L’acquisition du Domaine du Général Chevance Bertin à Bambilor par l’Etat -Wade : une vaste escroquerie. (Par Mody Niang)


La gestion scandaleuse du fameux ‘’Projet de Construction et de Réhabilitation du Patrimoine bâti de l’Etat’’ (PCRPE) occupe une place privilégiée parmi ‘’les cas illustratifs de mal gouvernance’’ mis en évidence par l’l’Inspection générale d’Etat (IGE) au cours de ses contrôles. J’ai rappelé, dans mes deux dernières contributions (les 21 et 28 novembre 2018) qu’il a été créé par les Socialistes par décret n° 97-932 du 18 juin 1997 et logé au cœur de la Présidence de la République (PR). Le candidat Abdoulaye Wade s’engageait fermement, une fois élu, à le dissoudre dès les premiers mois de sa gouvernance. 
On connaît la suite : triomphalement élu le 19 mars 2000, il conserve le PCRPE non seulement au cœur de la PR, mais en renforce le pouvoir ‘’corruptogène’’, en l’érigeant en ‘’Agence du Programme de Construction d’Immeubles administratifs et de Réhabilitation du Patrimoine bâti de l’Etat’’, par décret n° 2004-193 du 17 février 2004. Le PCRPE a enrichi nombre de Socialistes et de Libéraux entre 1997 date de sa création, et 2009 celle de sa dissolution (décret n° 2009-1253 du 11 novembre 2009). Le Projet ‘’Cœur de ville de Kaolack’’ a été, parmi de nombreux autres ayant eu pour maître d’ouvrage le PCRPE, un moyen de piller nos maigres deniers publics. J’ai passé en revue ce pillage organisé resté impuni, dans mes deux précédentes contributions.
Un autre ‘’cas illustratif de mal gouvernance’’ est relatif à l’acquisition du Domaine du Général Chevance Bertin à Bambilor par l’Etat-Wade. Un gros scandale, une vaste escroquerie orchestrée par le vieux président prédateur lui-même. Il s’agissait d’une sombre affaire d’acquisition de ces terres par l’Etat, plus exactement par le vieux président-politicien sous le manteau de l’Etat. Le ‘’Rapport public sur l’Etat de la Gouvernance et de la Reddition des Comptes’’ de juillet 2014 (pp.76-81) explique, d’emblée, que « cette opération foncière, au motif déclaré de sécuriser les villages situés à l’intérieur de ces terres comporte, sur fond de détournement d’objectif, des manœuvres de contournement de la loi ». 
Le Rapport poursuit : « Par ailleurs, il y est relevé la perte de ressources fiscales, l’enrichissement de particuliers au détriment de la collectivité nationale et du Trésor public (…) ».
Le Rapport rappelle que des villages traditionnels de Bambilor, Déni Guèdj, Gorom II, Mbèye, Nguendiouf et Wayembam étaient « implantés dans le périmètre du titre foncier n° 1975/R situé dans le Département de Rufisque et appartenant aux héritiers du Général Chevance BERTIN. » C’est sous le prétexte fallacieux de ‘’sécuriser’’ lesdits villages que le vieux prédateur a acquis les terres sous le manteau de l’Etat. Le motif réel, on le connaît : « Son soubassement véritable était un projet planifié d’enrichissement de particuliers. » 
En effet, « les terres acquises par l’Etat ont été cédées à des particuliers, qui les ont revendues notamment à la Caisse de Dépôt et de Consignation et à une coopérative d’habitat dans des conditions qui ignorent toutes les règles de gestion de gestion du patrimoine foncier de l’Etat ». Le Rapport de l’IGE continue son explication de texte en ces termes : « Ainsi, les personnes physiques ou morales impliquées dans l’opération ont été attributaires ou concessionnaires de vastes étendues de terres, sans qu’elles aient été porteuses de l’un quelconque des projets prévus par la réglementation, mais simplement dans un but spéculatif. »
Tout au long de ce projet planifié d’enrichissement facile de particuliers, la loi a été violée sans état d’âme, et dans l’indifférence généralisée. Elle l’a été dans les attributions de vastes parcelles par voie de bail. Ces baux, notent les contrôleurs de l’IGE, « ont été consentis sans respect des conditions prévues par la loi, notamment, l’obligation de mise en valeur incombant aux attributaires. 
Ainsi, soit aucun programme immobilier n’a été présenté, soit, le cas échéant, celui-ci n’a pas été agréé par les services techniques compétents qui ignoraient tout de son existence ». S’y ajoute que « ces programmes n’ont jamais eu un début de réalisation, ce qui constitue la preuve manifeste qu’ils n’étaient qu’un alibi pour se livrer à la spéculation ». Les lois et règlements ont été aussi allègrement violés dans la cession des terrains domaniaux au profit d’individus qui ne sont ni titulaires de baux ni de titres d’occupation. Dans ce cas, « seule une autorisation législative pourrait permettre la gestion directe ». 
Or, celle-ci n’a jamais existé.
Il y a aussi que, dans les importantes transactions immobilières, les recettes fiscales perçues par le Trésor public sont des miettes par rapport à ce qu’il aurait dû percevoir. Ces recettes proviennent des « droits d’enregistrement et de la taxe de plus-value immobilière exigibles sur lesdites transactions ». 
Les bénéficiaires de cessions indues de terrains, les ont purement et simplement vendus, « sans avoir réalisé le moindre aménagement sur les sites contrairement à leurs déclarations ». « (Ils) auraient dû donc, poursuit le Rapport de l’IGE, être taxés sur la différence entre le prix d’acquisition et le prix de cession ». Rien de cela n’a été fait. Au contraire, «  la plus-value a été minorée, sans que l’administration ait mené la moindre action pour redresser les bases de taxation, de toute évidence fortement sous-évaluées, et sauvegarder les intérêts du Trésor public ». 
La préoccupation des responsables véreux de cette administration était tout autre : ils privilégiaient manifestement leurs intérêts égoïstes, au détriment de la collectivité nationale. La conséquence directe de leur cupidité morbide, c’est que « l’Etat a perdu dans ces opérations, hors toutes pénalités, amendes et intérêts de retard la somme de trente milliards cinq cent trente-trois millions quatre cent cinquante-six mille (30.533.456.000) francs CFA ». 

Milliards ainsi répartis :
- revenus de cession du domaine privé de l’Etat : 22. 990. 000. 000 francs CFA ;
- droits d’enregistrement : 3. 738. 394. 000 francs ;
- droit de timbre : 2000 francs ;
- taxe de plus-value immobilière : 3. 805. 060. 000 francs.

Avec l’application des pénalités, amendes et intérêts de retard, les pertes du Trésor public pourraient dépasser 40 milliards. Peut-être même plus, si on considère l’ampleur de toutes les opérations frauduleuses. Ces milliards du pauvre contribuable sénégalais ont sûrement garni les comptes de responsables de l’administration fiscale occupant encore aujourd’hui de hautes responsabilités, et continuant probablement leurs forfaitures, en toute impunité . Nous en aurons davantage le cœur net dans notre prochaine contribution. Nous nous emploierons à illustrer, en nous appuyant toujours sur le Rapport de juillet 2015 de l’IGE, comment celui qui se proclamait fièrement ‘’fabricant de milliardaires’’, a passé le plus clair de sa longue et scandaleuse gouvernance, à enrichir sans cause une minorité de particuliers.
Dakar, le 4 décembre 2018

Mody Niang
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Mercredi 5 Décembre 2018 06:16

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