Il y a déjà longtemps que les personnes attachées à nos valeurs ancestrales, « dire la vérité », « respect de la parole donnée », « jugement basé sur la vérité », « ne pas travestir la vérité », « ne pas créer une contre-vérité », ont perdu leurs repères et ne savent plus à quelle « sainte désinformation » se fier. L‘Administration coloniale, en ne respectant aucun pacte signé avec les autorités des royaumes trouvés sur place, avait , très tôt, donné le ton. Le papier signé par le chef blanc en kaki ne servait que ses intérêts conjoncturels. Lorsque ses intérêts changeaient, il n’hésitait pas à le jeter allègrement à la poubelle sans consulter les protagonistes de l’accord signé. Ainsi, pour les populations, le pacte de la parole donnée était-il plus fort, plus solide et plus pérenne que la signature couchée sur du papier. Nos gouvernements des indépendances à nos jours ont très souvent appliqué cette pratique déloyale héritée de la colonisation. Les syndicats des travailleurs peuvent brandir un empilement d’accords successifs signés sans être respectés. Combien de jugements en faveurs de travailleurs sont restés non exécutés ? L’adage populaire a convenu que la politique est une anti valeur synonyme de mensonge. Jeunes, nous avions régulièrement vu l’empilement de poteaux électriques annonçant l’électrification imminente du village ou du quartier à la veille d’une élection importante. Puis, l’élection passée, nuitamment un camion revenait récupérer les poteaux qui disparaissaient avec la promesse d’accès à l’électricité. L’homme et la femme politique ont, au fur et à mesure des années, affiné leurs stratagèmes d’énoncés péremptoires de contrevérités et de promesses mensongères. En effet, il est arrivé une nouvelle expertise, la communication. Une expertise importante, essentielle pour sensibiliser, mobiliser sur la santé publique, l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques, l’hygiène, l’environnement, le déboisement, la sécurité, les maladies sexuellement transmissibles, etc. Les politiciens se sont emparés de la communication pour en faire l’arme imparable pour rendre absorbables et digestes leurs promesses qui, à force d’être reniées, ont installé dans l‘esprit des populations que la « la parole du politicien n’engage que celui qui la croit ». Petit à petit, malheureusement, la politique est devenue un métier à part entière. Des hommes et des femmes, sans activité professionnelle connue, pauvres à l’origine, se sont enrichis à une vitesse exponentielle grâce à leur accession à des positions prestigieuses dans l’appareil d’État à travers uniquement la politique. Le petit politicien du coin, mal fagoté, méprisé, chahuté, connu pour ses mensonges à répétition, était devenu une personnalité importante. Il portait désormais ñetti abdou, costumes, avait de grosses voitures neuves rutilantes, distribuait des billets de dix mille francs CFA, avait la voix impériale, les gestes paresseux et une horde de laudateurs à ses bottes. Les politiciens avaient fait de leur métier une chasse-gardée. Les cadres, les intellectuels devaient servir le pays. Ils ne devaient pas s’intéresser à la politique, l‘espace où se prennent les décisions qui peuvent transformer le destin du pays. Et la majorité de cette catégorie sociale, inconsciemment, avait fini par intérioriser ce mensonge idéologique de cette nouvelle caste de prédateurs des biens publics. Il n’est pas rare d’entendre le professeur n’a rien à faire dans la politique ! Le médecin, sa place est dans l’hôpital ! L’ingénieur ne doit pas se salir les mains dans la politique ! Heureusement que ce rideau de désinformation, de contrevérités, commence à se déchirer. Cependant personne ne pouvait imaginer la puissance qu’allait donner au mensonge l’Internet et les réseaux sociaux. Des femmes et des hommes, sortis de nul part, affublés de noms tirés de la Grande Histoire, de noms de héros admirables, parsèment nos WhatsApp, nos TikTok, nos pages Facebook, etc. Ils ont appris à s’adresser en public. Ils savent tenir en haleine sur un sujet dérisoire. Ils connaissent le bon moment pour dire une sornette. Ils sont futés pour rassembler de faux arguments, donner de faux exemples, pour enfoncer dans la tête de leur auditoire leur mensonge. Ils sont devenus des vedettes nationales et même internationales. Ce sont des intouchables. Gare à vous si vous osez remettre en cause leur « sacro-sainte vérité ». Vous serez dénudé, trainé dans la boue, humilié. C’est pourquoi cette nouvelle caste est redoutable. Elle fait peur aux honnêtes citoyens qui, fatalistes, préfèrent s’en laver les mains, vaquer à leurs occupations. Ainsi, inconsciemment, contribuent-ils au renforcement par la terreur du pouvoir de cette nouvelle caste, d’avocats du diable, cette nouvelle armée de Satan. Les politiciens se sont emparés de ces soldats des ténèbres du vingt-unième siècle. Les partis politiques ont constitué des armées d’activistes à leur solde dans le seul but de garder le pouvoir ou d’arracher le pouvoir. Il n’y a plus de tabou, aucune valeur n’est préservée. La seule valeur est le pouvoir : s’y maintenir coûte que coûte ou bien s’en emparer au plus vite. Plus le mensonge est gros, plus il sera difficile à effacer! Plus une personne sera discréditée par une contre-vérité, moins facile sera le moyen de la réhabiliter ! Ainsi tout y passe! Les faits sont falsifiés, mis dans des contextes inadéquats. Les autorités politiques, religieuses, intellectuelles, traditionnelles, sont affublées de tares afin que leur discours soit inaudible ou tout simplement inacceptable. Au langage policé, ces soldats sataniques ont substitué le langage cru, le langage de l’incorrection et de l’insolence. Ce sont en fin de compte tous les ressorts de stabilité sociale qui sont un à un méthodiquement brisés pour espérer ainsi obtenir une société désarmée, sans protection, à la merci des turbulences dévastatrices. La vérité est d’autant plus orpheline que ces activités ont attiré les entreprises, les États et les groupes terroristes. Les entreprises y trouvent un moyen de gagner facilement de l’argent, les États le moyen d’étendre leur influence et les groupes terroristes le moyen de recruter ou d’instrumentaliser à distance des personnes innocentes. Le citoyen devient une proie à atteindre, à apprivoiser, à défaut à anesthésier ou bien à rendre totalement opposé à telle situation ou à telles personnalités. Cette machine de la désinformation n’a pas de frontière. Aucune population n’est à l’abri. C’est pourquoi il est essentiel de bâtir un système éducatif fondé sur notre identité, nos langues maternelles, nos religions, nos valeurs cardinales de culture et de civilisation, la science et la technologie. La reconquête de la vérité dans l’espace public est intimement liée à notre capacité d’être autonome dans notre manière de pensée, d’être indépendant, de refuser catégoriquement de laisser un cavalier des forces de l’ombre s’installer dans notre cerveau. La dignité de l’être humain est intrinsèquement liée à sa capacité de discernement, à sa capacité à réfléchir en son âme et conscience et à son refus d’être le mouton qui suit tranquillement son bourreau à l’autel de son sacrifice. Notre monde est rempli de mirages sédatifs virtuels inédits. La drogue virtuelle est plus puissante que la cocaïne. Refusons l’accoutumance au discours satanique virtuel qui asservit l’être humain que nous sommes ! Disons non à la transgression de nos valeurs qui nous protègent ! Accrochons-nous à la Vérité avant que le Déluge virtuel ne l’emporte ! Je vous souhaite une excellente journée dominicale sous la protection divine.rp Dakar, dimanche 19 février 2023