Iran: union sacrée entre réformateurs et modérés face aux conservateurs divisés


TEHERAN — Les réformateurs aspirent à prendre leur revanche vendredi lors de l'élection présidentielle iranienne, quatre ans après la victoire contestée de Mahmoud Ahmadinejad, en ayant réussi "l'union sacrée" avec les modérés face à un camp conservateur miné par les divisions.

Des six candidats encore en course, trois se sont détachés chez les conservateurs: l'ancien chef de la diplomatie Ali Akbar Velayati, le maire de Téhéran Mohammad Bagher Ghalibaf et le chef des négociateurs nucléaires Saïd Jalili.

La campagne s'est terminée jeudi à 08H00 locales (03H30 GMT) mais les tractations se poursuivent en coulisse pour tenter d'empêcher le modéré Hassan Rohani d'être encore en lice le 21 juin.

Les camps modéré et réformateur partent unis derrière Hassan Rohani, après le retrait mardi du réformateur Mohammad Reza Aref.

Depuis, ses partisans se sont mobilisés sur les réseaux sociaux en appelant à un vote massif en sa faveur.
Il y a quatre ans, la réélection dès le premier tour de M. Ahmadinejad avait coupé court à tout espoir chez les réformateurs.

Les deux candidats malheureux, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, avaient dénoncé des fraudes massives et appelé leurs partisans à manifester. La contestation avait été sévèrement réprimée et les deux dirigeants réformateurs sont en résidence surveillée depuis 2011.

Hassan Rohani "est considéré désormais comme l'un des principaux candidats et ses chances d'être au second tour, s'il y en a un, sont plus importantes" après l'union des réformateurs et des modérés, a commenté à l'AFP Mehdi Fazayeli, un analyste politique conservateur basé à Téhéran.

Côté conservateurs, les appels se sont multipliés pour un désistement en faveur du mieux placé, alors que MM. Ghalibaf et Jalili semblent tenir la corde.

Mais les trois prétendants à la succession de Mahmoud Ahmadinejad ont écarté mercredi toute idée de retrait, assurant qu'ils resteraient en course jusqu'au bout.

En s'entêtant, les candidats "transforment le fleuve des votes conservateurs en une multitudes de petits ruisseaux", s'est alarmé jeudi Hossein Shariatmadari, éditorialiste du quotidien ultraconservateur Kayhan.
"Jusqu'ici, l'alliance entre les réformateurs et les centristes a réussi là où les conservateurs ont échoué: bâtir une coalition et s'unir autour d'un candidat", a dit à l'AFP Reza Marashi, du Conseil national irano-américain, basé à Washington.

Hassan Rohani, un religieux modéré de 64 ans a reçu le soutien de poids des ex-présidents Akbar Hachémi Rafsandjani (modéré) et Mohammad Khatami (réformateur).

L'ancien négociateur en chef du dossier nucléaire entre 2003 et 2005 a également reçu le soutien de l'Association des religieux combattants, un groupe religieux réformateur lié à M. Khatami.

"Je demande à tout le monde, en particulier aux réformateurs" de voter pour M. Rohani, a annoncé mardi dans un message M. Khatami, président entre 1997 et 2005. Un peu plus tard, c'était au tour de M. Rafsandjani, un pilier du régime iranien au pouvoir entre 1989 et 1997, et écarté de la course cette année. Il a appelé mercredi les électeurs à participer au vote malgré "les doutes", assurant que "les sondages montrent que M. Rohani est en tête", selon l'agence Mehr.

La crise économique provoquée par les sanctions internationales décrétées contre le programme nucléaire de Téhéran a été au centre de la campagne. Les grandes puissances soupçonnent l'Iran de vouloir se doter de la bombe atomique, ce que Téhéran dément.

Un fossé est apparu entre les candidats sur l'attitude à adopter face aux Occidentaux. Saïd Jalili, représentant direct du guide suprême Ali Khamenei, est partisan d'une ligne dure, prônant une "économie de résistance" et un refus de toute "concession" aux grandes puissances.

Ali Akbar Velayati compte sur son expérience de 16 ans à la tête de la diplomatie pour réduire la pression sur Téhéran. "La diplomatie, ce n'est pas seulement la violence et la fermeté, c'est le compromis et l'entente", a-t-il dit. M. Ghalibaf veut relancer les négociations, qui traînent en longueur depuis 2005, avec "sagesse".

Tous savent toutefois qu'ils n'auront que peu d'influence sur le dossier nucléaire car les questions stratégiques sont sous l'autorité directe de l'ayatollah Khamenei.

Le guide suprême, qui n'a pas fait de choix entre les candidats, a pour sa part appelé à une participation massive. "Certains ne veulent peut-être pas soutenir la République islamique pour une quelconque raison mais, pour leur pays, ils doivent aussi aller voter", a-t-il affirmé.

Abdou Khadre Cissé

Vendredi 14 Juin 2013 10:51

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