"La Cour (...) à l'unanimité, dit que la République du Sénégal doit sans aucun autre délai soumettre le cas de Hissène Habré à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale, si elle ne l'extrade pas", a déclaré le président de la CIJ, Peter Tomka, lors d'une audience à La Haye.
Estimant que le refus de Dakar de poursuivre Hissène Habré pour crimes contre l'humanité ou de l'extrader "viole l'obligation générale de réprimer les crimes de droit international humanitaire", la Belgique avait saisi la CIJ le 19 février 2009, lui demandant d'ordonner au Sénégal de le juger ou de l'extrader.
Après la publication de cet arrêt, l'Union africaine (UA) et le Sénégal ont aussitôt entamé des consultations dans le but de juger Hissène Habré, a affirmé le représentant sénégalais auprès de la Cour internationale de justice. "Les consultations entre l'Union africaine et le Sénégal en vue de mettre en place le plus vite possible un dispositif pour juger Hissène Habré ont débuté aujourd'hui même", a déclaré à des journalistes Cheikh Tidiane Thiam, agent du Sénégal auprès de la CIJ.
"UNE VICTOIRE POUR LES VICTIMES"
Le Sénégal ne doit cependant poursuivre Hissène Habré que pour les crimes présumés commis après l'entrée en vigueur et la ratification par le Sénégal de la Convention sur la torture, le 26 juin 1987, a souligné Peter Tomka. L'article 7 de cette convention spécifie notamment qu'un Etat "sous la juridiction duquel l'auteur présumé d'une infraction" est découvert, doit soumettre ce dernier à ses autorités compétentes ou l'extrader.
Renversé par l'actuel président, Idriss Deby Itno, Hissène Habré vit en exil à Dakar depuis sa chute, en 1990, après huit ans au pouvoir. Selon une commission d'enquête tchadienne, son régime a fait plus de quarante mille morts parmi les opposants politiques et parmi certains groupes ethniques. Dakar avait accepté en 2006 de juger M. Habré à la demande de l'Union africaine (UA), mais n'a jamais organisé de procès.
"L'arrêt d'aujourd'hui est une victoire pour les victimes de Hissène Habré qui se sont battues depuis vingt et un an", a déclaré Reed Brody, chargé du dossier pour Human Rights Watch, dans un communiqué. "C'est un message fort adressé aux nouveaux dirigeants du Sénégal : ils doivent agir rapidement pour honorer leur engagement à livrer Habré à la justice", assure-t-il.
Le Monde avec l'Afp