Ainsi, on peut perdre un tournoi international sans avoir encaissé un but. La Côte d’Ivoire vient de le faire et on imagine que le retour à Abidjan sera terrible. Dans une finale aussi décousue qu’excitante, chaque équipe a eu sa chance. Les Eléphants, peut-être un peu plus et Didier Drogba regrettera longtemps ce pénalty raté de la soixante-dixième minute. La Côte d’Ivoire jouait en orange la CAN Orange, la couleur des Pays-Bas, l’ornement des perdants. C’est injuste mais c’est ainsi. Et Hervé Renard, souvent pertinent, avait raison de croire qu’un parfum particulier accompagnait son équipe. Les Balles de cuivre se sont avérées mortelles pour tous leurs adversaires.
Blatter, Platini, Pelé
De la grosse légume pour assister à cette finale de la vingt-huitième. Hayatou, Blatter, Platini, Pelé ; Ali Bongo et Obiang Nguema, les deux chefs d’Etat des pays organisateurs ; Alassane Ouattara, celui de la Côte d’Ivoire et quelques anciens de la Zambie, dont l’impayable Kenneth Kaunda, celui-là même qui avait rebaptisé la sélection de Lusaka, le KK Eleven. Les Eléphants sont en orange, les Chipolopolo en vert, avec une splendide barre verticale (rouge-noir-orange) sur le flanc gauche.François Zahoui a rajouté une casquette à sa flamboyante cravate orange, Hervé Renard n’a rien changé à son style habituel. Une minute trente de jeu, et à la suite d’un corner, Nathan Sinkala frappe du point de pénalty mais Barry se détend superbe et capte près de son poteau droit. Il n’a toujours pas pris de but. Les « Balles de cuivre » sont sans complexes, elles combinent à merveille en ce début de match. En intervenant superbement, sur une incursion de Gervinho (4è), Musunda se blesse. Il sort, en pleurs, consolé par Drogba et quelques coéquipiers. Mulenga rentre (10è). A la suite d’une longue touche, Lungu sert Emmanuel Mayuka qui envoie une tête au-dessus (14è). Les Chipolopolo jouent très vite, dans le bon tempo, sans que le ballon leur brûle les pieds au contraire de la première mi-temps de la ½ finale contre le Ghana. Un coup-franc lointain de Kabala est détourné, à quelques centimètres du poteau de Copa Barry, en corner. Sur celui-ci, Gervinho et Kalou rappellent aux hommes d’Hervé Renard à quelle vitesse des Eléphants peuvent mener un contre. Comme le proverbial lait qui bout ; faire attention, toujours. Deux corners à la suite ne donnent rien. Sur une action d’école de…handball, partie de la gauche, Gosso Gosso centre pour Drogba qui talonne pour Yaya Touré qui met de peu à côté alors que Kweeme est archi-battu (31è). Ca se rapproche. Dans les tribunes, les dignitaires font les malins devant les caméras. François Zahoui braille, debout, au bord de la touche. Les deux équipes se livrent au stade d’Angondjé, de la désormais cultissime amitié sino-gabonaise. Les lignes s’étirent, il fait 31° (83% d’humidité) et il pleut. Gervinho effleure la balle sur un service de Drogba (38è) et Sinkala se signale encore sur corner en ratant une bonne opportunité, il se déchire complètement (39è). Renard ruisselle, accoudé sur l’abribus qui protège son banc, il semble pensif. Citrons pour les orange et les vert à barre verticale tricolore.
Le blues de Drogba
Le terrain est salement cabossé : les Chinois ont encore à apprendre sur la façon de faire pousser les gazons. Les Eléphants appuient en ce début de deuxième mi-temps. Une tête sans danger de Drogba sur un coup-franc de Kalou (53è) met – provisoirement ?- fin à une faille spatio-temporelle de cinq minutes où maladresses et grand n’importe quoi président à la destinée du match. Le match s’enflamme de nouveau, les Chipolopolo jouent maladroitement quelques contres supersoniques. Deux corners de suite, comme les Ivoiriens avant la pause, ne donnent rien. Mayuka s’échappe sur la droite (61è), il centre pour Kabala mais Gosso Gosso repousse en corner (ter). Ceux-ci sont tirés selon des combinaisons rabâchées à l’entraînement et ne donnent toujours rien. Les Eléphants sont de plus en plus fébriles. Ils ratissent du jaune (Tioté, Bamba). Il y a du K.O dans l’air. Kalou échoue de peu sur l’aile gauche (67è) avant que Gervinho ne s’écroule bizarrement sur un sandwich zambien (Chansa-Mulenga) ; l’arbitre siffle un pénalty qui semble sévère. Bon prince, Didier Drogba le frappe au-dessus (70è). Le blues d’un Blue. Le stade Libreville devient fou. Les Balles de cuivre courent comme des dératés. Le pénalty est dans toutes les têtes. Kalou et Zokora sont sortis (remplacés par Gradel et Ya Konan) tandis que Felix Katongo entre à la place de Mulenga. Sur Twitter, Wayne Rooney vient juste de voir le « pénalty affreux de Drogba. C’est un grand joueur mais je pensais qu’il marquerait le but vainqueur». Gradel manque celui du sacre sur une drôle d’action où Kweeme est, pour une fois, aux fraises (87è). Le temps file vers le premier (0-0) de cette CAN, le premier du tournoi. En finale…Troisième extra-balle de cette CAN après les deux quarts de finale de dimanche dernier (Gabon -Mali et Ghana-Tunisie ). Cette finale est à l’image du tournoi, inégale mais excitante. Kweeme est impérial dans les airs. Sur un contre, énorme occasion pour les Chipolopolo via les Katongo bros. Felix déborde côté droit pour Christopher qui du bout du pied droit frappe le long du poteau droit, Coppa Barry est pris à contre-pied mais repousse la balle de la jambe sur son poteau qui sort en corner. Renard exhorte ses troupes à faire la différence avant les pénos. Zahoui braille tout pareil. Zambie-Côte d’Ivoire, quatrième acte. Cela reprend comme pour la première prolongation, Kweeme souverain sur ballon haut et des contres zambiens. Gradel fait des ravages sur le flanc gauche mais cela n’aboutit pas. Tioté, en position de hors-jeu, aux six mètres ne parvient pas à tromper le gardien des Chipolopolo. Les Eléphants acculent les hommes de Renard sur leur but. Les trois semaines de tournoi commencent à peser lourd dans les jambes. Frappe de trente mètres de Kalaba, à côté, sans danger pour Barry (114è). Hervé Renard est en colère, on ne sait pas contre qui mais il braille très fort. Fin de la messe : tirs au but. La Côte d’Ivoire, coutumière du fait depuis son titre de 1992, va y laisser ses dernières illusions.