle ou telle situation. Je crois qu’il n’en avait point besoin vu son cursus scolaire et universitaire avec ses diplômes d’économie et de grammaire arabe, langue qu’il maitrisait parfaitement. Ses contemporains sont là pour l’attester. 
Imbu de l’éducation multiforme reçue de ses valeureux parents, il était avare en paroles en public, comme son regretté père du reste. Mais cela ne l’empêchait pas, en privé et avec sa retenue légendaire, d’évoquer non sans humour avec ses plus proches les problèmes sociétaux, économiques, politiques et culturels de ce bas monde sans pour autant donner des indications dans un sens ou dans un autre. Il avait un large éventail d’amitiés solides et de fervents talibés avec leurs opinions plurielles. 
  
Une touche personnelle. Il m’a fait l’honneur de venir me rendre visite chez moi à Dakar et m’a donné des indications pour organiser une journée afin de lui rendre hommage. On me prête son amitié, mais du fond du cœur je ne peux que revendiquer mon statut de talibé dans toute son acception mouride. Malgré ses occupations, Serigne Fattah a tenu à venir faire le Toud de deux de mes enfants. Quelle disponibilité ! Je m’en tiens là. 
Je voudrais faire ce témoignage sur ce Guide qui a tant donné à la Communauté mouride, aux musulmans sénégalais et à la Ummah islamique. Il avait de solides relations d’amitié, voire de parenté, avec les familles maraboutiques de Tivaouane à Kaolack, en passant par Fass-Dakar, Fass-Touré, Yoff, Bambilor... 
  
Mes condoléances à Serigne Sidy Moctar Mbacké, Khalife Général des Mourides, à la Grande famille de Darou Khoudoss, à sa famille (Sokhna Maskoratou, Seynabou, Astou, Amy, Ndèye Fatou et Mame Sokhna, Moustapha, Cheikh, Mohammed), ses talibés, amis et proches. 
Prions Qu’Allah lui ouvre les cimes du Paradis et qu’il soit accueilli par Khadimou Rassoul, Serigne Mouhamadou Moustapha, Serigne Cheikh Mbacké et tous les Guides qui l’ont précédé dans l’Au-delà. 
  
  
Moustapha Niang, 
Ingénieur Génie Civil 
Abuja FCT, République Fédérale du Nigéria


Mercredi 16 Aout 2017 08:47

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