L'académie sénégalaise, le poumon du FC Metz

SETAL.NET-Depuis plusieurs années, le FC Metz est le partenaire de Génération Foot, une académie basée près de Dakar (Sénégal). Et où à tout commencé pour Papiss Cissé, Sadio Mané ou Diafra Sakho, dont les transferts constituent une source de revenus indispensable au club lorrain. Il y a ceux qui disposent de moyens quasi illimités et les autres. Le FC Metz, comme la majorité des clubs français professionnels, n‘est ni la propriété d’un riche fonds d’investissement qatari, ni présidé par un milliardaire russe, même soulagé de quelques dizaines de millions d’euros après un divorce coûteux. Pour faire face à son train de vie et à ses dépenses primaires et accessoirement améliorer l’ordinaire, Metz a choisi d’intégrer à son modèle économique un étroit partenariat avec un centre de formation sénégalais, considéré avec Diambars et sacré Cœur comme un des plus performants du pays de la Teranga. Avec un principe simple : faire venir en Lorraine les meilleurs joueurs afin qu’ils y terminent leur formation, avant de les lancer en équipe professionnelle puis de les transférer. Jusqu’à maintenant, le système fonctionne plutôt bien. Avec notamment les ventes de Papiss Cissé (2010) et Fallou Diagne (2012) à Fribourg, de Sadio Mané au Red Bull Salzbourg en 2013 et de Diafra Sakho à West Ham United lors du dernier mercato estival, le club présidé par Bernard Serin a empoché au total 18 millions d’euros. "Le centre de formation à Dakar a un coût : un budget annuel est déterminé entre MM. Serin et Mady Touré, le président de Génération Foot (Mady Touré a créé ce centre de formation en 2000, et le partenariat avec les Grenats a débuté un peu plus tard, ndlr). Nous versons tous les ans une somme d’argent au centre. Et si un joueur qui est formé là-bas vient chez nous et est ensuite transféré, l’argent récolté est affecté à Génération Foot, aux investissements du FC Metz et sert aussi à rembourser nos emprunts. Quand Cissé et Mané sont revendus ensuite à Newcastle et Southampton, il y a également un intéressement qui tombe", résume Philippe Gaillot, l’ancien défenseur du FCM aujourd’hui directeur général adjoint. "C’est une façon de nous rembourser des investissements réalisés à Génération Foot." A la fin de l’année 2013, les nouvelles installations ont été inaugurées dans la région du Lac rose, près de Dakar. "On va encore améliorer les structures sportives, mais aussi d’hébergement et s’enseignement", poursuit le dirigeant lorrain. Des transferts qui rapportent L’académie, qui accueille environ 100 pensionnaires âgés de 13 à 19 ans, est gérée au quotidien par Olivier Perrin, missionné par le FC Metz il y a un peu plus de dix-huit mois. Et le système de détection est plutôt bien rôdé. "On s’appuie sur les réseaux de Mady Touré, lui-même ancien joueur professionnel. On va dans les provinces sénégalaises, mais nous avons aussi nos réseaux dans d’autres pays comme le Mali, la Gambie, le Burkina Faso ou la Côte d’Ivoire. La détection est essentiellement ciblée sur les écoles de foot, après qu’une présélection a été faite par nos correspondants dans les provinces. Ensuite, on organise une détection de masse", explique le formateur. "Si on voit qu’un joueur est très bon, il va pouvoir intégrer Génération Foot." "L’académie, qui dispose de trois terrains gazonnés, forme les joueurs selon une méthode européenne "adaptée à l’Afrique", reprend Philippe Gaillot. "Ainsi, ceux qui sont retenus pour venir à Metz ne sont pas trop dépaysés, même si le passage de Dakar à l’est de la France représente forcément un choc culturel." Les dirigeants messins et leurs homologues sénégalais ont donné une large place au travail de vidéo et d’analyse tactique. "Nous insistons beaucoup sur cela. Comme nous insistons beaucoup sur la récupération, l’alimentation, l’hydratation. Il y a aussi un travail individualisé, notamment en salle de musculation. Des aspects fondamentaux si on espère effectuer une carrière professionnelle en Europe", explique Olivier Perrin. "Les jeunes qui intègrent l’académie ont l’habitude d’évoluer sur des terrains sablonneux. Ils manquent évidemment de bases tactiques, et jouent beaucoup à l’instinct. Leur apporter de la rigueur, sans bien sûr négliger leurs caractéristiques propres fait partie de leur formation." Une formation qui ne se limite pas aux seuls choses du terrain. "A Génération Foot, les pensionnaires suivent une scolarité normale. Ils ont un entraînement par jour, parfois deux, mais sinon, ils étudient. C’est indispensable. Certains ne feront pas carrière, et il faut donc qu’ils soient armés pour entrer dans la vie active. Nous en avons qui ne savent ni lire ni écrire en arrivant à l’académie. Il y a un processus d’alphabétisation. Le renforcement du programme scolaire fait partie de nos objectifs", explique Philippe Gaillot. Olivier Perrin : "On prend le temps qu’il faut" Mais si le FC Metz a récupéré plusieurs millions d’euros en transférant plusieurs de ses joueurs, son président Bernard Serin s’est fixé un autre objectif, celui d’attirer d’éventuels partenaires financiers. "Au Sénégal, trouver des sponsors n’est pas une chose évidente. C’est moins inscrit dans les habitudes. Un tel modèle économique demande des moyens humains et financiers, mais aussi du temps. On ne se précipite pas, en prenant le temps qu’il faut. Ce partenariat avait même failli capoter, et c’est le président qui l’a relancé. Prenez le cas de Diafra Sakho : il est venu au foot assez tardivement, puisqu’il pratiquait surtout l’athlétisme. Et quand il est arrivé à Metz, il a mis un certain temps à s’adapter. On l’a prêté à Boulogne-sur-Mer, et lors de la saison en National (2012-2013), il a explosé, nous aidant à retrouver la Ligue 2 en marquant 19 buts. En tout, cela a pris presque cinq ans", résume Perrin. La réussite de ce partenariat franco-sénégalais suscite évidemment de la curiosité au-delà des frontières : des clubs espagnols et italiens l’observent avec beaucoup d’attention…