Saine parce que l’utilisation de gaz toxiques contre son peuple par le régime syrien, si elle est avérée, est un « crime contre l’humanité », comme l’a opportunément rappelé le secrétaire général des Nations unies, le pourtant très prudent Ban Ki-moon. Suspecte parce que, sans en fournir la preuve que pouvait lui apporter la Commission d’enquête de l’ONU dépêchée sur place, le chef de la diplomatie américaine John Kerry s’est empressé de juger « indéniable » l’usage d’armes toxiques et d’en désigner responsable le régime de Bachar al-Assad.
Le syndrome de la mystification américaine sur les armes de destruction massive en Irak en 2003 est encore trop prégnant pour que soit évacué aujourd’hui le soupçon, fut-il mineur, d’une manipulation. Barack Obama, qui a bâti sa conquête de la Maison blanche sur l’idée d’une rupture avec l’ère Bush, ne peut pas laisser planer le moindre doute. Il y va de l’image des Etats-Unis dans le monde à travers le lien de confiance à restaurer avec les peuples, notamment dans les pays arabes. Mais c’est aussi une question d’intelligence stratégique. Sachant que la Chine et surtout la Russie ne sont pas enclines à donner leur aval à une opération militaire appuyée par le Conseil de sécurité de l’ONU, les Américains et leurs alliés ont tout intérêt à en atténuer les répercussions négatives.
La prudence dont il a fait preuve en matière de politique internationale, y compris sur la Syrie, depuis son accession à la présidence des Etats-Unis devrait en fait guider Barack Obama dans sa gestion de cet épineux dossier. Le précédent irakien démontre que dans un Moyen-Orient aussi complexe, un régime démocratique ne peut pas émerger par la grâce d’une victoire militaire et d’un agenda imposé de l’extérieur. En l’occurrence, un engagement massif de troupes occidentales et arabes en Syrie conduirait inévitablement à un bourbier aux conséquences régionales désastreuses.
Ce scénario n’est pas envisagé aujourd’hui au sein de l’état-major américain où prévaut l’idée de frappes ciblées. Combinées à l’offensive terrestre de commandos rebelles formés par les Américains en Jordanie dont Le Figaro a annoncé l’entrée en action depuis la mi-août, elles pourraient d’ailleurs se révéler d’une redoutable efficacité et contribuer à l’objectif affiché par les Occidentaux de renversement de Bachar al-Assad.
Depuis 2005, l’ONU prévoit une responsabilité des Etats-membres à protéger les peuples en cas de « défaillance » de leurs dirigeants. Elle n’envisage l’usage de la force que comme ultime recours. Accusés d’avoir abandonné les Syriens à leurs luttes fratricides, les Occidentaux sont taxés d’impuissance. Leur réponse ne doit cependant pas satisfaire au seul désir de riposter pour riposter, de projeter de la puissance par simple vanité. Si l’implication du régime syrien dans le massacre au gaz toxique de la Ghouta est confirmée, si une coalition de grandes nations en tire la justification d’une intervention avec une forme de consensus international, le plan mis en œuvre ne pourra pas faire l’impasse sur une indispensable négociation politique, avec des représentants du régime alaouite, avec ses alliés russes et iraniens, s’il ambitionne vraiment de servir tous les Syriens.
Gérald Papy
Le syndrome de la mystification américaine sur les armes de destruction massive en Irak en 2003 est encore trop prégnant pour que soit évacué aujourd’hui le soupçon, fut-il mineur, d’une manipulation. Barack Obama, qui a bâti sa conquête de la Maison blanche sur l’idée d’une rupture avec l’ère Bush, ne peut pas laisser planer le moindre doute. Il y va de l’image des Etats-Unis dans le monde à travers le lien de confiance à restaurer avec les peuples, notamment dans les pays arabes. Mais c’est aussi une question d’intelligence stratégique. Sachant que la Chine et surtout la Russie ne sont pas enclines à donner leur aval à une opération militaire appuyée par le Conseil de sécurité de l’ONU, les Américains et leurs alliés ont tout intérêt à en atténuer les répercussions négatives.
La prudence dont il a fait preuve en matière de politique internationale, y compris sur la Syrie, depuis son accession à la présidence des Etats-Unis devrait en fait guider Barack Obama dans sa gestion de cet épineux dossier. Le précédent irakien démontre que dans un Moyen-Orient aussi complexe, un régime démocratique ne peut pas émerger par la grâce d’une victoire militaire et d’un agenda imposé de l’extérieur. En l’occurrence, un engagement massif de troupes occidentales et arabes en Syrie conduirait inévitablement à un bourbier aux conséquences régionales désastreuses.
Ce scénario n’est pas envisagé aujourd’hui au sein de l’état-major américain où prévaut l’idée de frappes ciblées. Combinées à l’offensive terrestre de commandos rebelles formés par les Américains en Jordanie dont Le Figaro a annoncé l’entrée en action depuis la mi-août, elles pourraient d’ailleurs se révéler d’une redoutable efficacité et contribuer à l’objectif affiché par les Occidentaux de renversement de Bachar al-Assad.
Depuis 2005, l’ONU prévoit une responsabilité des Etats-membres à protéger les peuples en cas de « défaillance » de leurs dirigeants. Elle n’envisage l’usage de la force que comme ultime recours. Accusés d’avoir abandonné les Syriens à leurs luttes fratricides, les Occidentaux sont taxés d’impuissance. Leur réponse ne doit cependant pas satisfaire au seul désir de riposter pour riposter, de projeter de la puissance par simple vanité. Si l’implication du régime syrien dans le massacre au gaz toxique de la Ghouta est confirmée, si une coalition de grandes nations en tire la justification d’une intervention avec une forme de consensus international, le plan mis en œuvre ne pourra pas faire l’impasse sur une indispensable négociation politique, avec des représentants du régime alaouite, avec ses alliés russes et iraniens, s’il ambitionne vraiment de servir tous les Syriens.
Gérald Papy